L’élargissement de l’aide médicale à mourir : une porte ouverte à une nouvelle façon de penser la médecine ?

Par Martine Dallaire

Dans un avenir très rapproché, soit le 12 mars prochain, une personne pourra solliciter l’aide médicale à mourir. Cette modification ne s’appliquera toutefois qu’au Québec.

Sensible aux pressions médiatiques et à celles exercées par différents organismes voués à la défense des droits des malades, le gouvernement caquiste a décidé d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir, en abolissant l’un des six critères requis pour être admissible à recevoir cette ultime procédure mettant fin à la vie. Ainsi, dès le 12 mars prochain, le critère de «fin de vie» inscrit dans la loi provinciale sera inopérant, d’un point de vue juridique.

Une modification des critères d’admissibilité

Dorénavant, tout individu souhaitant obtenir cette intervention médicale devra satisfaire cinq critères plutôt que les six qui figuraient à l’ancienne loi. Le demandeur devra avoir atteint l’âge de la majorité. Il ne devra pas être inapte, au sens des différentes lois régissant l’inaptitude au Québec, et devra être en mesure de fournir un consentement libre et éclairé au traitement, et ce, jusqu’au dernier moment. Le demandeur devra souffrir d’une maladie incurable et grave, tout en éprouvant des souffrances physiques et mentales qualifiées d’intolérables. Pour terminer, un document, attestant que le patient satisfait tous les critères, complété par deux médecins sera requis pour procéder.

Un élargissement attendu de la part de la population

Les modifications apportées à la législation témoignent de la volonté du gouvernement d’être à l’écoute de la population qui, depuis l’entrée en vigueur de la loi, le sollicite afin qu’il examine différentes avenues quant à l’application de celle-ci. De plus, en agissant ainsi, et en renonçant à aller en appel, Québec s’est conformé au jugement de la Cour supérieure, rendu en septembre 2019, qui déclarait inconstitutionnels deux critères : celui de «mort raisonnablement prévisible», ainsi que celui de «fin de vie». Le gouvernement fédéral, lui, n’a pas encore annoncé s’il allait se conformer ou non au jugement rendu par la juge Baudouin, en rapport avec sa loi.

Le cas des patients souffrant de maladie mentale et de déficience cognitive

En plus d’avoir élargi les critères de sa loi, le gouvernement québécois a ouvert la porte à la possibilité de la modifier davantage, alors que certains la qualifient de trop restrictive pour les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer et de différentes formes de démence. En effet, selon la présente loi québécoise, le patient doit être en mesure de fournir un consentement éclairé au moment même de recevoir l’injection létale. Aussi, il a été réfléchi à la possibilité d’élargir en outre, aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, mais aussi aux personnes qui souffrent de troubles mentaux sévères. Un panel d’experts s’est d’ailleurs penché sur la question, le 27 janvier dernier, à Montréal. La ministre McCann s’est dite préoccupée par les inquiétudes de la population au sujet de l’aide médicale à mourir pour les patients souffrant de troubles mentaux. Elle a d’ailleurs décidé de mettre en place un processus de réflexion et de consultation, étant donné la contrainte liée au consentement libre et éclairé dans un contexte de maladie mentale. L’amendement à la loi concernant les gens atteints de troubles mentaux sera donc mis temporairement en veilleuse. Toutefois, celui mis en place pour les personnes ayant une maladie neurodégénérative sera tout de même maintenu.

Une situation plus complexe à gérer concrètement que sur papier

La gestion des cas des personnes inaptes à consentir en temps réel risque de s’avérer complexe. Étant donné que la procédure létale risque d’être administrée à des personnes qui ne comprendront pas les interventions du personnel hospitalier, certains pourraient se buter à des enjeux d’ordres éthique et moral.


Crédit Photo @ Le Devoir

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