Mar. Juil 23rd, 2024

Sarah Gendreau Simoneau

Les gouvernements du Canada et du Québec ont appelé leurs employés à bannir TikTok de leurs outils de travail, comme l’ont fait plusieurs autres leaders mondiaux. Des institutions régionales ont ensuite emboîté le pas, comme c’est le cas de l’Université de Sherbrooke (UdeS). Est-ce légitime?

Selon plusieurs études que relate Alain Saulnier, professeur à l’Université de Montréal, dans Le Devoir, l’accès aux données facilite l’atteinte d’informations privées et confidentielles des États, notamment. Le gouvernement communiste chinois, par l’entremise du populaire réseau social TikTok, s’adonne à des activités d’espionnage. La Chine a notamment mis en place une stratégie d’influence dans les pays démocratiques.

Cependant, ce n’est pas le seul pays qui utilise ces manœuvres ; la Russie et l’Iran aussi, entre autres lors du référendum pour l’avenir du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne.

ByteDance, l’entreprise propriétaire de TikTok basée à Pékin, a admis, en décembre dernier, avoir espionné au moins trois journalistes du média américain Forbes à partir de l’adresse Internet de leur mobile. Les employés chinois de l’entreprise auraient aussi un accès peu encadré à des renseignements personnels sur les gens qui utilisent le réseau social.

Comment ça fonctionne?

Une fois l’application installée sur un sans-fil, elle demandera d’accéder à son carnet d’adresses. Parfois, elle récupère le contenu du presse-papier et peut faire une liste des autres applications présentes et utilisées sur l’appareil. Elle peut aussi découvrir les sites visités régulièrement par la personne propriétaire du téléphone.

Mais pourquoi s’en prendre à TikTok et pas aux géants américains du web ? Car eux aussi collectent nos données, et ce, depuis plusieurs années. La réponse réside dans le fait que, par exemple, Google, Apple, Meta/Facebook, et autres, sont devenus des partenaires dans la gestion de nos données, toujours selon Alain Saulnier. « L’État québécois paie pour sa dépendance à Amazon en lui donnant un accès privilégié à ses données gouvernementales. »

Dans cette optique, le ministre responsable de la protection des renseignements personnels, Éric Caire, est d’avis qu’on ne devrait pas craindre l’offre Amazon, parce que l’entreprise a fait ses preuves en matière de cybersécurité. Mais la question se pose. Les gouvernements craignent la manipulation de l’opinion publique par TikTok, mais « est-il normal que nos États confient à des entreprises étrangères la gestion de nos données » ?

La différence est que le gouvernement chinois se donne le droit de récolter sans préavis toute l’information sur ses utilisateurs que TikTok a trouvée.

Et le recrutement?

Les jeunes utilisent beaucoup TikTok et les entreprises visent à les recruter par ce réseau social. Est-ce que l’interdiction d’utiliser TikTok de plusieurs entreprises aura une influence sur le recrutement des jeunes ? Selon le créateur de contenu et fondateur de l’agence Tran, Anthony Tran, il n’y aurait pas d’impact direct pour rejoindre les gens, malgré le bannissement. « Ce n’est pas quelque chose qui semble inquiéter les entreprises avec lesquelles je travaille », indique-t-il. Plusieurs ont même fait des annonces pour rassurer leurs clients et leurs partenaires qu’ils allaient continuer de créer du contenu sur TikTok.

Marc D. David, professeur en communication marketing de l’UdeS, est du même avis puisque les jeunes de 30 ans et moins sont difficiles à rejoindre autrement que via les réseaux sociaux, surtout TikTok. Un article de Radio-Canada énonce d’ailleurs que la génération Z utilise le géant chinois environ 80 minutes par jour, ce qui est énorme. Certes, quelques-uns seront probablement sensibilisés à ce à quoi la société fait face en ce moment, mais la décision revient à chaque personne qui utilise TikTok puisqu’aucune réglementation n’existe encore pour interdire fermement à quiconque d’installer et d’utiliser TikTok sur une base personnelle.

L’expert en cybersécurité Steve Waterhouse pense que les entreprises devraient baliser l’accès à leur compte TikTok pour que des employés ne soient pas victimes de fuites d’informations, ou d’une quelconque influence indue. Il recommande aux entreprises de cerner leurs besoins pour établir la pertinence ou pas de créer un compte TikTok.

Souvent, les gens se font porter par la vague d’un réseau social parce que c’est cool et dans l’air du temps. Par contre, surtout pour des entreprises ou des organisations, les risques et les menaces des applications peuvent être plus élevés ; il est important de bien les évaluer avant de s’embarquer.

« Par exemple, comme menace, TikTok peut s’avérer un outil intéressant dans les efforts de la Chine pour s’imposer comme première puissance économique du monde. Qui plus est, le pays est soupçonné de vols de propriété intellectuelle », souligne Steve Waterhouse.

Une santé mentale affectée

L’espionnage du gouvernement communiste chinois n’est pas le seul enjeu engendré par le réseau social. « L’effet sur le cerveau du buffet à volonté de vidéos très courtes qu’on fait défiler d’un glissement de doigt à l’écran » fait en sorte que la personne qui utilise TikTok devient facilement distraite. À long terme, chez les jeunes, la capacité d’apprentissage en devient affectée.

Douyin, propriété de la même entreprise chinoise que TikTok, ByteDance, et utilisé seulement en Chine et pas ailleurs (alors que TikTok est partout, sauf en Chine), ferait davantage la promotion de contenus encourageant une meilleure culture générale et une amélioration des connaissances. Encore là, il y a une décision proprement chinoise de différencier les deux réseaux sociaux même s’ils proviennent de la même entreprise.

D’ailleurs, le 1er mars dernier, TikTok a annoncé qu’il mettra en place, dans quelques semaines, un avertissement au bout de 60 minutes d’utilisation pour toutes les personnes qui auront déclaré être mineures. Cette nouvelle fonctionnalité veut répondre aux critiques des gens qui trouvent que les jeunes passent trop de temps sur la plateforme.

Cette initiative a reçu de vives critiques parce que les jeunes pourront, entre autres, désactiver la fonction ou encore mentir sur leur âge, comme sur d’autres applications. Certaines personnes proposent aussi d’« arrêter de faire des contenus addictifs » et de proposer des contenus plus éducatifs pour réduire la dépendance.

Au moment d’écrire ces lignes, plusieurs développements sont en cours dans cette histoire de TikTok. La vigilance est de mise, mais ne succombons pas à la folie non plus !


Crédit image @TikTok

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Rédactrice en chef et directrice générale, auparavant cheffe de pupitre SPORT ET BIEN-ÊTRE pour le journal Le Collectif | Site web

Passionnée par tout ce qui touche les médias, Sarah a effectué deux stages au sein du quotidien La Tribune comme journaliste durant son cursus scolaire, en plus d’y avoir œuvré en tant que pigiste durant plusieurs mois. Auparavant cheffe de pupitre pour la section Sports et bien-être du journal, et maintenant rédactrice en chef, elle est fière de mettre sa touche personnelle dans ce média de qualité de l’Université de Sherbrooke depuis mai 2021.  

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