États-Unis : des milliers de pages Web retirées 

Par Meg-Anne Lachance

Plus de 8000 pages web ont été retiré des plateformes gouvernementales. Cette purge numérique massive inquiète plusieurs experts.

Une vaste opération de suppression de pages Web gouvernementales secoue les États-Unis depuis l’entrée au pouvoir de Donald Trump. En l’espace de quelques jours, plus de 8 000 pages appartenant à des agences fédérales ont disparu, déclenchant une levée de boucliers parmi les défenseurs de la transparence et de l’accès à l’information. Derrière cette purge numérique, une volonté affichée de l’administration Trump de redéfinir les priorités du gouvernement. 

C’est un analyste du New York Times qui a lancé l’alerte. En tout, plus de 350 sites étaient totalement inaccessibles dès le lundi 3 février, tandis que d’autres ont vu leur contenu profondément modifié. Selon le New York Times, ce serait 8 000 pages internet qui auraient disparu. 

Des thématiques spécifiques ont été ciblées, en particulier celles liées aux droits des personnes LGBTQIA+, au changement climatique et aux programmes de diversité au sein du gouvernement. Guidées par « l’idéologie de genre » de l’administration Trump, plusieurs agences fédérales ont rendu inaccessible leur page concernant ces sujets.  

À titre de rappel, Donald Trump a signé un décret stipulant que l’administration fédérale ne reconnaisse plus que deux sexes, masculin et féminin, et demandant la suppression de toute mention de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle dans les documents officiels. 

Mais les droits des personnes LGBTQIA+ n’ont pas été les seules victimes de cette purge en ligne. Les pages concernant les vaccins, les soins aux anciens combattants, les crimes de haine et la recherche scientifique ont été retirés. Des données sur la santé publique ne sont également plus accessibles, malgré leur importance. Les médecins, les chercheurs et d’autres professionnels s’appuient souvent sur ces données dans le cadre de leur travail. 

Selon plusieurs sources, les sites de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), du CDC (Centers for Disease Control and Prevention), du Département d’État ou encore du Bureau des prisons font partie des plateformes affectées. 

Des gros impacts sur le médical 

D’après Reuters, les contenus supprimés du CDC comprennent des statistiques sur le VIH chez les personnes transgenres et des données sur les disparités de santé chez les jeunes gays, lesbiennes, bisexuels et transgenres. Selon le New York Times, un millier d’articles classés dans la catégorie « prévention des maladies chroniques », liés à la maladie d’Alzheimer, ou sur les vaccins destinés aux femmes enceintes ont aussi disparu. 

Le site de données du CDC, crucial pour la recherche en santé publique, a été désactivé avec un message indiquant qu’il reviendrait en ligne une fois conforme aux nouvelles directives. 

« La suppression des ressources relatives au VIH et aux LGBTQ des sites Web des Centres de contrôle et de prévention des maladies et d’autres agences de santé est profondément préoccupante et crée une dangereuse lacune en matière d’informations et de données scientifiques permettant de surveiller les épidémies et d’y répondre », dénonce l’Infectious Diseases Society of America.   

« L’accès à ces informations est crucial pour les professionnels des maladies infectieuses et du VIH qui s’occupent des personnes atteintes du VIH et des membres de la communauté LGBTQ, et il est essentiel pour les efforts visant à mettre fin à l’épidémie de VIH. » 

L’organisation Doctors for America a déposé une plainte contre plusieurs agences fédérales, dénonçant une mise en danger de la santé publique et demandant la réactivation immédiate des pages supprimées. 

Le plus important programme lié à la santé chez les jeunes, Youth Risk Behavior Surveillance System, a également été retiré. Créé il y a 35 ans, le programme, comprenant une enquête nationale fournissant des informations primordiales sur l’influence des comportements sur la santé, est souvent utilisé pour concevoir des mesures préventives. 

« C’est la façon dont la nation comprend la santé des adolescents », explique Stephen Russell, sociologue à l’Université du Texas à Austin, spécialisé dans la santé des adolescents. « La disparition de ces données est stupéfiante. » 

Un précédent dangereux 

Au-delà des enjeux sanitaires, cette suppression massive s’inscrit dans une volonté plus large de l’administration Trump de redéfinir le rôle du gouvernement fédéral. Dans une vidéo publiée sur son réseau social X, Elon Musk, a annoncé que l’USAID serait bientôt démantelée, jugeant son action « inutile ».  

Cette déclaration a provoqué un tollé, l’agence gérant plusieurs milliards de dollars d’aide à travers le monde. 

La disparition de ces pages et la fermeture potentielle de l’USAID traduisent une politique de repli et de remise en question des engagements fédéraux en matière d’inclusion et d’aide internationale.  

« Ce n’est pas seulement une question de suppression de contenu, c’est une réécriture de l’histoire et des priorités gouvernementales », affirme un expert en politique publique. 

Ce nettoyage numérique soulève une question cruciale : l’accès à l’information publique peut-il être aussi facilement contrôlé par le pouvoir en place ? Les précédents mandats de Donald Trump avaient déjà montré une tendance à effacer ou modifier certaines données officielles, notamment sur le climat. Mais l’ampleur de cette nouvelle vague inquiète. Si chaque administration modifie radicalement les ressources mises à disposition du public, la continuité de l’État et la transparence s’en trouvent menacées. 

« En particulier avec les médias sociaux, nous avons un vide d’informations officielles », a déclaré Gretchen Gehrke, de l‘Environmental Data and Governance Initiative. « Nous sommes censés être une république informée, et supprimer l’information est contraire à la démocratie. 

En réponse à ces suppressions, des initiatives citoyennes ont émergé pour archiver et conserver les données publiques avant qu’elles ne disparaissent définitivement.  

« Il y a une tendance à essayer de faire disparaître des données, comme si cela faisait disparaître les problèmes. Mais les problèmes ne disparaissent pas et la souffrance s’aggrave », s’inquiète Nancy Krieger de Harvard. 


Crédits : Alan Levine

Meg-Anne Lachance
Cheffe de pupitre SOCIÉTÉ at Journal Le Collectif  societe.lecollectif@usherbrooke.ca   More Posts

Étudiante en politique, Meg-Anne a toujours été intéressée par les enjeux internationaux, sociaux et environnementaux. Après avoir occupé le rôle de journaliste aux Jeux de la science politique, elle a eu la piqûre des communications. Guidées par un sentiment d’équité, elle s’efforce de donner une visibilité aux actualités oubliées. Féministe dans l’âme, vous pourrez certainement retrouver cette valeur dans certains de ses textes!

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