Moi, dans mon temps…

Par Andrée-Anne Roy

Si le style bûcheron ne fait pas partie de votre garde-robe, si le castor n’est pas votre animal fétiche et si Le shack à Hector n’est pas votre toune incontournable, vous n’êtes pas attachés aux traditions québécoises. En fait, c’est ce que nous proposent les valeurs ancestrales de notre coin de pays. Mais, tous ont tout de même droit à leur propre pincée de sel quant à nos traditions familiales.

« Moi, dans mon temps… » Je me suis surprise récemment à utiliser cette phrase en parlant du début 2000. « Voyons! », me direz-vous! Je ne suis peut-être pas si vieille, mais les traditions n’apparaissent pas avec l’âge, mais avec ce qui nous est transmis. Nos traditions sont assujetties aux changements tout comme l’est ce qui nous entoure et c’est à nous d’y voir grand.

Une tradition se veut un élément qui se répète, qui ne change pas au gré du vent, mais qui peut évoluer. Une tradition se propage et se partage et c’est à nous d’en assurer la pérennité. Nombreuses sont les fois où j’ai entendu dire que dans le temps, tout était beau. Que tout était tellement mieux qu’aujourd’hui. Il faut dire qu’on en a fait du chemin en tant que petit peuple depuis plusieurs décennies et c’est comme ça qu’on a grandi. Je me demande de quel temps on parlait à ce moment-là… Il faut toutefois se battre pour que ce en quoi nous croyons puisse être transmis aux futures générations. Et en quoi croyons-nous exactement? Dans quelles luttes choisirons-nous de nous investir? Quels changements voulons-nous adopter pour les générations futures de peur de ne leur laisser qu’une parcelle de bonheur?

J’ai l’impression que certaines traditions nous font du bien alors que d’autres sont à revoir; certaines d’entre elles nous empêchent d’avancer. En effet, je ne pense pas me tromper en disant que la mention de perpétuité d’un événement élimine son caractère symbolique. Nous sommes en quête d’une spontanéité qui ne peut durer inlassablement.

Prendre le temps de s’établir, c’est prendre du temps qu’on n’a pas en 2016.

Notre génération s’est donné comme mission non écrite de transformer les traditions, peut-être les trasher. On ne peut se permettre de s’arrêter quelques secondes pour s’établir, il est donc inconcevable de voir s’installer de nouvelles traditions. Dans une société ou un minimum de vingt-six heures seraient considérables pour compléter notre to do list, nous ne prenons pas le temps d’immortaliser ce qui est important. On reconstruit les valeurs familiales, nos traditions quelles qu’elles soient et on s’attend à tout sans rien donner en retour. C’est ainsi que nous délaissons tout ce qui nous a été enseigné par nos ancêtres. Il est impossible de prévoir ce qui viendra nous préoccuper, voire nous hanter dans quelques années et surtout si ces changements se sont effectués pour le mieux, pour notre mieux.

Peut-on vraiment dire que le temps de nos grands-parents ou de nos parents était mieux que le nôtre? C’est une question que je me pose fréquemment alors que je doute d’être née à la mauvaise époque. L’ère technologique ne me va pas comme un gant alors que j’appréhende le changement de mes appareils technologiques qui me prennent un temps fou à déchiffrer. J’aime le quotidien pur et simple sans fioritures et sans extravagances. Je suis jalouse de la simplicité dans laquelle ils ont pu évoluer, mais je doute que les soucis étaient si différents qu’on pourrait le prétendre. La pression est peut-être plus perçue de nos jours alors que nos attentes ne cessent de croître et que nos ambitions nous enflent la tête. On se permet de se pousser à bout, à bout de tout. Les mises à jour constantes nous démontrent qu’on ne peut suivre ce rythme effréné sans en prendre conscience. Prendre le temps de s’établir, c’est prendre du temps qu’on n’a pas en 2016. On s’éloigne, on se sépare, on déménage et on se perd de vue. Pour ce qui est de nos habitudes, c’est un peu pareil. On s’éloigne de ce qu’on connait puisque nos valeurs profondes nous quittent elles aussi.

Si on regrette déjà le passé sans connaitre demain, j’ai bien peur que ce que nous aurons à transmettre ne s’efface plus facilement que la première neige. Cette peur de n’avoir rien à transmettre a sans doute traversé les esprits de bien d’autres avant moi et c’est ce qui me force à me battre encore et encore.


 Pour voir le reportage photo de notre rédactrice en chef Andrée-Anne Roy, c’est par ici!

Website | + posts

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top