La laïcité québécoise à l’épreuve des tribunaux 

Par Raphael Roy 

Dans les dernières semaines, un projet de loi controversé, qui avait été adopté à l’Assemblée nationale en 2019 sous le gouvernement de la Coalition Avenir Québec, a refait surface dans l’actualité politique.  

En effet, la Loi sur la laïcité de l’État, mieux connue sous le nom de « loi 21 », est actuellement défendue devant le plus haut tribunal de la province, la Cour d’appel du Québec. 

Les batailles juridiques 

Après avoir adopté sous bâillon le projet de loi avec l’appui du Parti québécois, le gouvernement de François Legault a recouru à l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982. Cela lui a permis d’invoquer la clause dérogatoire, aussi appelée la clause nonobstant. Elle permet de déroger à des droits garantis par certains articles de la charte, en l’occurrence, l’article 3 concernant les libertés fondamentales comme la liberté de religion ou de conscience, et ce, pour cinq ans.  

En 2021, le juge Blanchard de la Cour supérieure avait affirmé que le recours de la clause dérogatoire était légitime dans le contexte de cette loi. Cependant, il avait invalidé deux éléments de la loi, soit l’imposition de la laïcité pour les commissions scolaires anglophones ainsi que la neutralité religieuse pour les députés de l’Assemblée nationale, tel que le rapporte un article du Devoir publié le 24 avril 2021.  

Depuis le début du mois de novembre, la Cour d’appel du Québec s’est saisie du dossier du projet de loi 21 et doit entendre à la fois les arguments des défenseurs du projet de loi ainsi que ceux de ses détracteurs. Plusieurs thèmes seront abordés lors de ces appels de jugement, notamment la légitimité de l’invocation de la clause dérogatoire en ce qui concerne la loi 21. 

Ottawa veut être de la partie 

Comme l’avait affirmé le ministre de la Justice du gouvernement Trudeau dans un point de presse au printemps : « Une fois que la Cour d’appel aura tranché, on ira devant la Cour suprême pour donner notre opinion là-dessus ». En effet, le premier ministre canadien compte s’opposer au projet de loi défendu par le gouvernement du Québec. Dans ce bras de fer juridique, il est possible d’entrevoir de futures relations conflictuelles entre le gouvernement fédéral et le parti de François Legault, nouvellement élu après une victoire éclatante aux élections provinciales d’octobre dernier.  

Deux visions s’opposent derrière l’enjeu de la laïcité, démontrant encore une fois la véracité de l’idée « des deux solitudes », développée par l’écrivain Hugh MacLennan. D’un côté, on retrouve un parti autonomiste qui repose son nationalisme sur trois piliers principaux : la langue, la culture et la laïcité. De l’autre côté figurent des acteurs politiques valorisant le multiculturalisme canadien et désirant protéger les minorités religieuses du pays tout en renforçant l’unité canadienne par la loi des tribunaux fédéraux. La loi 21 ainsi que la loi 96 sur la réforme de la langue française pourraient ne pas passer l’épreuve des tribunaux fédéraux. Dans ce contexte, comment la super-majorité caquiste pourrait-elle répliquer après ce revers politique ?  


Crédit image @Coalition Avenir Québec

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