Dans la vie, tu es souvent confronté à deux choix : « oui » ou « non ». Si c’est la peur de l’incertain qui te fait hésiter, fonce vers l’inconnu! En tout cas, voici ce que me conseille, café dans un gobelet de carton à la main, la femme d’affaires Nancie Ferron, ancienne journaliste de la défunte salle des nouvelles de TQS.
Geneviève Veillette Bérubé
J’ai rencontré Nancie Ferron à l’occasion de la journée de la femme. Le département des communications d’où je travaille l’avait invitée à venir nous parler de la journaliste qui est devenue entrepreneure de la lavande. Deux semaines, plus tard, je suis assise dans le grenier de La Maison lavande, dans un décor blanc, vert et violet. Le ciel est gris en ce samedi d’hiver qui se voudrait de printemps, mais elle me partage chaleureusement sa passion du keep going :
« Moi, j’étais convaincue que le cégep était juste une étape obligatoire, et que je devais absolument aller à l’université. Il faut dire que dans ma famille, aller à l’université, ça allait de soi : on ne choisissait pas. On y allait, c’est tout. Je me suis donc inscrite en droit. Au bout de deux mois, je n’étais pas certaine de mon choix. Mais, malgré tout, il y avait une partie du droit qui m’intéressait vraiment : le droit à la propriété intellectuelle. Donc, j’ai pensé : “je vais faire mon bac et je vais pratiquer le droit à la propriété intellectuelle! “, mais ça ne s’est pas exactement passé comme ça. Je n’aimais pas ça. J’étais trop émotive pour exercer ce métier-là. »
On panique? « Non, je n’ai pas paniqué. C’était clair que je ne pouvais pas faire ça de ma vie, j’allais être malheureuse comme les pierres, mais au moins… j’allais finir mon année! »
Que l’on se le dise, avoir d’inscrit à son CV une année de terminée en quelque chose, ça passe mieux que rien du tout. De plus, la phrase « Ce n’était pas pour moi, mais je tenais vraiment à terminer mon année parce qu’il n’y a jamais rien de perdu » n’est-elle pas une des meilleures lignes qu’il est possible de servir lors d’un entretien d’embauche? C’est la preuve que tu sais reconnaitre tes limites tout en ne craignant pas de les dépasser.
« Ne perds pas ton temps au cégep, va perdre ton temps à l’université. Parce qu’il n’y a pas un employeur qui va regarder ce que t’as fait au collégial… Sauf si tu y as perdu 4 ans! Là, ça se peut qu’il te demande ce qu’il s’est passé! Mais un employeur va être impressionné de voir que tu as une foule de bagage universitaire. Moi, je suis convaincue que j’ai obtenu ma première journée de job en télé parce que j’avais une année en droit. »
« Mais qu’est-ce que je fais d’abord? » La grosse question. Se disant trop curieuse pour choisir, elle trancha pour la communication. Mais la communication, c’est large. Madame Ferron décide donc de trouver des stages. Relations publiques? Publicité? Finalement, elle cogne chez Radio-Canada pour y découvrir le journalisme. Mais rien n’est aussi facile : la réceptionniste l’informe que ce n’est pas la procédure et qu’il faut envoyer son CV aux ressources humaines. Ben voyons! Pas le temps pour ça, les ressources humaines! Elle n’en demande pas beaucoup : juste un stage d’observation!
Au bout de cinq jours de joute verbale, ils la trouvent assez déterminée (fatigante) et l’envoient passer la journée avec un journaliste qui doit couvrir une conférence de presse au musée. Voilà la quintessence : elle trouve sa vocation.
Le conjoint journaliste de Nancie Ferron, Daniel Joannette, possède un parcours tout aussi atypique : une année en administration à Sherbrooke, un essai en éducation, des études en criminologie à Montréal, une école privée en journalisme… « Mais il n’a jamais arrêté. C’est typique des journalistes. Mais ce n’est pas grave, c’est du bagage. »
Bref, oublie la peur et saisis les occasions qui se présentent, parce qu’on ne sait jamais à quoi elles mèneront : « Le journaliste que j’ai suivi cette journée-là m’a donné des billets pour aller au congrès de la Fédération des journalistes. Je ne suis pas journaliste! Mais je me pointe là-bas quand même et j’y rencontre des personnes, dont une qui me propose un poste d’assistante à la production chez Radio-Canada! Il n’y a pas de chance là-dedans, il faut seulement saisir les opportunités. »
Dès lors, le train du succès aurait pu s’arrêter net : elle habite à Québec, étudie à l’Université Laval, mais on lui propose un poste à Montréal. Sa famille lui dit : « Ben non! Tu peux faire ça, tu dois finir ton bacc. » Quoi faire alors? Être créatif, bien sûr! « L’école, c’est quatre jours semaines. Le reste du temps, je vais à Montréal. Je demande à une tante qui réside sur l’ile si elle veut bien m’héberger, et voilà! » C’est sûr qu’il y a des décisions qui te sortent de ta zone confort, mais n’oublie pas qu’elle a fini comme présentatrice des nouvelles chez TQS sur les heures de grande écoute.
