L’avortement remis de l’avant 

Par Meg-Anne Lachance 

Des décisions de Tribunal viennent restreindre davantage l’accès à l’avortement en Géorgie et au Texas. 

Depuis la décision de la Cour suprême des États-Unis en 2022 d’annuler le droit fédéral à l’avortement, les États ont intensifié leurs efforts pour renforcer ou restreindre l’accès à cette procédure. Plus de deux ans après l’annulation de Roe c. Wade, des décisions de tribunaux relancent le débat de plus belle. Alors que la course à la présidence est en plein essor, la question de l’avortement semble refaire surface. 

Les débats sur l’avortement et les droits reproductifs ont rapidement refait surface cette semaine. Deux tribunaux, l’un de la Géorgie l’autre du Texas, ont rendu des décisions venant restreindre l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).  

Ces décisions surviennent quelques semaines seulement après le décès d’Amber Thurman, une jeune afro-américaine âgée de 28 ans. Cette dernière a perdu la vie en raison d’une infection liée à un avortement. Une commission officielle géorgienne, composée notamment de médecin, avait finalement conclu que sa mort « évitable » était liée à un délai trop long pour réaliser l’intervention. 

Selon les documents consultés par ProPublica, la jeune aurait fait une « septicémie aiguë » suivant l’administration de la pilule abortive. Malgré l’urgence de son état, l’hôpital a attendu 17 heures avant de réaliser la procédure de dilatation et de curetage, procédure qui est maintenant considérée comme un crime, sauf en cas de rares exceptions.  

Amber Thurman est morte durant l’opération. 

Selon les organisations américaines de défense des droits des femmes, le décès d’Amber Thurman est la première mort dite « évitable » par les professionnels de la santé. « C’est exactement ce qu’on craignait lorsque l’arrêt Roe c. Wade a été aboli », a souligné l’organisation de campagne de Kamala Harris, qui a rapidement dénoncé la situation. 

Suspension de décision en Géorgie 

Le 30 septembre dernier, le juge Robert McBurney de la Cour supérieure du comté de Fulton a statué qu’il était inconstitutionnel d’interdire les avortements après environ six semaines de grossesse. Cette décision vient toutefois d’être suspendue par la Cour suprême de la Géorgie, le temps d’examiner l’appel du gouvernement. 

La loi renversée faisait partie d’une série de lois sur l’avortement adoptées dans plusieurs États sous contrôle républicain, à la suite de l’annulation en 2022 de l’arrêt Roe c. Wade. 

La loi géorgienne interdisait la majorité des avortements dès qu’un « battement de cœur humain » était détectable, ce qui se produit généralement autour de six semaines de grossesse. À ce délai, une majorité des femmes ne sont pas encore conscientes de leur maternité.  

Bien que le gouverneur républicain Brian Kemp ait signé cette loi en 2019, son application n’est devenue effective qu’après l’abrogation de Roe c. Wade. 

Dans sa décision, le juge McBurney a affirmé que « la liberté en Géorgie inclut dans sa signification, dans ses protections et dans son ensemble de droits le pouvoir d’une femme de contrôler son propre corps, de décider de ce qui lui arrive et de ce qui arrive à l’intérieur d’elle-même, et de rejeter l’ingérence de l’État dans ses choix de soins de santé ».  

Il a précisé que l’intervention de la société ne pouvait se justifier que lorsque le fœtus atteint la viabilité, généralement entre 22 et 24 semaines de grossesse. 

La décision du juge McBurney rétablit ainsi les limites de l’avortement en Géorgie à celles qui prévalaient avant l’adoption de la loi restrictive. En réponse, le gouverneur Kemp a exprimé son indignation, affirmant que « la volonté des Géorgiens et de leurs représentants a été annulée par les convictions personnelles d’un juge » et en réaffirmant son engagement à protéger la vie des enfants à naître. 

Cette décision avait été saluée par les prestataires de services d’avortement et les défenseurs des droits reproductifs en Géorgie. Mais la récente annonce de la Cour suprême de l’État de suspendre la décision du juge McBurney fait craindre l’annulation complète du jugement. 

L’interdiction texane maintenue  

Du côté du Texas, la 5e Cour d’appel des États-Unis a récemment confirmé une décision d’un tribunal inférieur qui empêche les hôpitaux texans de pratiquer des avortements en cas d’urgence. Les juges n’ont pas fourni de détails sur leur raisonnement, et aucune opinion dissidente n’a été publiée. 

L’ordonnance du tribunal avait vivement été contestée par l’administration Biden. 

L’administration Biden soutient que, selon la loi fédérale, les hôpitaux doivent effectuer des avortements lorsque la vie ou la santé d’une patiente enceinte est gravement menacée, même dans les États où ces pratiques sont interdites.  

La Maison-Blanche a cité un précédent en Idaho, où la Cour suprême a temporairement permis la reprise des avortements d’urgence, en attendant un jugement local. En revanche, le Texas a demandé à la Cour de maintenir l’ordonnance, arguant que sa situation est différente, car sa loi prévoit des exceptions pour les cas mettant gravement en danger la santé des patientes. 

La Cour suprême du Texas a déjà statué que les médecins n’ont pas à attendre que la vie d’une femme soit en danger immédiat pour pratiquer un avortement. Cependant, des médecins ont exprimé des préoccupations concernant la loi texane, jugée vague et difficile à interpréter, tandis qu’un conseil médical a refusé de clarifier les conditions permettant des exceptions. 

Les avortements restent une option pour les femmes présentant des complications graves, souvent nécessaires pour prévenir des conditions telles que la septicémie ou la défaillance d’organes. Face à l’incertitude légale, de nombreux médecins et hôpitaux au Texas hésitent à procéder à des interruptions de grossesse, craignant des conséquences pénales. 

Les plaintes de femmes enceintes en détresse médicale qui se voient refuser des soins appropriés sont en hausse, un peu partout au pays. Avec les nouvelles législations, les hôpitaux craignant de violer des lois anti-avortement et préfèrent éviter de pratiquer ce type de procédure. 

Pour plusieurs groupes pro-choix, les dernières décisions des tribunaux ne sont malheureusement pas des surprises. « C’est quelque chose que nous avions vu venir », affirme Mini Timmaraju, présidente de Reproductive Freedom for All. « Pour les personnes qui suivaient de près, cela n’a pas été un choc. » 


Crédits: Ted Eytan-The McGill International Review

Meg-Anne Lachance
Cheffe de pupitre SOCIÉTÉ at Journal Le Collectif | + posts

Étudiante en politique, Meg-Anne a toujours été intéressée par les enjeux internationaux, sociaux et environnementaux. Après avoir occupé le rôle de journaliste aux Jeux de la science politique, elle a eu la piqûre des communications. Guidées par un sentiment d’équité, elle s’efforce de donner une visibilité aux actualités oubliées. Féministe dans l’âme, vous pourrez certainement retrouver cette valeur dans certains de ses textes!

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