Celle qui parle plus fort que le silence – Le courage réinventé, la force de s’avouer vaincue

Par Catherine Foisy

Chez elle, les phases dépressives surviennent lors de grands changements. D’ailleurs, sa plus grande période dépressive, celle qui sera suivie du diagnostic qu’elle attendait, s’est déclenchée alors qu’elle s’embarquait dans un nouveau programme scolaire, qu’elle travaillait 25 heures par semaine, qu’elle était à l’école à plein temps en plus d’être rédactrice en chef de son journal étudiant.

Le 27 janvier dernier, à l’occasion de la campagne Bell cause pour la cause de Bell, Hélène Maillé, étudiante en communication, s’est fait un cadeau. Elle a décidé de parler de son trouble dépressif et de son trouble anxieux sur Facebook. Pour ce faire, elle a marié avec brio ce qu’elle aimait faire : l’écriture, et ce qu’elle souhaitait faire : parler ouvertement de son déséquilibre afin de sensibiliser les gens à sa cause et celle de plusieurs autres.

Alors que son corps était malade, aucun médecin n’était en mesure de mettre le doigt sur sa blessure. Après avoir passé une panoplie de tests, elle ne savait toujours pas ce qui la poussait à préférer son lit au monde extérieur. Quelque temps plus tard, on lui apprit qu’elle avait un problème d’appendice. Rapidement, on l’opéra : elle avait bel et bien fait une appendicite. Elle se souvient d’ailleurs avoir mentionné à ses parents, une semaine après ladite opération, qu’elle aurait préféré ne pas se réveiller de la table d’opération. « Je n’ai jamais eu d’envies suicidaires, mais là, ça n’allait pas. Je regrette ces paroles parce que j’ai fait mal à mes parents, mais en même temps, c’est le cri alarmant qu’il leur fallait pour m’emmener à l’hôpital psychiatrique. » C’est donc leur fille, souffrant d’une énorme crise de panique, qu’ils emmenèrent à l’aile psychiatrique de Sacré-Cœur ce jour-là.

Diagnostiquée d’un trouble anxieux et dépressif

Son arrivée là-bas permit aux médecins de lui confirmer le diagnostic qu’elle attendait : elle souffre d’un trouble anxieux mêlé à un trouble dépressif. Comme elle n’était pas en danger pour elle-même ou pour quelqu’un d’autre, on lui a rapidement donné son congé d’hôpital, avec en prime des antidépresseurs et des anxiolytiques. Elle se confie : « C’est beau les médicaments, mais ce ne sont pas des pilules du bonheur. » Il faut plus que cela.

Si son séjour à l’hôpital lui a permis d’en apprendre davantage sur elle, elle se découvre encore aujourd’hui. Alors qu’elle avait commencé les antidépresseurs en août 2014, quelques mois plus tard seulement, en octobre, elle arrêtait. « J’étais rendue un zombie qui dormait partout », me confie-t-elle. Pour ce qui est dans anxiolytiques, le psychiatre qu’elle avait consulté lui conseilla de les garder sur elle, en cas de besoin. Bien qu’elle arrêtait la médication forte, elle ne lâchait pas le morceau, elle souhaitait s’aider. Elle était suivie en psychothérapie par un thérapeute pour l’aider à comprendre les réactions de son corps.

Apprendre à dire non

Ce qui lui a nui, c’est qu’elle est incapable de dire non. En acceptant de faire tout ce qu’on lui demande, souvent parce que ce sont des projets qu’elle affectionne particulièrement, elle vit un rythme de vie qui rapidement la mène à une crise de panique. Chez elle, la crise de panique survient lorsqu’elle se rend compte que son agenda est plein, et qu’elle n’a pas le temps de souffler entre les différentes tâches qu’elle y inscrit. Depuis son diagnostic, elle tente de moins en prendre à la fois, ce qui lui réussit, dans une certaine mesure.

Si je lui souhaite la force d’être en mesure de dire non, ou d’accepter d’en prendre moins à la fois, je la remercie d’avoir accepté mon invitation. Éternelle battante, elle souhaite démystifier la santé mentale et faire comprendre à son entourage qu’elle n’est pas forcément synonyme de démence. « Lorsque j’en ai parlé à mes amis, personne ne savait de quoi je parlais », avoue-t-elle. Elle a envie de changer les choses et de rendre accessible l’information à quiconque souhaite en apprendre davantage sur ces maladies qui, souvent, sont stéréotypées.

« On ne tape pas sur ceux qui ont une jambe cassée, on ne peut pas dire à ceux qui souffrent de troubles mentaux d’être heureux. Il faut les aider. »

Parlons de faits

En discutant avec Stéphanie Therrien, animatrice sociale pour la Fondation des maladies mentales, j’apprends que la maladie mentale dont souffre Hélène est un cas parmi tant d’autres. « 75 % des maladies mentales débutent avant l’âge de 24 ans. La dépression, un trouble de l’humeur, est l’une des principales causes du décrochage scolaire chez les jeunes. »  Elle ajoute que d’après une enquête menée par les autorités de santé publique du Québec, environ 8 % de la population âgée de plus de 12 ans rapportent avoir vécu des épisodes de dépression au cours des derniers mois. Du côté de l’anxiété généralisée, on indique sur le site web de la fondation que celle-ci touche de 5 à 10% de la population québécoise, la femme étant deux fois plus susceptible d’en souffrir que l’homme.

Tout comme Hélène, les travailleurs et travailleuses de la Fondation des maladies mentales tentent de démystifier la maladie mentale au Québec. Le tabou entourant ces maladies encore méconnues tombera-t-il? Certes, si ce n’est déjà fait, « les gens en parlent beaucoup plus qu’il y a dix ans », me confie Stéphanie.

Le cas d’Hélène ne me laisse pas sans émotion. Je la trouve belle, courageuse, fonceuse, forte. Pour moi, le mot force vient de prendre une nouvelle signification. Une signification tout autre que celle du traditionnel homme fort (pas qu’il soit moins important). On parlera ici de la force de s’avouer vaincue, et de décider de se relever.

J’ai envie de me lever avec toi, Hélène. J’ai envie de me lever avec vous tous.


Pour plus d’informations, consultez le site de la Fondation des maladies mentales.

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