Le CV : un portrait professionnel
Il ne faut pas hésiter à essayer des choses, gratuitement, juste pour essayer! Il faut voir ce que l’on aime et ce que l’on n’aime pas. Parce qu’on a le droit de se tromper et de se dire : OK, non. Ça, je n’aime pas ça et je mets mes énergies ailleurs. « Il ne faut pas avoir peur de déranger les entreprises, car n’importe qui de passionné par son métier s’avère le meilleur pour t’en parler. » Surtout quand il ne s’agit que d’un stage d’observation : tu regardes, pas un mot, il fait ses affaires et en plus il partage ses connaissances. C’est parfait! Ça se peut qu’on te dise non. Recommence, là ou ailleurs.
« En tant qu’employeur, si je reçois deux CV : mêmes études, compétences égales, etc., mais qu’un des deux candidats a fait un stage en entreprise… Je vais plus pencher pour celui-là : cette personne-là connait la réalité de tous les jours.
« Faut pas non plus avoir la pensée “ magique ”. Faut pas se dire : “ j’vais faire mon trois ans et l’on verra après ” parce que le danger avec ça, c’est de se dire aussi : “ pis en attendant j’vais avoir juste une jobine à temps partiel. ” Pourquoi? Parce que tu as besoin de sous? Oui, c’est sûr. Mais ne fais pas en sorte que tes occupations t’empêchent de te former en dehors de tes cours : fais de l’implication scolaire, écris dans les journaux, fais des petits contrats à côté, fais des stages d’observation d’une journée… Bouge! Tout simplement. »
Les bienfaits de l’optimisme
« Quand il nous arrive des trucs moins l’fun, il y a souvent une leçon à tirer de ça. On a tous quelque chose à apprendre de l’échec, les gros comme les petits. Mais se dire “ça ne marche pas… ” en courbant les épaules… bien c’est sûr que ça ne marchera jamais! »
Analyse plutôt la situation pour être apte à mieux faire une prochaine fois. « Il n’arrive jamais rien pour rien, même quand c’est dur. » Il faut se faire confiance, et aussi un peu en la vie. « C’est naïf, mais j’entretiens consciemment cette naïveté. » Il y a des choses sur lesquelles on a le contrôle et d’autres sur lesquelles on n’en aura jamais, et c’est correct! Mais les choses sur lesquelles tu en as, prends-le, le contrôle. Ne stagne pas, va de l’avant! Est-ce que tu vas te planter? Peut-être. Mais, au moins, tu vas l’avoir tenté « parce que vieillir avec des j’aurais-dont-dû, c’est assez plate, merci. »
C’est grâce à cette attitude-là, cette philosophie-là, que le couple de journalistes réussit à ne pas baisser les bras lorsque la salle des nouvelles de TQS ferme ses portes en 2008. Un peu plus de 300 employés perdent leur emploi, du jour au lendemain, sans aucune indemnité de départ. « Mais on avait déjà un projet en route et ça nous a juste permis de confirmer que c’était la bonne décision pour nous. »
L’idée émerge lors d’un voyage en France, là où la lavande est super populaire, et de la banale question : « Pourquoi ne fait-on pas pousser de la lavande? » L’hiver passe et les cinq-mille plants d’essais tiennent le coup. Monsieur Joannette les descend en huiles essentielles, et ainsi nait un beau projet d’entrepreneuriat.
« C’est drôle parce que j’étais parfumeuse pour Dans un jardin durant mes études. »
Le travail à temps partiel de l’époque devenu le gagne-pain d’aujourd’hui. Qui aurait pu le prédire?
Au Québec, ce n’est pas facile de réussir : les gens ont tendance à se plaire à casser du sucre sur la tête des autres. Mais comment passe-t-on au-dessus de tout ça? « C’est une question encore une fois d’attitude. La naïveté que je cultive m’aide à me détacher des mauvaises critiques et à remettre les choses en perspective. »
Quand on sait qu’on ne doit pas son bonheur aux autres, on n’a pas de raison de s’en faire. Le reste du monde te jalouse? Laisse-les faire, les envieux. Aie confiance en toi, sois positif et tu vas voir que même les plus haïssables vont rarement vouloir s’attaquer aux personnes fortes qui émanent des ondes positives.
Les cafés sont finis et ça grouille de clients en bas, dans la boutique. Le mot de la fin? « On récolte ce que l’on cultive. »