Quels leviers pour un monde juste et durable ? (1/2) 

Par Louis-Philippe Renaud 

Des leviers et des points de levier aux possibilités exponentielles pour soigner la nature et inverser sa trajectoire de détérioration actuelle ont été identifiés comme stratégies pour propulser les transformations vitales à un mode de vie durable. 

*Ce texte fait partie d’une série de dix articles consacrés au besoin de sortir d’une trajectoire non durable. 

Un exercice scientifique novateur a permis d’identifier des stratégies encore sous-estimées pour propulser les transformations vitales à un mode de vie durable. Comment? En actionnant de façon simultanée des leviers et des points de levier aux possibilités exponentielles pour soigner la nature et inverser sa trajectoire de détérioration actuelle. Ce plan ambitieux adopte une lentille socioécologique qui a le mérite d’éviter les pièges des solutions simples dans un monde de plus en plus complexe et multidimensionnel.  

Comprendre le monde dans lequel on évolue représente un immense défi. Tout s’accélère à un rythme fou et les réponses les plus adaptées aux crises écologiques deviennent de plus en plus complexes. En effet, les solutions climatiques doivent aussi considérer la sauvegarde de la biodiversité, qui, elle, dépend largement de la capacité du système économique à se responsabiliser. 

Il est donc important de rendre accessible le travail des scientifiques qui s’acharnent à considérer la complexité des enjeux et cherchent à proposer des solutions globales et multiples. 

Dans cet esprit, une équipe interdisciplinaire d’expertes et d’experts ont mis en commun leur savoir et celui issu de la littérature scientifique pour identifier comment atteindre la durabilité et le bien-être sur terre. Leur proposition mise sur cinq leviers (où intervenir) et huit points de levier (moyens à prioriser) au potentiel extraordinaire pour faire advenir les transformations sociales et institutionnelles souhaitées. 

Miser sur les influences indirectes 

Cette approche globale parait essentielle pour faire face aux crises interconnectées qui dérèglent à la fois le climat et l’ensemble du monde vivant. Elle se démarque par son audace de revisiter les normes, les valeurs, les règles et les systèmes de gouvernance qui orientent indirectement les choix collectifs en plus de structurer les activités économiques.  

Pour les spécialistes, miser sur les influences indirectes permet de sortir de fréquentes impasses. Généralement, celles-ci résultent de l’opposition entre les forces qui travaillent à engendrer ce qui est souhaitable écologiquement et des intérêts particuliers qui tirent avantage d’un statu quo. L’exercice facilite la possibilité d’aller à la racine des problèmes et de partir en quête de ce qui peut allier écologie et économie. 

Des forces qui s’opposent 

Quand la société civile et les institutions de gouvernance veulent s’attaquer directement à la crise climatique et à celle de la biodiversité, leurs capacités d’actions sont indirectement réduites par certaines normes. Par exemple, celle de la croissance infinie liée au PIB (Produit intérieur brut) propulse une consommation énergétique encore dépendante des énergies fossiles et exploite la biodiversité en dehors des limites planétaires à respecter pour maintenir un monde viable.  

La logique des leviers 

Les cinq leviers représentent des actions stratégiques globales à grande échelle tant sociale qu’institutionnelle. L’objectif : trouver où intervenir de manière prioritaire et collaborative pour maximiser les possibilités de générer des changements transformateurs. Le défi réside dans les nécessaires compromis et l’espoir, dans le potentiel des synergies stimulées par une approche cohérente avec la science.  

Les huit points de levier ou points d’appui sont quant à eux des points prioritaires d’intervention où chaque transformation peut engendrer des effets exponentiels sur l’ensemble des systèmes complexes de nos sociétés. 

Par exemple, l’équipe de recherche cible comme point de levier la nécessité de se questionner sur ce qu’est une vie bonne. N’est-ce pas fondamental ? Associer le bien-être au confort matériel et à la consommation avant celui de la qualité de nos relations implique des impacts concrets sur la biodiversité et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Pourtant, quelle vision d’une vie bonne prédomine au sein de la société ? Celle de se procurer un jeans qui rend désirable ou celle qui identifie l’importance d’être aimé et reconnu pour ce qu’il y a de plus beau et unique en soi ? 

Cette figure, tirée de l’article scientifique résumé dans ce texte, offre une vision globale de cette approche novatrice.

Les cinq leviers  

Pour activer efficacement les points de levier, cinq actions et interventions stimulent l’objectif central d’un changement transformateur en profondeur. 

Premièrement, il faut miser sur des programmes d’incitations positives et négatives efficaces doublés d’un renforcement des capacités pour favoriser l’acquisition de compétence pratique de conservation et de gestion du territoire local. Agir ainsi permet par ailleurs de cultiver des normes et des valeurs appropriées à l’objectif. Une réglementation et des instruments tels qu’un marché du carbone ambitieux enchâssé dans la loi pourrait être pleinement efficace. Les incitations volontaires aux effets limités et les subventions à grande échelle doivent pour leur part être réformées en politiques et en gouvernance appuyée par un État de droit fort.  

Deuxièmement, il est primordial d’intégrer une coordination entre les institutions et les juridictions pour faciliter les transformations souhaitées (points de levier), maximiser les co-bénéfices et limiter les compromis. Adopter cette approche écosystémique implique de gérer simultanément l’ensemble des secteurs qui impactent les objectifs promus. 

Troisièmement, appliquer le principe d’actions préventives est essentiel. Plusieurs billions de dollars auraient pu potentiellement être investis dans ces points de leviers par les gouvernements du monde entier si ce principe avait prévalu avant la pandémie… 

Quatrièmement, miser sur l’adoption de politiques et de programmes où les prises de décision sont adaptatives dans des contextes où l’agilité demeure une clé de la résilience face à l’incertitude. À ce titre, le maintien et la valorisation de la biodiversité sont des atouts majeurs parce que cette dernière est l’experte en ce domaine. 

Cinquièmement, l’application du droit environnemental et sa mise en œuvre par un État de droit fort restent bien évidemment une condition préalable déterminante. Renforcer ce levier augmente considérablement la possibilité de protéger les droits de la nature, les générations futures et les populations vulnérables qui, bien souvent, sont les moins responsables des trajectoires non durables.  

À suivre 

Comme chaque point de levier requiert une introduction suffisamment étoffée, ceux-ci seront présentés dans une prochaine parution, restez à l’affut ! 


Source: UltraNan

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