L’Université de Sherbrooke au centre de la recherche en santé mentale 

Par Émilie Oliver 

L’Université de Sherbrooke et la Fondation Aléo seront à la tête d’une Chaire de recherche mettant l’accent sur la santé mentale au sein des athlètes élites et les étudiants-athlètes de haut niveau. Six porte-couleurs ont obtenu une bourse de la Fondation Aléo en 2024.

L’Université de Sherbrooke (UdeS), en collaboration avec la Fondation Aléo, tente de combler le retard du Québec et du Canada en ce qui concerne la recherche liée aux athlètes de haut niveau. La Chaire de recherche mettra de l’avant l’accompagnement psychosocial comme moyen d’intervention. 

Les troubles de santé mentale chez les athlètes d’élite sont très fréquents, particulièrement chez les femmes. En effet, les chiffres expliquent qu’entre 20 à 38 % des athlètes d’élite et des étudiants-athlètes présentent des troubles d’anxiété ou de dépression, tandis que 8 % souffrent de troubles alimentaires. 

Sherbrooke s’engage donc à se mobiliser face à ces chiffres, en comptant sur son alliée, la Fondation Aléo, avec qui l’UdeS collabore déjà depuis cinq ans. En ce sens, les deux organisations ont annoncé la création d’une Chaire de recherche visant à optimiser l’accès au sport de haut niveau et à améliorer l’accompagnement psychosocial des athlètes.  

Un projet structurant pour les cinq prochaines années 

Ce projet de collaboration, piloté par la professeure Véronique Boudreault, titulaire de la Chaire de recherche Aléo, et Sophie Brassard, Ph. D. en orientation spécialisée dans l’accompagnement des athlètes de haut niveau, vise à collecter des données pour développer et appliquer des solutions concrètes. Leur objectif : outiller efficacement les athlètes, leurs parents et leurs entraîneurs en créant un écosystème multidisciplinaire regroupant psychologie, sciences de l’activité physique et éducation - une première au Québec. 

La Professeure Boudreault soutient que la recherche sur les athlètes d’élite au Québec est peu développée, en comparaison aux États-Unis, où la littérature scientifique est plus abondante en la matière, bien qu’elle concerne majoritairement les athlètes de la NCAA, sans prendre en compte les adolescents-athlètes. Les recherches semblent également être plus abondantes du côté de l’Europe, mais les structures différentes rendent la tâche d’analyse relative au contexte québécois plus compliquée. 

« Remplir le coffre à outils » 

Le projet s’inscrit dans une logique de solutions concrètes qui pourront être apportées directement aux athlètes, en collaboration avec Excellence Sportive Sherbrooke (ESS) ainsi que l’Institut national du sport du Québec (INS du Québec), en plus de l’Alliance Sport-Études. 

« On pense que les athlètes d’élite, ceux et celles qui font de la compétition de haut niveau, sont immunisés contre les problématiques de santé mentale. On s’est intéressés et on a étudié ces problématiques de santé chez les athlètes olympiques ou paralympiques, mais les jeunes athlètes d’élite aspirent à devenir comme ces derniers. La culture dans le sport est la même, elle percole jusque dans les clubs régionaux. Cette culture n’est pas documentée et elle influence les milieux sportifs. Le sport, c’est bon, mais il y a des angles morts auxquels il faut s’intéresser », poursuit Véronique Boudreault. 

Une attention particulière portée aux femmes 

Pourquoi les femmes seraient-elles plus à risque? Pour la Professeure Boudreault, la question demeure ouverte. « Pour l’instant, on n’a que des hypothèses. La prévalence dans la population est similaire. Est-ce que les filles sont plus enclines à participer aux projets de recherche et à se dévoiler? », se questionne-t-elle. 

« Le sport, c’est aussi très centré sur des valeurs masculines. Les standards d’entraînement sont plutôt basés sur des besoins masculins. Est-ce que les jeunes filles en paient le prix dans certains sports? C’est ce qu’on veut aller voir pour que les milieux puissent s’adapter. » 

Un partenariat stratégique 

La Fondation Aléo et l’Université de Sherbrooke s’appuient sur Excellence Sportive Sherbrooke (ESS), confirme Patricia Demers, Directrice Générale de la Fondation Aléo. « ESS sera notre courroie de transmission afin de nous donner le pouls du milieu, et d’y transmettre les informations qui sont récoltées en amont », explique-t-elle. 

La Fondation Aléo, qui soufflera 40 bougies cette année, soutient depuis sa genèse de nombreux étudiants-athlètes en leur offrant bourses et accompagnement. Parmi ceux-ci, on retrouve des personnalités telles que Joannie Rochette, Mike Matheson, Alexandre Bilodeau et Laurent Duvernay-Tardif. 

Encadrer le sport compétitif différemment 

Les deux femmes à la tête du projet se disent très similaires dans leurs valeurs sportives, ainsi que pour leur vision finale face à leur recherche, tel que l’explique la docteure en orientation spécialisée auprès des athlètes de haut niveau, Sophie Brassard : « Véronique et moi, […] on vient toutes les deux du monde du sport et on aime la recherche. On aime que ce soit concret, et que ça ait un impact immédiat sur le terrain. » 

Docteure Brassard affirme que cette initiative vise à transformer le sport de compétition au Québec. « À la Fondation, on est convaincu que la performance, le haut niveau et la compétition, ce n’est pas ça qui est malsain. Ce qui l’est, c’est la façon que l’on prend pour s’y rendre. » Les deux femmes souhaitent tout mettre en œuvre pour « qu’un bon chemin soit tracé ». 

Une fois que la Chaire produira des résultats préliminaires, le souhait est de transmettre l’information aux partenaires le plus rapidement possible dans un souci de réactivité. « C’est notre force, à la Fondation, et dans ce partenariat avec l’UdeS. Dès que la recherche bouge, le terrain bouge », explique Sophie Brassard. 

« On a cinq ans pour redorer l’image du sport de compétition, tout en espérant qu’on puisse poursuivre le travail au-delà. Il y a moyen d’avoir du plaisir, même dans la compétition. Les deux ne sont pas incompatibles », poursuit Sophie Brassard. 

« Les athlètes peuvent être performants, avoir énormément de plaisir et être en sécurité. C’est ce qu’on veut lancer comme message. » 


Crédit : Karine Couillard

Émilie Oliver
Cheffe de pupitre SPORTS ET BIEN-ÊTRE at Journal Le Collectif  sport.lecollectif@usherbrooke.ca  Web   More Posts

Sportive depuis son plus jeune âge, Émilie a à coeur la santé, le sport et le bien-être. Elle a obtenu son baccalauréat en communications appliquées en 2021 tout en étant étudiante-athlète auprès du V&O Rugby. Elle poursuit ses études au certificat en langues modernes. 

Fervente des sports émergents, elle s’efforce de porter l’attention de la communauté étudiante vers les nouvelles disciplines, tout en mettant en lumière les sports établis et populaires. Elle est fière de pouvoir mettre son grain de sel à la section Sports et Bien-être depuis déjà quelques années. 

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