Soudan : Une guerre oubliée 

Par Meg-Anne Lachance 

L’armée soudanaise a lancé sa première offensive depuis des mois pour reprendre la capitale contrôlée par le FRS depuis le début du conflit. 

Classé comme étant «l’enfer sur Terre» par The Economist et comme «l’une des pires situations au monde» par l’ONU, la crise au Soudan continue malgré tout de sombrer dans l’oubli. Caché dans l’ombre de Gaza et de l’Ukraine, le conflit ne fait «que s’empirer» selon l’ONU. Retour sur cette guerre inconnue.  

Le conflit, commencé en avril 2023, a débuté après une période de joie au pays. En 2019, la population civile avait réussi à mettre dehors le dictateur Omar El-Bechir, qui était en place depuis 30 ans.  

Cette joie n’a été que de courte durée. Peu de temps plus tard, les militaires ont pris le pouvoir et ont mis fin au rêve de transition démocratique. Des tensions sont nées au sein même de l’armée avant de se propager à l’échelle du pays en 2023.  

« Une compétition entre deux branches de l’armée s’est organisée pendant quelque temps et en 2023, elle a éclaté au grand jour. D’abord dans les grandes villes et surtout dans la capitale, ce qui n’était pas arrivé depuis le XIXe siècle. Et puis progressivement, cela a gagné l’ensemble du pays. Aujourd’hui, deux blocs s’affrontent sans que l’un réussisse à prendre l’avantage sur l’autre », explique la spécialiste Raphaëlle Chevrillon-Guibert. 

Plus d’un an après son commencement, la guerre entre les Forces de soutien rapide (FRS) du général Mohamed Hamdane Daglo et l’armée menée par le général Abdel Fattah al-Burhane continuent de ravager le pays.  

Reprises des offensives 

L’armée a lancé une importante offensive le 26 septembre dernier. Cette opération marque l’une des premières tentatives majeures de l’armée pour reprendre la capitale depuis des mois.  

Les attaques surviennent au moment où le dirigeant de facto du pays et chef de l’armée Abdel Fattah al-Burhane a fait son apparition à l’Assemblée générale de l’ONU.  

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait exprimé sa « profonde inquiétude » concernant « l’escalade » du conflit, la veille des attaques. 

Selon les propos rapportés par une source de l’AFP au sein de l’armée, cette dernière livrerait « des combats acharnés » à Khartoum. Toujours selon cette source, les troupes auraient franchi deux ponts séparant les parties de la capitale tenues par l’armée de celles contrôlées par les FSR.   

Selon des habitants d’Omdourman, l’opération militaire aurait débuté tôt jeudi matin avec des « tirs d’artillerie intenses » visant des bâtiments résidentiels. 

« Rien que dans notre quartier, trois personnes ont été tuées aujourd’hui », a affirmé à l’AFP un habitant d’Omdourman. 

Le nombre exact de victimes n’a cependant toujours pas été confirmé. 

L’offensive du 26 septembre survient quelques jours après l’attaque des paramilitaires sur El-Fasher, grande ville du Darfour de quelque deux millions d’habitants.  

Dans la mire de la communauté internationale 

La pression du FRS aux portes d’El-Fasher inquiète l’ONU qui met en garde contre les violences « de masse » qui menacent des « centaines de milliers de civils ». 

« La situation humanitaire dans cette zone est déjà catastrophique, avec des centaines de milliers de personnes dans le besoin », a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole de M. Guteres. 

Le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a, quant à lui, souligné le « risque élevé » de violences ethniques qu’il pourrait y avoir si la ville se retrouvait entre les mains du FRS. 

Abdel Fattah al-Burhane a profité de sa visite à New York pour dénoncer le comportement des Forces de soutien rapide et demander aux pays membres de reconnaitre le FRS comme groupe terroriste.  

« Une guerre est menée par un groupe de rebelles bénéficiant d’un soutien politique et logistique au niveau local et régional », a-t-il souligné. « Vous avez tous été témoins des crimes, des violations et des atrocités commis par ces rebelles à l’encontre du peuple soudanais et de l’État soudanais », a continué le général de l’armée. 

Le secrétaire général a par la suite rencontré M. Al-Burhane pour discuter du « besoin d’un cessez-le-feu immédiat et durable ». 

L’Union européenne, la France et l’Allemagne ont déjà appelé à un cessez-le-feu immédiat. Les États-Unis ont également formulé cette demande. Le président Joe Biden a de son côté mandé « les belligérants […] à retirer leurs forces, à faciliter l’accès humanitaire et à réengager des négociations pour mettre fin à cette guerre ». 

Les civils au cœur du conflit 

Depuis le début du conflit, les affrontements les plus intenses ont eu lieu dans des zones à forte densité de population. Les deux camps sont notamment accusés de crimes de guerre pour avoir tous deux visé délibérément des civils et bloqué l’aide humanitaire. 

« Nous sommes alarmés par le rétrécissement de l’espace civique, par les attaques à motifs ethniques et les discours de haine comme par le recours à la violence sexuelle comme arme de guerre », a scandé la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, Martha Ama Akyaa Pobee. 

Joyce Msuya, Secrétaire générale adjointe par intérim des Nations Unies aux affaires humanitaires a, pour sa part, tenu à attirer l’attention sur la famine qui menace le camp de Zamzam. 

Évoquant le rapport de Médecins sans Frontières de février 2024, qui assurait qu’un enfant mourrait toutes les deux heures, Mme Msuya a confirmé la dégradation de la situation : 34 % des enfants souffrent désormais de malnutrition dont 10 % à un niveau sévère. 

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rapporté qu’au moins 20 000 personnes avaient perdu la vie au cours des dix-sept mois de conflit. Certaines estimations parlent plutôt de 150 000 victimes, la plupart n’étant pas recensées, expliquent les médecins ; « Souvent, les gens doivent enterrer leurs proches sur place plutôt que de braver les combats pour tenter de les transporter à l’hôpital. » 

Chose certaine, plus de 10 millions de personnes, soit un cinquième de la population du Soudan ont été forcé de se déplacer, faisant de ce conflit l’une des pires crises humanitaires de mémoire récente, selon l’ONU. « La plupart de nos maisons dans le sud de la ville ont été complètement détruites. Il n’y a quasiment plus personne ici », témoigne un citoyen d’El-Fasher. 


Source: PX Here

Meg-Anne Lachance
Cheffe de pupitre SOCIÉTÉ at Journal Le Collectif

Étudiante en politique, Meg-Anne a toujours été intéressée par les enjeux internationaux, sociaux et environnementaux. Après avoir occupé le rôle de journaliste aux Jeux de la science politique, elle a eu la piqûre des communications. Guidées par un sentiment d’équité, elle s’efforce de donner une visibilité aux actualités oubliées. Féministe dans l’âme, vous pourrez certainement retrouver cette valeur dans certains de ses textes!

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