Par Meg-Anne Lachance

La ministre de la Condition féminine a déposé, lundi, un plan d’action visant à améliorer les enjeux liés à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Depuis le renversement de Roe c. Wade aux États-Unis, plusieurs femmes autour du monde craignent de voir leur droit à l’avortement annulé. Les Québécoises n’en font pas exception.
Bien qu’une recrudescence du mouvement pro-vie a vu le jour au Québec depuis la fin de Roe c. Wade, la ministre Biron assure qu’il y a un « large consensus » sur le droit à l’avortement au Québec.
Malgré tout, c’est pour rassurer les Québécoises qu’elle a déposé lundi son plan d’action comportant quatre grands objectifs :
- améliorer l’accès à l’avortement à l’extérieur de Montréal ;
- lutter contre la désinformation entourant l’avortement ;
- améliorer l’information au sujet de la contraception ;
- et encourager la recherche.
Mme Biron espérait, en début de mandat, pouvoir déposer un projet de loi pour protéger le droit à l’avortement dans la province. Après différentes consultations auprès des groupes de femmes et du Barreau du Québec, la ministre a finalement dû laisser tomber l’idée de légiférer, craignant qu’un projet de loi rouvre la porte à d’éventuelles limitations.
C’est donc un plan de trois ans, nécessitant des investissements de 7.5 millions de dollars d’ici 2027, qui a été instauré.
« À la suite de ces inquiétudes-là, mon rôle à titre de ministre responsable de la Condition féminine, c’est de protéger le droit des femmes ici au Québec. Ce plan est une réponse et un rempart à ce qui se passe ailleurs. Je veux dire aux femmes du Québec que je vais les protéger. Mon gouvernement est là », affirme Martine Biron.
Un plan centré sur la pilule abortive
Avec l’augmentation de l’efficacité des moyens de contraception, le recours à l’avortement a connu une baisse de 30 % depuis les dix dernières années. Mais la ministre observe tout de même plusieurs obstacles compliquant l’accès à l’avortement.
Malgré les 50 cliniques offrant ce service au Québec, certaines régions à l’extérieur de l’île de Montréal ne disposent pas assez de centre pratiquant l’avortement. C’est le cas à Québec, où une seule clinique est disponible. La ministre Biron a notamment souvent déploré les longues attentes dans la région.
Avec une seule clinique à disposition, les femmes peuvent attendre plusieurs semaines avant de pouvoir avoir un avortement.
Selon la Fédération du Québec pour le planning des naissances, la majorité des points de service répondent à la demande en deux semaines ou moins, mais, dans certaines régions, les délais peuvent aller jusqu’à cinq semaines.
« On se rend compte que c’est un enjeu majeur, puisqu’il y a des femmes qui doivent parcourir des centaines de kilomètres pour avoir accès à un avortement chirurgical, par exemple », explique Léa Blouin-Rodrigue, agente de développement en santé des femmes à la Table de concertation des groupes de femmes Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine.
En Gaspésie, seule la ville de Gaspé offre l’IVG. En plus d’être le seul point de service, la clinique n’est ouverte qu’une journée par semaine.
L’une des principales mesures du plan vise donc à ouvrir de nouveaux centres et d’imposer un « changement de pratique » et des « façons de faire » pour réduire les délais actuels. Même si elle tient à fournir de nouveaux points de service, la ministre Biron estime qu’un plus grand accès à l’avortement passera par une meilleure connaissance de l’existence de la pilule abortive.
« On constate, selon les statistiques, qu’elle est méconnue et définitivement sous-utilisée au Québec », souligne-t-elle. Pour preuve, seulement 17 % des avortements québécois proviennent de cette méthode, alors qu’elle représente 72 % des cas en France et 32 % en Ontario.
Selon Mme Biron, plusieurs « irritants » nuisant à l’interruption de grossesse médicamenteuse ont été levés, afin que la pilule soit prescrite par un plus grand nombre de professionnels de la santé.
Le plan d’action prévoit également un service de télésanté pour faciliter l’accès à la pilule abortive partout au Québec.
Une désinformation encore trop présente
Lors des consultations, plusieurs personnes ont relevé le problème des groupes antiavortement au Québec. « Ils utilisent souvent des appellations trompeuses et n’offrent pas un accompagnement neutre, d’où la nécessité d’un plan d’action pour améliorer l’accès à l’avortement et lutter contre la désinformation », estime la ministre Biron.
Le plan d’action prévoit mieux informer les élus ou les organisations caritatives pour qu’ils puissent reconnaître les groupes anti-choix qui font des demandes de financement.
Selon Véronique Pronovost, doctorante en sociologie à l’UQAM, il peut être difficile de décerner dès le départ les groupes pro-vie. « On se retrouve avec des groupes qui vont se présenter comme assez neutres […] mais qui vont finalement donner de l’information fausse sur les risques que représente l’avortement pour la santé des femmes. »
Le gouvernement souhaite aussi soutenir la diffusion d’informations « fiables », afin de sensibiliser la population au libre choix et mieux l’informer sur les différentes contraceptions. Pour atteindre cet objectif, la ministre a annoncé « rehausser de manière pérenne » le financement de quatre organismes pro-choix.
Bien qu’heureuse de l’arrivée de ce plan d’action, la co-porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal, demande d’inclure la contraception gratuite dans la stratégie. Un groupe de 400 médecins avait aussi demandé de rendre l’accès gratuit, l’an dernier.
« C’est certain qu’avec la contraception gratuite, on peut faire baisser le nombre d’avortements. On va continuer de tabler là-dessus », garantit Pascale Dupuis, directrice du Centre de santé des femmes de la Mauricie.
Martine Biron estime toutefois que le problème débute avec le manque d’éducation. « Les statistiques montrent qu’un avortement sur deux au Québec est lié à une contraception qui n’a pas fonctionné. Alors c’est important de bien éduquer les femmes. »
La ministre affirme tout de même ne pas avoir abandonné cette possibilité et assure toujours être en discussion avec Ottawa.
« J’étais donc devant le dilemme à savoir si j’allais de l’avant avec le plan d’accès à l’avortement ou si j’attendais plutôt que ça se règle sur le dossier de la contraception. Je pense qu’il était important, à ce moment-ci, de présenter un plan d’accès à l’interruption de grossesse », conclut-elle.
Source: Assemblée nationale

Meg-Anne Lachance
Étudiante en politique, Meg-Anne a toujours été intéressée par les enjeux internationaux, sociaux et environnementaux. Après avoir occupé le rôle de journaliste aux Jeux de la science politique, elle a eu la piqûre des communications. Guidées par un sentiment d’équité, elle s’efforce de donner une visibilité aux actualités oubliées. Féministe dans l’âme, vous pourrez certainement retrouver cette valeur dans certains de ses textes!