Par Catherine Foisy
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Pieds en terre sherbrookoise pour la première fois, j’étais loin de me douter qu’une onomatopée pourrait devenir réconfortante, encore moins lorsqu’il s’agit d’un «Bou!». Les trois mois suivants sa rencontre furent le temps qu’il me prit avant de la saisir, et encore, plein de secrets se cachent derrière le personnage. On a tous sa petite boîte cervicale où nous enfouissons des histoires confidentielles. Bien, dans son tiroir à elle se cache bien plus que de simples bas.
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L’échange premier
C’est en arpentant sur la Wellington à la recherche d’un petit bistro pour engloutir quelques bouchées à la presse que je l’ai aperçue pour la toute première fois. Nous sommes dimanche après-midi, le vent est chaud et la Well Sud est déserte. Aucun son ne se fait entendre. Sur la terrasse du Liverpool, il y a une dame, une toute petite dame, drôlement vêtue, qui fume sa clope. Entre deux pouffées, elle me regarde d’un regard sciant, et me lance un «Bou!». Ne sachant quoi faire, je lui décroche mon plus grand sourire, ce que je sais le mieux faire. Sans sourire en retour, je me retourne pour continuer ma route, toujours en quête d’un endroit pour me remplir l’estomac alors vide. «Bou!», lance-t-elle de nouveau. Ma mère, qui est à mes côtés, se prête au jeu et lui répond la même chose. Quelques pâtés plus loin, on trouve le bistro recherché et nous ne la voyons plus, du moins, pas en ce 23 août. À part la serveuse qui est fort sympathique, cette dame mystérieuse est mon premier échange ici, ma première rencontre, et deviendra plus tard ma première amie.
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Les jours suivants
Quelques jours plus tard, j’ai mon entrevue au Collectif. Dans la salle d’attente, l’ancienne rédactrice en chef, Marie-Claude Barrette nous invite à feuilleter la dernière édition. Je prends l’édition, le cahier de la rentrée «Voir l’Université autrement» datant du 25 août, puis avec mes loupes en guise de yeux, je zieute attentivement. La petite nouvelle apprenait bien des choses sur sa ville. «Mais où est Madame Bou?», c’est là que je fais le lien. La petite dame toute frêle avec qui j’ai échangé quelques sourires est le personnage célèbre de Sherbrooke.
La semaine suivante, c’est à mon tour d’atterrir derrière le bar du Boquébière. Mon collègue, et mentor en matière de bières, Jo Rondo, me fait goutter plusieurs bières en fût, question de me familiariser avec le menu. La numéro 2 attire mon attention, la Bou! IPA. Jo me confirme, elle porte son nom en l’honneur de cette petite dame. Et au son de ces mots, elle entre, et s’arrête près de tout le monde en leur balançant le mot pour lequel elle est célèbre.
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Le quotidien
Derrière mon bar du Boquébière, je lui verse un verre de bière. «La 11 s’il-vous-plait Boubou», c’est ce qu’elle me demande la plupart du temps. Vous serez d’ailleurs surpris d’apprendre qu’elle ne prend jamais l’élixir qui porte son nom. Les India Pale Ales, ce n’est pas ce qu’elle préfère. Vous la verrez plutôt opter pour une rousse, ou encore une cream ale en fonction de son humeur. Elle aime les cafés aussi, mais pas n’importe quel café, elle a des goûts raffinés en ce qui les concerne. Mais comme le café qu’on sert à nos clients est torréfié par le meilleur torréfacteur de tout Sherbrooke, Julien Yergeau, on est saufs.
Madame Bou a les projecteurs braqués sur elle depuis des mois, des années, mais elle est bien, la lumière lui réchauffe le cœur. Elle aime cela parce que ce qu’elle préfère, c’est «sortir et jaser avec les gens», c’est elle-même qui me l’a dit. Si vous vous en voyez étonnés, c’est que vous ne les connaissez pas assez, sa bonne amie la jasette et elle. D’ailleurs, elle n’a pas la langue dans sa poche! La soirée des élections, elle y était, et sa prédiction qu’elle clamait haut et fort à ce moment: «Ça va brasser de la marde, peut importe qui gagne, check bien ça va brasser de la marde!» (Merci à mon charmant collègue Dadou qui me l’a rappelé grâce à son statut Facebook.) Puis pas plus tard qu’hier, elle sortait son petit air sensible en me disant «Il va avoir une troisième guerre mondiale, tu le sais Catherine, le monde est toff.» Elle est au courant de l’actualité, elle fait partie du même monde que nous, que vous, que moi.
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Le personnage en 7 points
- Quand elle double le «Bou!», voir triple, c’est par amour. Souvent, elle l’utilise en hochant la tête un peu et en avançant un semblant de mouvement de danse.
- Elle aime se faire prendre en photo, surtout lorsqu’elle est entourée de gens qu’elle aime.
- Au Boquébière, on la porte particulièrement dans notre cœur. Lorsqu’elle nous rend visite, elle joue à la boss girl, chose qui est plaisant quand le bar est plein à craquer. Elle semble prendre son rôle très au sérieux, car aucun verre ne lui échappe. En échange, le staff se donne comme mot d’ordre de lui payer quelques galopins de bières.
- Ce qu’elle déteste le plus: «Le frette, l’hiver, je reste en dedans.»
- Elle adore les petits détails. Elle se baladait en ville avec trois paires de boucles d’oreille dont elle était nouvellement la propriétaire. Mais comme ses yeux étaient remplis de fierté! Dès qu’elle croisait quelqu’un qu’elle connaissait, elle n’hésitait pas à relever un brin sa tuque pour montrer ses nouvelles parures.
- Un jour, avant d’être Madame Bou, elle a été Madame Pout Pout. «Il y avait des poules au Carrefour de l’Estrie, puis c’est là que j’ai commencé à faire Pout Pout, les gens trouvaient ça drôle.»
- Elle a habité longtemps à Québec avant de devenir la Madame Bou qu’on lui connait.
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L’origine du Bou!
Elle a passé son enfance en milieu rural, à Baldwin. Jeune, sa famille et elle criaient «Bou!» aux animaux du bois, en plus des souris et des rats qui se promenaient non loin du nid familial. «C’est pour rire», elle me dit. Un jour, elle a recommencé et depuis bientôt 10 ans, elle en a fait son surnom. Est-ce qu’il faut avoir peur lorsqu’elle nous lance son cri de présence? «C’est pour rire, je trouve ça drôle!» elle me répond.
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Cette comique, il n’en tient qu’à vous de la découvrir.