Les TDAH : un problème génétique ou social?

Societe-TDAH-Sourcewww.tdahadulte.caPar Christian Boutin

La santé de l’individu dans les pays occidentaux est une valeur qui prime bien d’autres. Cela se constate aisément au moyen des statistiques records en ce qui concerne l’espérance de vie dans ces pays. C’est entre autres grâce à des avancées médicales comme l’utilisation de vaccins et d’antibiotiques ainsi qu’à l’hyperspécialisation des médecins qu’il est possible, par exemple, d’avoir une espérance de vie de 82 ans au Canada. Cependant, le développement des connaissances médicales entraîne, selon certains scientifiques, un danger pour la population : la médicalisation. L’auteur du livre Medicine as an institution, I. K. Zola, a été le premier à définir le concept de la médicalisation comme la prédominance d’un traitement médical basé sur des connaissances chimiques et biologiques : « Le concept de médicalisation est un processus par lequel de plus en plus d’aspects de la vie quotidienne sont passés sous l’emprise, l’influence et la supervision de la médecine ». Est-il possible d’affirmer, en se basant sur cette théorie, que l’utilisation de plus en plus intensive de psychostimulants à base de méthylphénidate, comme le Ritalin ou le Concerta au Québec, pour traiter les troubles du déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) se fasse aux dépens d’interventions à caractère social?

Il va de soi que dans certains cas, une approche médicale pour traiter un TDAH est la chose à faire. En effet, selon la firme américaine IMS Health, 7 % des jeunes ont génétiquement des difficultés de concentration. La base du problème concerne davantage les jeunes qui se voient diagnostiquer à tort un TDAH. Par exemple, selon une étude de la Revue de presse critique en santé mentale basée sur 174 recherches différentes, 15 % des jeunes Québécois utilisent des psychostimulants à base de méthylphénidate, une hausse de 400 % par rapport à la dernière décennie.

Pour certains, comme la docteure Stacey Bélanger, l’augmentation de l’utilisation de médicaments comme le Ritalin n’a rien d’alarmant ou d’étonnant : « S’il y a davantage d’ordonnances, c’est notamment parce que les médecins sont mieux informés, qu’on a de meilleures évaluations multidisciplinaires pour établir un diagnostic et que les nouvelles molécules à longue durée d’action ont moins d’effets secondaires ». Pour cette dernière, il y a donc une augmentation réelle des TDAH. Pour d’autres, la situation est plus alarmante : elle résulte de l’apparition de la médicalisation comme mode de gestion des problèmes sociaux. L’augmentation des TDAH ne serait donc qu’illusoire. Or, selon Charles Hanley, journaliste et sociologue, pour une même situation, deux théories divergentes ne peuvent être véridiques : « Sur le plan scientifique et selon une analyse logique, si deux théories analytiques sont contradictoires, toutes deux ne peuvent pas être vraies en même temps, et si l’une est vraie, l’autre est fausse ».

Comme l’Amérique priorise l’approche médicale pour régler le problème de troubles neurologiques alors que les chiffres tendent à illustrer que la France préfère l’approche sociale, et ce, malgré des dépenses pharmaceutiques par habitant similaires à celles du Canada, il semble que la solution soit en fait un choix de société. La suite logique de cette réflexion conduit aux questions suivantes : dans le cas de troubles neurologiques, est-il préférable de prioriser un traitement médical à un traitement social? Croit-on qu’une personne en dépression est victime d’un dérèglement chimique qui nécessite des antidépresseurs ou qu’elle est victime d’un moment difficile dans sa vie? Est-il plus réaliste d’affirmer qu’un enfant hyperactif a besoin de Ritalin pour se concentrer ou est-il simplement moins adapté socialement que les autres enfants de son âge? Comment expliquer que 15 % des jeunes soient incapables de se concentrer dans une classe? Des facteurs médicaux peuvent sans doute expliquer cette situation, mais avant de s’embarquer dans cette optique, il faudrait peut-être commencer par s’intéresser à la situation familiale et tout ce qui touche, de près ou de loin, l’univers des jeunes concernés (hygiène de sommeil, mauvaise alimentation, relations sociales, etc.).

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