Si les grands avaient suivi la loi…

Par Jonathan Asselin

S’il y a une chose dont je suis content depuis le début de mes études à l’UdeS, c’est le climat de liberté dans lequel on baigne jour après jour. Entouré de professeurs et d’étudiants qui ont généralement beaucoup de culture et une grande ouverture d’esprit, on se sent tellement plus à l’aise que lorsqu’on fait la file devant les caisses au Wal-Mart. Et ces professeurs qui nous rassurent en nous rappelant que les études, c’est le moment idéal pour faire des erreurs, l’équilibre parfait entre confort et expériences nouvelles.

Puis, des fois, j’accote ma tête sur la fenêtre et je m’improvise philosophe, le temps d’un trajet d’autobus. Je me demande ce que ça changerait si l’on se sentait aussi léger ailleurs qu’en milieu universitaire. Au fond, c’est un peu la même question que : « Et si on avait le droit de se planter? » La réponse à cette question est évidente : on l’a, le droit. Malgré la possibilité de faire des erreurs sans se retrouver en prison, il reste quelque chose d’autre qui nous bloque. Dans mon cas, je suis assez timide et j’évite d’attirer l’attention. Une de mes plus grandes phobies, que j’essaie de combattre à temps perdu, c’est de faire quelque chose de tellement hors du commun, que tout le monde se retournerait vers moi d’un seul coup. (On ne parle pas ici d’une erreur monumentale du genre faire s’effondrer la tour de Pise, mais, par exemple, d’inventer la machine à remonter dans le temps. Si ça venait à arriver, la pression serait trop grande, aussi serais-je tenté de l’utiliser pour retourner avant sa création.)

Je me souviens d’une définition qu’une professeure de sociologie nous avait dictée lors de mon passage au Cégep. Une norme, disait-elle, n’est rien d’autre qu’une manière de faire dicter un groupe. Alors que les lois sont des normes dites formelles, donc écrites avec des sanctions relativement claires, les normes informelles sont, elles, souvent non dites et assimilées par une grande partie des membres des différents groupes sociaux auxquels on appartient. Ce faisant, il est difficile de prévoir ce qui se passera si une norme informelle n’est pas respectée. Par exemple, si je décide, à l’heure de pointe, que je suis pressé et que je passe devant tout le monde à la caisse du Maxi, tout le monde se rendra bien compte que je suis un égoïste assumé. Que se passera-t-il alors? Rien n’est moins certain. Ça peut créer une bagarre style black Friday; la caissière pourrait décider de me renvoyer faire la file, ce qui mettrait son emploi en position risquée, puisque moi, client égoïste et pressé, je pourrais décider d’être un total retard et de porter plainte; ou tout pourrait bien se dérouler, en acceptant le fait que tout le monde dans la file me regarderait avec des couteaux dans les yeux.

S’il est presque impossible de prévoir ce qui se passera en agissant ainsi, ça devient encore plus compliqué si l’on parle de sujets plus sérieux. J’ai le vertige lorsque je me mets à penser aux démarches que Martin Luther King, par exemple, a dû mettre en branle avant d’en arriver à prononcer un des plus beaux discours que je connaisse. Je peine à m’imaginer le nombre de normes sociales qu’il a dû enfreindre. Et la fin tragique.

Quand je débarque de l’autobus, je dois marcher dix minutes avant d’arriver chez moi. Alors, je me dis qu’à partir de maintenant, j’agirai comme un grand. Qu’est-ce que ça veut dire, déjà? Que je serai fidèle à mes convictions et que je ne plierai pas devant la pression. C’est tout? C’est bien trop simple. Je ne devrais pas appuyer sur le bouton pour traverser la rue déserte. Quand les gyrophares s’allumeront, je leur expliquerai tout ça. Ils comprendront peut-être.

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