Made in Estrie : un évènement pour rapprocher les artistes francophones et anglophones

Par Pascale St-Pierre

Le mardi 14 novembre dernier, Made in Estrie a soufflé un vent d’inspiration sur Sherbrooke sous la forme d’un 5@7 de rencontres entre artistes francophones et anglophones de la région. C’est à l’Irisium, nouveau centre fétiche au centro pour des meetups et autres soirées artistiques festives qu’a pris place cet évènement riche en potentiel créateur. Le Collectif s’est rendu sur place pour en savoir plus sur les communautés artistiques francophones et anglophones et les enjeux liés à la langue dans le milieu créatif.

Le projet Made in Estrie est né en réponse à plusieurs appels. D’abord, le Conseil de la culture de l’Estrie, dirigé par Pierre Mino, a mené, en janvier 2016, le Forum des états généraux des arts et de la culture en Estrie, auquel plus d’une centaine d’artistes et d’acteurs du milieu artistique estrien ont pris part, dont une vingtaine d’artistes anglophones. De cette discussion sont issues, selon Mino, environ 400 propositions qui furent distribuées sous six axes et quarante pistes d’actions. Parmi celles-ci, la piste d’action 2.4.2 « Privilégier une approche de développement des communautés » soulève la problématique de la séparation linguistique entre les communautés artistiques. En effet, pour la communauté anglophone estrienne, parmi laquelle les artistes forment une grande proportion, les obstacles linguistiques s’accumulent. Il y a un véritable privilège d’être francophone pour créer en Estrie. Selon un sondage mené en 2016 par Kristelle Holliday, gestionnaire de projets créatifs, notamment à la tête du Théâtre des Petites Lanternes, « les difficultés les plus grandes [se situent] au niveau de l’accès à une version traduite des programmes de financement ou encore de la traduction des demandes de financement et des œuvres, de la représentation sur les jurys ou dans les comités de travail du milieu, ainsi que des activités de réseautage qui permettent d’établir un pont entre les milieux artistiques francophones et anglophones ».

Pour y remédier, ELAN (English Language Arts Network), une plateforme de partage des créateurs anglophones à travers le Québec déjà active avec Made au Québec, s’est associée à Townshippers’ Association ainsi qu’au Conseil de la culture de l’Estrie pour organiser la soirée de réseautage et de « Marché Éclair » bilingue Made in Estrie.

Trois organismes

ELAN est une organisation à but non lucratif qui crée des opportunités et appuie la démarche des artistes québécois d’expression anglaise à travers la province, tout particulièrement dans les régions. Townshippers’ Association, pour sa part, s’étend au-delà de la culture, touchant aussi au patrimoine, au développement communautaire, aux services sociaux et de santé et aux populations jeunes et vieillissantes dans une optique de renforcement de l’identité et de promotion de la communauté anglophone dans les Cantons-de-l’Est. Finalement, le Conseil de la culture de l’Estrie fait entrer en relation organismes, artistes et travailleurs culturels dans une grande variété de disciplines et offre, entre autres, des ressources de formation et de support aux artistes professionnels.

Marché Éclair

Durant la soirée, huit artistes francophones dont Olivier Saint-Jean, Angèle Séguin, Liliane St-Arnaud, Pierre Pino Noël, Magalie Laniel, Fanny Tousignant, Frank Poule et Nicole Legault en plus de six artistes anglophones – ou qui travaillent majoritairement en anglais –, dont Matthew McCully, Liselyn Adams, Maya Cashaback, Carolyn Jones, Kate Morrisson et Ross Murray ont été jumelés par paires bilingues (et une francophone). Ils et elles ont pu échanger sur leurs nouveaux projets, leurs intérêts et leurs créations durant dix minutes, à la suite desquelles chaque couple a dû se présenter mutuellement pour une minute par artiste. Des prix de présence pour reconnaitre la créativité des artistes sur scène (des livres, des billets de spectacles, des albums, etc.) furent remis.

Cet exercice ludique a permis de détendre l’atmosphère et de former des liens aléatoires entre des artistes qui n’auraient, en d’autres lieux, peut-être jamais eu l’occasion de discuter de leur travail. Quelques paires mentionnaient penser se rappeler plus tard dans l’éventualité de travailler ensemble, alors qu’une autre artiste, Magalie Laniel, dit avoir été inspirée par sa partenaire assignée, Kate Morrisson : « Elle m’a appris que c’est vraiment important en tant qu’artiste de se définir comme [tel], de se permettre de dire «moi, je suis une artiste». » Ont aussi été présentés des gens en musique (compositeurs, interprètes), en écriture (roman, théâtre, poésie), en théâtre, en danse, en peinture, en cirque (clowns), en sculpture, en photo, en affaires culturelles, dont plusieurs, interdisciplinaires, mélangent les formes d’art et construisent des modèles de carrières artistiques inhabituelles et plus admirables les unes que les autres.

Ce fut un succès autant pour les artistes présentés que pour les membres du public. Chacun a eu droit à un brin d’exposition bien reçue. Pour Rachel Hunting, directrice de la Townshippers’ Association, c’est une première et clairement pas une dernière!


Crédit Photo ©  ELAN

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