Par Meg-Anne Lachance
Après avoir accusé Twitter de s’être « interféré dans les élections » en 2022, Elon Musk se trouve à son tour accusé d’ingérence politique. Un an après avoir promis un Twitter 2.0 plus « efficace, transparent et impartial », le réseau social X est à nouveau montré du doigt pour son importante désinformation.
Théories du complot, informations trompeuses et vidéos générées par l’IA, voici quelques exemples de ce qu’il est possible de trouver sur le réseau social X. Elon Musk est notamment accusé de renier sa promesse de 2022 en utilisant son influence pour aider le candidat républicain Donald Trump.
Lors des récentes violences de l’extrême droite au Royaume-Uni, Elon Musk avait été accusé de contribuer à la désinformation. Ce dernier avait commenté « la guerre civile est inévitable » sous une vidéo partageant de fausses informations de l’influenceur Andrew Tate.
Aux États-Unis, Elon Musk est l’une des principales sources derrière la théorie du complot accusant Joe Biden d’avoir aboli les frontières pour recruter de nouveaux électeurs démocrates.
« La stratégie de Biden est très simple : 1. faire entrer autant d’illégaux que possible dans le pays ; 2. les légaliser pour créer une majorité permanente — un État à parti unique », peut-on lire sur une de ses publications, partagée en février dernier.
Le milliardaire a récemment été critiqué pour avoir relayé une vidéo manipulée de la candidate démocrate Kamala Harris. Dans le clip, une voix reproduite de Mme Harris traite Joe Biden de « sénile » et affirme qu’elle n’a « aucune idée de comment diriger ce pays ».
La vidéo, initialement publiée par un animateur de radio conservateur, comportait la mention « parodie ». La publication d’Elon Musk avait cependant retiré cette mention pour simplement écrire « c’est génial ! ».
Elon Musk a par la suite classé la vidéo vue par plus de 130 millions de personnes comme une « satire ».
Des « notes » manquantes
À la suite de ses promesses d’un Twitter 2.0 plus « efficace, transparent et impartial », le fondateur de SpaceX a doté son réseau social X d’un système contrant la désinformation. Ainsi, il est maintenant possible d’ajouter des « notes » pour contextualiser les publications douteuses ou erronées.
Ce système n’est cependant que très peu utilisé.
Selon une étude du Center for Countering Digital Hate (CCDH), 50 publications évoquant les élections et partagées par Elon Musk se sont révélées être « fausses ou trompeuses ».
Aucune d’entre elles n’affichait les fameuses notes de contextualisation.
« L’absence de notes sur ces publications montre que son entreprise échoue tristement à maîtriser les incitations gonflées par l’algorithme qui peuvent mener à de la violence dans le monde réel », précise Imran Ahmed, directrice du CCDH.
La plateforme est également confrontée à un important problème de « bots », soit des comptes automatisés reprochés de propager des messages racistes, sexistes et d’amplifier la désinformation.
« Le réseau est inondé de manipulations diverses, il ne modère pas suffisamment les contenus et n’a pas de stratégie claire face à la désinformation politique », peut-on lire dans un rapport de la Queensland University of Technology.
Ava Lee, de l’ONG spécialisé dans la lutte à la corruption politique, Global Witness, a par ailleurs appelé X à « accroître ses efforts de modération et à mieux appliquer ses propres règlements contre les activités inauthentiques ».
« Nous comptons sur eux pour protéger nos démocraties des interférences », continue cette dernière.
De l’ingérence politique ?
Pour l’avocate Nora Benavidez, il y a un nombre « grandissant » de preuves démontrant le « rôle préjudiciable » qu’occupe Elon Musk dans la désinformation et la « division avant les élections ».
« Son comportement se rapprochant d’une ingérence dans l’élection, il revient à d’autres — au public, aux régulateurs et aux annonceurs — de lui faire rendre des comptes pour son attitude antidémocratique », affirme l’avocate.
Les actions d’un comité d’action politique financé par l’entrepreneur font actuellement sujet d’une enquête lancée par la secrétaire d’État du Michigan, Jocelyn Benson.
Selon CNBC, America PAC a créé un site apparemment destiné à s’inscrire sur la liste électorale. Or, plutôt qu’être dirigé vers le site d’inscription de son État, les personnes se trouvant dans un État clé sont invitées à fournir des données personnelles. Ces données peuvent ensuite être utilisées pour les microcibler avec des pubs électorales.
« Chaque citoyen devrait savoir exactement comment ses informations personnelles sont utilisées par les comités d’action politique, en particulier si une entité prétend aider les gens à s’inscrire sur les listes électorales du Michigan ou de tout autre État », a déclaré une porte-parole de Mme Benson.
Grok, le chatbot de X, est lui aussi accusé d’avoir diffusé de fausses informations concernant les élections. Le robot conversationnel a notamment faussement indiqué l’inadmissibilité de Kamala Harris à figurer sur les bulletins de vote.
Un allié républicain
« À moins de 90 jours des élections, nous n’avons plus le luxe d’attendre que le X fasse ce qu’il faut de lui-même », explique le représentant démocrate Jerry Nadler.
Le représentant new-yorkais a, le 12 août dernier, demandé au président du Comité judiciaire de la Chambre des représentants, Jim Jordan, d’« enquêter sur la censure politique » de X et de son chabot.
« Protéger les électeurs américains de la désinformation électorale propagée sur les “places publiques” de la société fait partie du devoir sacré du Comité », précise-t-il.
Quelques heures suivant la demande de M. Nadler, un entretien entre Donald Trump et Elon Musk était diffusé sur X. Après 40 minutes de retard marqué par d’importants problèmes techniques, les deux hommes ont pu démarrer leur discussion.
Le duo s’est servi de cette occasion pour comparer les immigrés clandestins à des « zombies » et dénoncer le « coup d’état » qu’a fait Joe Biden en se retirant du circuit politique.
« Je pense que nous sommes à un tournant du destin de la civilisation et je pense que nous devons prendre le bon chemin. Et je pense que vous êtes le bon chemin », a conclu M. Musk.
Crédits: James Ducan Davidson