Mar. Avr 9th, 2024

Par Amine Aqallal

Menaces infondées de reprise du logement, coupure de services, réclamation de chèques postdatés pour le paiement du loyer, intrusions délibérées sans justification d’une urgence, abus de procédure, saisie ou retrait des biens mobiliers, intimidation, propos abusifs ou vexatoires, notes de retard de loyer placardées, au vu et au su de tous, sur la boîte postale ou la porte du locataire, ou encore changements de serrure à l’improviste ne sont que quelques exemples de comportements harcelants dont un locataire peut faire la malencontreuse expérience.

L’article 1902 du Code civil du Québec (« Code ») proscrit le harcèlement et ouvre la porte à l’octroi de dommages-intérêts punitifs au locataire qui en est victime. L’article 1902 du Code prévoit que « le locateur ou toute autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir qu’il quitte le logement. Le locataire, s’il est harcelé, peut demander que le locateur ou toute autre personne qui a usé de harcèlement soit condamné à des dommages-intérêts punitifs ». En bref, une attitude disgracieuse, malicieuse, répréhensible et susceptible de créer chez la victime une pression psychologique suffisante de manière à obtenir un résultat recherché, peut constituer du harcèlement.

Qu’est-ce qu’un comportement harcelant?

Volontaire, généralement à sens unique, répété et continu, il se manifeste, entre autres, par des paroles, des actes ou des gestes à caractère vexatoire ou méprisant d’une personne à l’égard d’une autre, visant celle-ci, ses proches ou ses biens. Si le caractère répété du comportement harcelant est généralement la norme, il est toutefois possible qu’un seul geste suffise à la conclusion d’un tel comportement. Retenons, à titre d’exemples, le cas du locataire qui subit une agression physique de la part du propriétaire, de ses employés ou de son concierge (mandataires), ou encore le cas du propriétaire qui s’empare et expulse du logement les biens du locataire sans une intervention judiciaire préalable.

L’intention fautive du propriétaire et l’attribution de dommages punitifs au locataire

Le montant de la demande en dommages-intérêts punitifs varie, selon la preuve, de quelques centaines à plusieurs milliers de dollars. Par ailleurs, la preuve d’une intention fautive de la part du propriétaire n’est pas nécessaire à l’octroi desdits dommages. Autrement dit, l’intention n’importe pas et c’est la conséquence, c’est-à-dire la constatation d’un comportement fautif de la part du propriétaire qui est évaluée par le tribunal. Seul compte le résultat, que celui-ci ait été (seulement) visé ou (manifestement) obtenu par le propriétaire. Cette remarque est importante, car il n’est pas nécessaire, dans le cadre d’une demande en dommages punitifs, de faire la preuve d’une atteinte illicite et intentionnelle, telle qu’exigée par l’alinéa 2 de l’article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne (communément connue sous le nom de « Charte québécoise », en vigueur depuis 1975). Les dommages punitifs prévus à l’article 1902 du Code sont donc moins difficiles à prouver. On dit que le fardeau de preuve est moins lourd pour le locataire en ce sens que celui-ci n’a pas besoin de prouver l’intention fautive du propriétaire dont le comportement harcelant est allégué.

Ce que le harcèlement n’est pas

 Il est important de garder en mémoire, bien que cela puisse aller de soi, qu’un conflit avec le propriétaire n’équivaut pas à harcèlement : un locataire ne pourra invoquer le harcèlement du seul fait que le locateur (ou l’un de ses mandataires) lui exige, en cas de retard de paiement, l’exécution immédiate du paiement de son loyer à la date stipulée dans le bail. De même, les recours légitimes entrepris par le locateur, telle l’introduction d’une demande de fixation de loyer (pourvu que celle-ci respecte les dispositions de la loi et en dépit du refus systématique des augmentations de loyer par le locataire), ne peuvent être assimilés à un comportement harcelant.

Que peut alors faire un ou une locataire victime de harcèlement?

Tout d’abord, le locataire devrait mettre son locateur en demeure. Une mise en demeure est un document écrit — qui prend souvent la forme d’une lettre — par lequel une personne est informée qu’une obligation doit être exécutée dans une période impartie, sans quoi des procédures judiciaires pourront être intentées contre elle. En d’autres termes, il s’agit d’une sorte de préavis donné à la personne en défaut avant de passer aux choses sérieuses devant un tribunal. Cet avertissement pourrait permettre d’éviter de telles procédures, possiblement longues et coûteuses. Caricaturalement dit, le message porté par une mise en demeure est le suivant : « je, locataire, rappelle à toi, locateur, que j’ai tel droit en vertu de telle loi ou tel règlement; ce droit n’ayant pas été respecté, la situation perdurant et me causant tels troubles et tels dommages, si ledit droit n’est toujours pas respecté dans tel délai imparti, alors je me réserve la possibilité de m’adresser aux instances judiciaires ». En l’occurrence, le droit du locataire se fonde notamment sur l’alinéa 1 de l’article 1854 du Code : « Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué […] et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail ». Or, le harcèlement entrave le droit de jouissance paisible du locataire puisqu’il a pour but, si ce n’est de l’obliger à quitter son logement, à tout le moins d’en restreindre la jouissance, de manière continue ou spontanée.

Le locataire n’a pas à subir de comportements harcelants de la part du propriétaire ou l’un de ses mandataires. Sans résoudre le problème du comportement harcelant, la mise en demeure marque un début de valorisation des droits du locataire et la notification écrite des abus du locateur. Interdit par le Code, le harcèlement l’est aussi en droit québécois par le biais d’autres véhicules législatifs, notamment la Charte des droits et libertés de la personne, laquelle interdit le harcèlement pour des motifs discriminatoires, telles l’origine ethnique, la religion ou l’orientation sexuelle.


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