À l’occasion de la «Journée de la liberté», fête nationale de la Gambie, Amnistie Internationale, de concert avec de nombreuses organisations de défense des droits fondamentaux, urge le président Yahya Jammeh de cesser les violations des droits fondamentaux, en particulier les atteintes à la liberté d’expression et à la liberté d’opposition politique.
Par Marie-Catherine Beauregard
Le 22 juillet dernier, le gouvernement du président Yahya Jammeh a célébré ses 20 ans au pouvoir en Gambie par la commémoration de la « Journée de la liberté ». Cette fête nationale souligne la prise au pouvoir du lieutenant Jammeh à la suite d’un coup d’État qui a renversé Dawad Jawara à la tête du pays depuis l’indépendance en 1965 et premier président à la suite d’une proclamation de la République en 1970. Jammeh se présentait alors comme un sauveur et promettait de redresser le pays. Néanmoins, le sentiment d’euphorie subséquent à sa nomination a bien vite laissé sa place au doute et à l’inquiétude dans le cœur des Gambiens.
Un régime oppressif
D’une part, depuis l’entrée du président Jammeh au pouvoir, la population gambienne est soumise à un régime de terreur et de répression. Le gouvernement gambien ne cesse de réprimer la liberté politique et de violer de nombreux droits de la personne, et ce, en toute impunité. La liberté d’expression des Gambiennes et des Gambiens, et plus particulièrement celle des journalistes, des opposants politiques et des militants des droits de l’Homme, n’est qu’illusion. Effectivement, nombreux subissent intimidation et harcèlement des autorités et vivent dans la peur d’être arrêtés arbitrairement, détenus illégalement, torturés, portés disparus ou tués.
Les exemples les plus prenants de violations des droits de l’homme sont les disparitions, les exécutions extrajudiciaires et l’affectation de mauvais traitements. Ces activités sont pratiquées couramment par les autorités gambiennes, et ce, sans qu’aucune investigation ou enquête soit faite et sans que les commettants subissent de procès. Parmi les évènements importants, on peut penser au meurtre du journaliste Deyda Hydara en 2004, à la disparition du journaliste Ebrema Manneh en 2006, et au cas du journaliste Musa Saidykhan qui a été arrêté arbitrairement en 2006 et par la suite torturé.
D’autre part, depuis le début du règne de ce gouvernement, le système de justice s’est considérablement affaibli en raison d’une récurrente ingérence gouvernementale et de la création de lois répressives ayant pour but de mettre sous silence les opposants politiques et autres militants. Diverses lois ont aussi été créées pour immuniser les auteurs des horribles interventions faites auprès de la population gambienne, notamment la Loi relative à l’information et à la communication, la Loi relative à l’amnistie et la Loi portant modification au Code pénal. Ces pratiques douteuses vont de corps avec l’immunité quasi totale de l’autorité gambienne. Le système politique, quant à lui, est caractérisé par une démocratie fantôme : très faible taux de participation, menaces aux électeurs, menaces aux opposants politiques et falsification des résultats.
Sensibilisation à l’échelle internationale
À l’occasion de cet anniversaire, Amnistie Internationale, de concert avec plusieurs autres organisations de défense des droits de la personne, a fait une campagne de sensibilisation. Le but premier de ces activités était d’alerter la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), la Communaute´ e´conomique des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les gouvernements africains, l’opinion publique et la communauté internationale au sujet de la détérioration de la situation des droits de la personne en Gambie depuis les vingt dernières années.
Amnistie internationale et plusieurs autres organisations de défense des droits de l’Homme exhortent le gouvernement du Président Jammeh d’abroger les dispositions législatives qui restreignent la liberté d’expression; de protéger les journalistes, les militants et les opposants qui sont victimes d’abus de la part des autorités; d’enquêter sur les violations des droits de la personne rapportées et de poursuivre les auteurs en justice; de libérer tous les prisonniers détenus sans raison et illégalement; d’offrir des procès équitables aux journalistes, aux opposants et aux militants ainsi que d’enquêter sur les disparitions forcées. Enfin, les organisations lancent un cri d’alarme à la population internationale pour qu’une pression soit mise sur le gouvernement gambien afin de remédier à la situation précaire du pays.