Jeu. Mar 28th, 2024

Par Alexia Leblanc

Le mercredi 6 février dernier, Yves-Marie Abraham, professeur et chercheur au HEC Montréal, était au Boquébière de Sherbrooke pour parler d’un sujet encore bien méconnu de plusieurs : la décroissance soutenable. Selon les adeptes du mouvement, la croissance prônée par le capitalisme est une véritable utopie et le développement durable n’est pas la solution si l’on veut sauver l’avenir de notre planète.

Une critique du système actuel

Historiquement, le terme « décroissance » est apparu dans les années 1970, mais la « décroissance soutenable » est une expression qui s’est développée au début des années 2000 en France. Si, à la base, il s’agissait plutôt d’un slogan provocateur lancé contre le capitalisme, on peut aujourd’hui parler d’un véritable mouvement politique. Selon le professeur, la course à la croissance est « profondément injuste ». Elle est non seulement la cause de nombreux désastres écologiques, mais elle crée également des inégalités entre toutes les espèces sur Terre, incluant l’Homme. Les ressources naturelles qu’on détruit aujourd’hui deviendront des enjeux de plus en plus importants pour les générations futures, et cette croissance infinie nous divise en classes sociales, dont les écarts ne cessent d’augmenter.

En s’intéressant aux fondements sociaux de la réalité économique, Yves-Marie Abraham est un des premiers professeurs à offrir aujourd’hui un cours portant exclusivement sur la décroissance soutenable. Selon lui, un changement radical est inévitable puisque plusieurs indices inquiétants pointent dans la direction d’une éventuelle sixième extinction massive des espèces. Les problèmes de régénération, d’absorption des déchets et de substitution, surtout sur le plan énergétique, seraient des éléments qui prouvent que la biodiversité connaîtra un choc important. Comme l’a dénoncé le sociologue, « l’Occident baigne dans une soupe chimique » et les idées proposées afin de contrer le problème ne sont simplement pas assez efficaces.

Une dissension avec le développement durable

Toujours selon le professeur, nous serions tous un peu climatosceptiques. Nous savons que notre planète est en danger, mais nous ne remettons pas en question la croissance actuelle. Nous essayons de trouver des alternatives plus « vertes » à nos techniques de production, mais si nous ne prenons pas des moyens plus radicaux, le capitalisme continuera de diriger nos sociétés. Comme Yves-Marie Abraham l’a dit lors d’une entrevue avec Le Délit, « tant que nous nous lèverons le matin pour aller travailler et que nous achèterons en fins de semaine des marchandises, aussi ‘’vertes’’ et ‘’éthiques’’ soient-elles, le capitalisme n’a rien à craindre. »

Certes, ces nouvelles technologies dites « plus écologiques » permettront de réduire la quantité de déchets et de matériaux utilisés pour chaque marchandise produite, mais la production de déchets en général et la consommation des ressources naturelles ne cesseront pas d’augmenter. Il faudrait donc un changement total dans la mentalité des sociétés. En fait, pour les adhérents de ce mouvement de pensée, la décroissance n’est pas une fin en soi mais bien un prérequis pour une société plus juste et plus démocratique.

Les solutions proposées

Sachant que nous vivons dans une société où la performance est une valeur bien ancrée et où la production à grande échelle n’a pas de limite, comment retourner la situation? Comment changer la mentalité de générations entières et créer de nouveaux paradigmes? La conférence au Boquébière a proposé quelques solutions dont, entre autres, le fait qu’il soit nécessaire de redéfinir les projets de société. Pour une société « post-croissance », il faut donc créer du neuf.

L’objectif à long terme serait de mettre fin à la machine à produire des marchandises, c’est-à-dire, l’entreprise à but lucratif. Le moteur de cette entreprise? Le salariat. Nous devrions donc être capable d’assurer notre survie sans la nécessité d’avoir recours à un salaire. Il s’agit là d’un des principes fondamentaux de ce mouvement politique. Nous sommes dans l’obligation de travailler afin de s’assurer un mode de vie sain, mais les entreprises pour lesquelles nous travaillons produisent ces marchandises, et donc contribuent directement au maintien du système capitaliste. Il faudrait également « reconstituer les communs », comme l’a expliqué le chercheur, et s’assurer que tout le monde y ait le même accès. Ces communs devraient être bâtis de manière plus démocratique afin de répondre aux besoins de tous. Il n’est pas question d’un retour dans le passé, mais plus de réinventer nos techniques afin de s’assurer que tous en profitent équitablement et que ces celles-ci soient justes pour les générations futures.

Il n’y a donc pas de « plans » en tant de tel, car c’est un travail sociétal qui se ferait à long terme.

Trois principes fondamentaux

Yves-Marie Abraham a d’ailleurs énuméré trois principes sur lesquels la décroissance soutenable se base.

Le premier est le fait qu’il y a une solution qu’on ne doit absolument pas négliger et il s’agit de produire moins. Comme il l’a lui-même affirmé, « si l’on tient à la vie, il faut accepter ce premier principe », il est inévitable.

Le second est que nous devons apprendre à partager plus, donc à mettre en commun nos richesses. À cela plusieurs pourraient évoquer le fait que l’Homme veut toujours plus, que c’est « dans sa nature », mais pour le sociologue, nous sommes devenus ainsi en raison du système social dans lequel on vit.

Le troisième, comme dernier principe, nous devons « décider vraiment ». Nous ne pouvons simplement pas produire plus sans détruire les ressources et générer des déchets. C’est un fait que nous devons accepter, alors nous sommes dans l’obligation d’agir maintenant.

Que nous soyons d’accord ou non avec les propos du professeur à HEC Montréal, celui-ci a terminé la conférence en affirmant que l’avenir de la planète dépend de nos actions futures et que nous devons travailler ensemble, en tant que société, afin de trouver de meilleures solutions. Comme il l’a dit pour conclure la présentation, voulons-nous choisir la décroissance, ou la subir?

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