Ven. Juil 26th, 2024

Par Sarah Gendreau Simoneau

Ou se demander pourquoi le féminisme a encore sa place au Québec en 2022. Plusieurs pensent, fortement à tort, que l’égalité entre les sexes est atteinte depuis quelque temps. Ouvrez grand vos yeux, les batailles sont loin d’être terminées.

Les luttes féministes passées sont souvent oubliées et sous-estimées. Pourtant, l’actualité nous rappelle chaque jour que les efforts mis par les groupes féministes depuis la fin du 19e siècle ne doivent pas s’essouffler.

Les femmes et la politique

Le 3 octobre dernier, lors de la soirée électorale, le Québec a pu constater que plus de femmes que jamais ont été élues et siègeront à l’Assemblée nationale. Quelle que soit notre allégeance politique, ça fait du bien à l’âme de savoir que les femmes prennent de plus en plus de place dans la sphère politique ; le Québec en a besoin.

Ce sont 58 femmes cette année qui ont été élues contre 52 lors des élections provinciales de 2018. « Le nombre d’aspirantes parlementaires cette année avait dépassé tous les records précédents, alors que 49 % des candidatures pour les quatre principaux partis étaient des femmes », écrivait La Presse au lendemain des élections. Ce sont, au total et tous partis confondus, 343 femmes candidates parmi les 880 candidats.

Deux partis ont mené la tendance paritaire vers le haut en présentant plus de femmes que d’hommes à ces élections. Près de 70 candidates ont porté les couleurs de Québec solidaire lors de cette campagne, ce qui équivaut à 56 % des candidatures. Les femmes comptaient pour 55 % de la cohorte caquiste, qui présentait 69 candidates.

Malgré tout, pour la parité absolue, on repassera. La présence des femmes est à la hausse, certes, mais il est primordial de continuer à élever ce nombre pour qu’enfin, les femmes soient représentées à leur juste valeur dans les sphères du pouvoir.

Pour la petite histoire, ce n’est qu’en 1918 que les Canadiennes ont obtenu le droit de suffrage du gouvernement fédéral. Pour le provincial, toutes les provinces sauf le Québec ont donné le droit de vote aux femmes avant 1925. Seules les Québécoises sont privées de ce droit avant d’enfin l’obtenir, 15 ans plus tard, en 1940. Merci, Thérèse Casgrain de la Ligue des droits de la femme, et Idola Saint-Jean de l’Alliance canadienne pour le vote des femmes !

Aujourd’hui, seulement quatre pays dans le monde comptent 50 % ou plus de femmes dans les chambres basses ou uniques du parlement : le Rwanda avec 61 %, Cuba avec 53 %, la Bolivie avec 53 % également et les Émirats arabes unis avec 50 %. Allô la représentativité !

Oui aux meilleures conditions de travail !

Dans la sphère du travail, c’est depuis presque 100 ans qu’au Québec, les femmes se mobilisent pour leurs droits. Dans les années 1930, ce sont les midinettes, ces ouvrières qui travaillent dans la confection des vêtements, qui ont commencé à militer en faisant la grève plusieurs fois.

Elles revendiquaient alors de meilleures conditions de travail, elles dénonçaient les semaines de plus de 70 heures, des salaires inférieurs à celui des hommes, le harcèlement sexuel des contremaîtres, l’absence de toilettes pour femmes, l’insalubrité des locaux et l’absence de congé de maternité, entre autres.

Dans les mêmes années, les féministes ont aussi dénoncé l’exploitation des institutrices, dont le travail était quasi bénévole. En effet, elles gagnaient entre 80 $ et 150 $ par année. C’est complètement aberrant sachant que, selon Statistique Canada, le salaire moyen des femmes dans les années 1930 était fixé à 5 000 $ par année. Le premier syndicat des institutrices rurales a donc vu le jour en 1937, fondé par Laure Gaudreault, institutrice de la région de Charlevoix, pour militer contre l’exploitation.

Quant à la profession d’infirmière, ce n’était pas tellement mieux. Ce n’est qu’en 1963 qu’une première grève d’infirmières a eu lieu à l’hôpital Sainte-Justine. Selon l’historienne Denyse Baillargeon, « cette première grève marquante dans le réseau de la santé a soulevé à la fois le blâme et la sympathie parce qu’aux yeux du public, abandonner des enfants malades, ça ne se fait pas ». La population avait cependant aussi compris que, si des femmes en arrivaient là, c’est qu’il devait y avoir un problème quelque part.

Et l’équité salariale dans tout ça ?

Ces professions sont, encore aujourd’hui, des domaines d’emploi traditionnellement féminins qui sont sous-rémunérés par rapport à des professions dites typiquement masculines. Une enseignante gagne souvent moins qu’une ingénieure ou qu’une comptable. Toutes ont pourtant fait le même nombre d’années d’études universitaires et sont tout aussi importantes dans leur domaine respectif.

Pour ce qui est de l’équité salariale, elle n’est pas du tout atteinte. Statistique Québec étalait, en 2021, que les écarts salariaux entre femmes et hommes de formation universitaire et égale étaient encore élevés. Les femmes gagnent, en moyenne, 2,83 $ par heure de moins que leurs homologues masculins. Les femmes ont donc 93,7 % du salaire des hommes, à travail égal et à compétences égales.

Les écarts sont encore pires si nous comparons les professions des autres niveaux de compétence, donc les gens qui ne sont pas allés à l’université. Les femmes, dans ces domaines, gagnent entre 83,6 % et 90,4 % du salaire des hommes.

Alors, pourquoi parler encore de féminisme en 2022 ? La mobilisation a encore sa place dans le Québec, le Canada d’aujourd’hui. Toutes personnes se considérant de sexe masculin se doivent d’être nos alliés dans cette bataille qui ne cessera pas tant que nous n’aurons pas une société égalitaire. Tant que les conditions de travail des enseignantes, des infirmières et autres professions de ce type ne se seront pas considérablement améliorées. Tant que les femmes ne sont pas convenablement représentées dans les hautes sphères politiques. Et bien d’autres raisons qui mériteraient un texte elles aussi. Nous continuerons la bataille. Le féminisme n’est pas mort.


Crédit image @Hugette Latulippe

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Rédactrice en chef et directrice générale, auparavant cheffe de pupitre SPORT ET BIEN-ÊTRE pour le journal Le Collectif | Site web

Passionnée par tout ce qui touche les médias, Sarah a effectué deux stages au sein du quotidien La Tribune comme journaliste durant son cursus scolaire, en plus d’y avoir œuvré en tant que pigiste durant plusieurs mois. Auparavant cheffe de pupitre pour la section Sports et bien-être du journal, et maintenant rédactrice en chef, elle est fière de mettre sa touche personnelle dans ce média de qualité de l’Université de Sherbrooke depuis mai 2021.  

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