Par Sarah Gendreau Simoneau
Dans de nombreuses organisations sportives, les équipes sont entraînées majoritairement par des hommes, ce qui peut contribuer à une culture sexiste dans le sport. Si quelques femmes entraînent des groupes dans le sport féminin, il est très rare de voir des entraîneuses sur les bancs des équipes masculines.
Le 3 juillet dernier, Jessica Campbell a été nommée comme entraîneuse adjointe du Kraken de Seattle. Il s’agit donc de la première entraîneuse adjointe à temps plein dans la Ligue nationale de hockey (LNH), se joignant ainsi à Dan Bylsma, nommé entraîneur de l’équipe en mai. C’est le 8 octobre dernier qu’on a pu la voir pour la première fois derrière le banc pour le duel entre le Kraken de Seattle et les Blues de Saint-Louis au Climate Pledge Arena.
Campbell est membre du programme pour entraîneuse de l’Association des entraîneurs de la LNH, qui soutient les entraîneuses en leur offrant de l’enseignement sur le développement des compétences, des stratégies de leadership et de communication, ainsi que du réseautage et de l’aide dans l’avancement professionnel. Il s’agit de la cinquième année d’existence du programme qui compte désormais plus de 100 femmes, soit le plus grand nombre de membres dans l’histoire de l’initiative. Ce sont 34 nouvelles femmes qui se sont ajoutées cette saison.
Le Kraken a été à l’avant-garde du mouvement d’embauche de femmes dans le hockey. Alexandra Mandrycky a été nommée comme directrice de l’administration du hockey. Elle a d’ailleurs contribué à l’arrivée du directeur général Ron Francis et, en 2022, elle a été promue directrice générale adjointe. Aussi, Seattle a engagé Cammi Granato, une légende du hockey féminin, comme première femme dépisteuse professionnelle dans la LNH en septembre 2019. En 2022, cette dernière a été nommée directrice générale adjointe des Canucks de Vancouver.
Toutefois, tous les sports ne sont pas égaux en matière d’intérêt pour l’embauche de coachs féminines. Pourquoi ?
Le sexisme, encore et toujours
Et oui, malheureusement, même en 2024, les stéréotypes sexistes selon lesquels les femmes sont moins compétentes que les hommes dans les sports, mais surtout dans le leadership, sont encore omniprésents. Plusieurs athlètes masculins et organisations sportives pensent que les hommes sont mieux placés pour entraîner des hommes, ce qui influence les processus de recrutement et de promotion. Ce facteur entraîne un manque de confiance chez les entraîneuses qui vont devoir défendre leurs convictions sportives, mais aussi leurs qualités de femme.
Aussi, les occasions pour les femmes d’acquérir une expérience d’entraîneuse dans le sport sont rares. Elles ont longtemps été exclues de la pratique de nombreux sports, entraînant une diminution du nombre et des occasions d’emplois pour elles. Les femmes n’ont donc pas autant de modèles féminins auxquels se rattacher ou de mentor dans le domaine.
Enfin, les horaires exigeants liés aux entraînements et aux compétitions font qu’il est plus difficile pour la plupart des femmes de concilier travail d’entraîneuse et vie personnelle, surtout lorsqu’elles sont mères. La pratique en elle-même d’une activité physique est déjà compliquée : seuls 38 % des licenciés des fédérations sportives sont des femmes.
« Pour les jeunes femmes qui veulent devenir entraîneuses et travailler au plus haut niveau, il est beaucoup plus facile de l’envisager si elles voient d’autres femmes le faire », explique Karin Harjo, première femme à entraîner une équipe de ski alpin.
« Je pense qu’il est important pour les athlètes féminines de se rendre compte qu’il n’est pas nécessaire d’être un homme pour devenir coach, renchérit Andrea Bednas, entraîneuse de snowboard originaire des Pays-Bas. Il existe une voie que les femmes aussi peuvent emprunter. »
Quels avantages pour une équipe d’avoir une entraîneuse ?
Chargé de mener un projet d’entraînement dont il est le gestionnaire, l’entraîneur doit mobiliser des savoirs et des savoir-faire. Ces deux domaines ne font donc pas appel à des qualités détenues exclusivement par des hommes. Engager une entraîneuse peut avoir des avantages, essentiellement dans les domaines de la communication et de la prise en compte des spécificités des sportives.
Les entraîneuses ont souvent tendance à être d’excellentes communicatrices, ce qui est essentiel lorsqu’il s’agit d’une équipe d’athlètes. Elles écoutent activement, donnent des commentaires précis et communiquent de manière empathique. Cette approche renforce la confiance et favorise un environnement d’équipe plus favorable. De plus, les entraîneuses ont tendance à se concentrer davantage sur la façon dont chaque joueur s’intègre à la dynamique de l’équipe plutôt que sur les statistiques individuelles. Cela permet de mettre davantage l’accent sur le travail d’équipe et la responsabilité de chaque joueur. Attention, il ne s’agit pas de dire que les hommes n’ont pas ces capacités, bon nombre d’entre eux peuvent avoir les mêmes qualités et mener à bien leur équipe. Ce qui prouve qu’une femme et un homme peuvent faire le même travail au sein d’une équipe sportive.
Enfin, les femmes ont souvent des besoins et des préoccupations uniques en matière de santé qui diffèrent de ceux des hommes. Les entraîneuses sont portées à mieux comprendre ces besoins et peuvent aider les athlètes féminines à les gérer et à s’y préparer pendant l’entraînement sportif.
Comment augmenter le nombre de femmes dans les postes d’entraîneurs ?
C’est un travail de fond qui doit être entrepris, ciblant plusieurs axes, comme l’offre de postes, la valorisation des entraîneuses en place, la formation ou encore l’expérience. Tel que le fait la LNH avec son programme pour entraîneuse de l’Association des entraîneurs de la Ligue.
Prioritairement, il faut offrir aux femmes la possibilité d’acquérir des qualifications et de l’expérience en tant qu’entraîneuse. Cela passe par la sensibilisation des structures sportives aux avantages d’avoir des entraîneuses, en mettant en valeur leurs points de vue, leurs idées et leurs compétences uniques qui peuvent améliorer les performances de l’équipe.
D’un point de vue politique, il faut mettre en œuvre des initiatives qui soutiennent l’égalité des sexes dans le sport en encourageant la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances à tous les niveaux, y compris le financement, la gouvernance et le leadership. Ces politiques doivent encourager davantage de femmes à poursuivre une carrière d’entraîneuse en faisant la promotion des modèles, en fournissant des réseaux de soutien et en supprimant les obstacles, tels que les préjugés sexistes et la discrimination.
Enfin, il est indispensable, d’augmenter la visibilité des entraîneuses sportives en les présentant dans les médias et en faisant la promotion de leurs réalisations.
Crédits: Steph Chambers
Sarah Gendreau Simoneau
Passionnée par tout ce qui touche les médias, Sarah a effectué deux stages au sein du quotidien La Tribune comme journaliste durant son cursus scolaire, en plus d’y avoir œuvré en tant que pigiste durant plusieurs mois. Auparavant cheffe de pupitre pour la section Sports et bien-être du journal, et maintenant rédactrice en chef, elle est fière de mettre sa touche personnelle dans ce média de qualité de l’Université de Sherbrooke depuis mai 2021.
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