Entre Sorel et Rivière-du-Loup

Edito sportForce est d’admettre que de telles images évoquent des émotions chez certains, bien que de l’indifférence pour d’autres… rien de sorcier. Il faut avoir marché dans leurs souliers ou à leurs côtés pour comprendre. Je vous explique ce qui se cache derrière ces gestes qui peuvent sembler à première vue anodins.

Par Jonathan Tremblay

L’événement sportif le plus médiatisé du temps des fêtes est, bien évidemment, le Championnat mondial junior 2015 de l’IIHF. Durant celui-ci, les caméramans des télédiffuseurs sur place s’amusent à créer un phénomène singulier au tournoi annuel : présenter à l’écran les parents d’un joueur lorsqu’il marque ou encore s’il a un fort match, question de bien capter leurs réactions. Ce n’est pas sans rappeler l’épisode du blanchissage de Troy Grosenick, gardien de but de 25 ans des Sharks de San Jose, en novembre dernier, à son premier départ dans la Ligue nationale de hockey (LNH). Son père fondait à ce moment en larmes devant des dizaines de caméras. Le jeune n’a jamais été repêché…

Je n’ai jamais été bien bon au hockey

J’ai commencé à huit ans, un peu plus tard que les autres « morons », euh marmots, pardon (salutations à l’analyste de Fox Sports). Dès mon premier entraînement, j’ai quitté la surface glacée à l’avance, par manque d’intérêt et de talent. Ma maman m’avait proposé d’annuler mon inscription. Elle était découragée.

Pourtant, malgré le futur improbable que ces molasses premiers coups de lames prédisaient, les années se sont succédé. J’ai petit à petit commencé à marquer des buts. Je me suis quelque peu amélioré… assez pour me faire croire pendant deux ou trois ans que j’avais de l’avenir là-dedans. Un cheminement psychologique normal pour un « p’tit cul » de région… sans plus. Et un jour, j’ai réalisé que ma LNH, je l’atteindrais plus facilement sur les bancs d’école que sur la patinoire, mais ce n’est pas où je veux aller.

Mes parents m’ont suivi pas mal tout au long de ma jeunesse. Tout au long des arénas. Tout au long des autoroutes entre Sorel et Rivière-du-Loup, durant les tournois où nous dormions dans des endroits aussi prestigieux que le Motel Loupi, le gros luxe! Bref, tout au long de mes victoires et de mes déceptions, ma mère n’a pas manqué un match. Pas un où elle n’était pas présente pour s’élever et prendre ma défense quand un autre spectateur (parent) passait un commentaire désagréable sur mes performances. Pas une pratique où elle n’a pas dégusté sa bonne grosse poutine provenant de la « raffinée » cuisine de l’aréna de Saint-Robert.

Pour ma part, ça s’est arrêté là.

Mon père est riche en ********* !

De manière générale, les gens ont l’idée préconçue que les familles de joueurs de hockey sont riches, avec un parcours sans failles, qui n’ont jamais souffert ni vécu l’échec. Ne jamais avoir vécu d’échecs ni de désillusions avant d’atteindre la LNH ou encore la médaille d’or au Championnat mondial junior… Vous y croyez ? Franchement! J’espère que non, car c’est impossible.

Oui, c’est un sport qui coûte cher. Oui, certains naissent avec un talent inné et ne rencontrent pas le même nombre d’obstacles que les autres avant d’accéder à leurs objectifs. Mais ce n’est pas la majorité. Loin de là. Et qui sommes-nous pour déterminer qui a un parcours facile? Devrait-on enlever le mérite de tous ceux qui ont du succès dans leur domaine, en prétendant qu’ils étaient choyés et prédestinés à réussir?

Ce n’est pas vrai que tous les parents d’enfants sportifs exercent une pression sur ceux-ci. La plupart ne sont là que pour les soutenir et pour les féliciter. De toute façon, la partie devient trop rapidement un boulot pour ces jeunes de 17-18 ans, qui se chargent eux-mêmes, amplement, de se mettre de la pression sur les épaules… en plus des médias, des entraîneurs, des agents et des foules.

Le hockey au Canada, c’est une histoire de famille. Ça l’a toujours été. De ce que j’en connais, en tout cas… Continuez, s’il vous plait, à diffuser des images du père de Nick Petan lançant une casquette sur la patinoire après un tour du chapeau de son fils.

D’ici quelques années, quand je verrai les parents d’un ami pleurer à l’écran à la suite de sa première victoire dans la grande ligue, je n’aurai aucunement peur d’avouer que ça vient me chercher… et de comprendre par où ils sont passés.

« Auprès de ses parents, les plaisirs sont plus doux et les malheurs moins grands. »
Jacques Delille ; Le malheur et la pitié (1802)

#Nosparentsjouenttouspourlecanada

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