Le silence des troupeaux : un retour en force pour Philippe Brach

Par Jean-Christophe Morin

Avec Le silence des troupeaux, Philippe Brach nous fait cadeau d’une œuvre viscérale joignant la critique sociale à un effort d’introspection avec sagacité. De façon succincte, l’album livre un message puissant avec toute la fougue et l’énergie que l’on reconnait désormais au jeune artiste. 

Une suite d’accords majeurs, Paul Daraîche, 2 frères, beaucoup de sourires et des paroles uplifting; Philippe Brach en a surpris plus d’un en dévoilant sa nouvelle chanson intitulée Troupeaux en août dernier. Dès lors, les commentaires étaient mitigés. Certains aimaient beaucoup, mais d’autres se demandaient s’il s’agissait d’une plaisanterie. Après tout, cette nouvelle direction était certainement étrangère au son déjanté et aux paroles crues des deux premiers albums de l’artiste. On apprendra le 3 novembre qu’il s’agissait finalement d’une blague audacieuse. La pochette du disque mettant à l’avant-plan un Philippe Brach défiguré dans un paysage sombre et morne, on pouvait déjà présumer que son contenu ne serait pas à l’image du précédent single.

Ce qui se retrouve à l’intérieur de ce mystifiant disque, c’est plutôt une impulsion assez sombre. Une impulsion qui aurait été canalisée en une œuvre musicale succincte, mais qui en dit long. Le premier morceau du disque, qui porte d’ailleurs le nom de l’album, présente un arrangement de cordes et des timbales tonitruantes dans un rythme saccadé venant mettre la table pour ce qui suit. La fin du monde, deuxième pièce de l’album et morceau portant le nom d’une bière étant tout aussi bonne, crée une atmosphère musicale sublime au moyen d’une section de cordes qui rappellera subtilement l’excellente Crystel issue de l’album précédent. Dès les premiers coups de cymbale, l’une des plus grandes qualités de l’album se fait sentir : la prodigieuse production. Le soutien de Jesse Mac Cormack transparait à plusieurs moments dans l’album, notamment dans Mes mains blanches et Joyeux anniversaire. La touche de blues que cela apporte est extrêmement efficace et crée un son brut, mais feutré. Une attention particulière a été portée aux guitares et le résultat est fascinant, tant dans les passages plus énergiques que dans les moments introspectifs où l’ambiance se fait plus détendue.

Malheureusement, si l’album s’avère être une grande réussite au niveau instrumental, ce n’est pas forcément le cas en ce qui a trait au débit des paroles. Certaines phrases et certains enchainements paraissent boiteux et décousus en comparaison avec la plume habituelle de l’artiste. Par contre, plusieurs thèmes sont abordés d’une façon intéressante et empreinte d’introspection. Si Brach dénonce éhontément l’avarice et l’opportunisme de l’« homme blanc », il est tout aussi capable de percevoir une forme d’ironie dans sa propre popularité qui serait en partie due au fait qu’il « ne tape pas su’l 2 pis le 4 » ou que ses chansons se résumeraient en un risible « salut c’est moé pis j’t’encore scrap ». Une certaine forme de maturité et d’humilité ressort de l’écriture de Brach dans cette œuvre.

En tant qu’album à part entière, Le silence des troupeaux est une réussite. Fluide, concis, énergique et extrêmement pertinent dans le contexte politique dans lequel il est paru, le troisième disque de Philippe Brach vaut le détour et mérite une écoute attentive.


Crédit Photo © philippebrach.bandcamp.com

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