Par Elizabeth Gagné

L’Estrie regorge de producteurs locaux qui mettent en valeur ce que notre terroir a de plus beau à offrir. Le Cep d’Argent ne fait pas exception. Une histoire d’amour entre la France et le Québec a donné naissance au vignoble en 1988. Vignerons dans l’âme, les frères Scieur ont grandi et travaillé dans les vignes familiales situées à Étoges, petit village français de la région Grand-Est, anciennement la Champagne-Ardenne.
« Riches de leur héritage champenois, François réussit le cours Vignes et vins à l’École familiale rurale de Gionges alors que Jean-Paul développe une expertise en mécanique et en gestion de personnel. »
C’est à la suite d’une rencontre avec quatre Québécois que le rêve d’implanter un vignoble au Québec prend vie. Avec leur savoir-faire et leur expertise, Jean-Paul et François Scieur étudient et analysent les sols et la température du Québec. Ils achètent une terre de 114 acres du versant ouest du plateau appalachien avec vue sur la rivière Magog. « Tout y est : une pente douce, un microclimat favorable à l’épanouissement des vignes et le lac Magog qui coule à 200 mètres. » Il faut de l’huile de coude et de la patience avant que les frères vignerons puissent partager le fruit de leur labeur.
Du travail et du temps
« Traditionnellement, le champagne est fait à partir de trois cépages : le pinot noir, le pinot meunier et le chardonnay. Il faut environ 180 jours de chaleur afin d’arriver à la maturation du raisin pour la récolte. Au Québec, on a environ 150-160 jours de chaleur en moyenne par année. Et donc il était impossible d’utiliser les cépages traditionnels pour fabriquer notre vin », dit Jean-Paul Scieur.
Heureusement, l’héritage familial de la famille Scieur leur a été fort utile. Coïncidemment, le domaine des Scieur en France a introduit, à la suite des ravages causés par des pucerons ravageurs, le seyval blanc, un hybride français au port érigé soutenant d’énormes grappes de raisins à la chaire pulpeuse. En effet, de la fin du 19e siècle au début du 20e siècle, la France a vécu les ravages du phylloxéra de la vigne.
Les premières traces de l’insecte sont observées vers 1863 dans le Gard, dans le sud de la France. Peu à peu, la maladie s’est répandue dans tout le pays pour en venir à provoquer une grave crise dès 1864. Il faut plusieurs décennies aux vignerons français pour surmonter cette crise. L’arrière-grand-père de Jean-Paul et François Scieur, Edgard Bérat, est justement l’un des membres fondateurs, en 1912, du « Syndicat antiphylloxérique d’Étoges » qui contribue activement, par l’utilisation de porte-greffes résistants, dont le seyval blanc, à enrayer l’insecte et à sauver la vie viticole en Champagne. C’est ainsi que les frères Scieur en viennent à bien connaitre cet hybride aux multiples qualités. L’une de ses qualités, « c’est qu’il lui prend seulement 160 jours de chaleur pour venir à maturité », confie Jean-Paul Scieur. Le savoir des deux frères leur ont permis d’implanter le seyval blanc au Québec. Ainsi, les premiers ceps sont plantés en 1985 et la production débute en 1987.
S’adapter aux hivers québécois
Les deux frères se sont installés au Québec peu de temps après l’ouverture officielle du vignoble en 1988. Même si le seyval blanc résiste bien au froid, jusqu’à – 24oC, nos hivers québécois peuvent être beaucoup plus rudes. Au début, les deux frères recouvraient les arbustes de terre pour l’hiver afin de les isoler du froid. La perte de terre est cependant devenue trop grande au fil des années. Les deux frères ont donc acheté des toiles géothermiques afin de remplacer les butes de terre. Mais au fil des années, avec le dérèglement climatique, « le travail est beaucoup plus difficile », admet Jean-Paul Scieur.
« Le réchauffement climatique est un double tranchant. D’un côté, l’augmentation des températures permet d’implanter des cépages au Québec qui demandent une plus grande période de chaleur. De l’autre côté, la température est de plus en plus fluctuante et ça, c’est très mauvais pour les vignes. Les tempêtes sont de plus en plus violentes. On a dû renforcer nos toiles géothermiques, il y a quelques années, car les vents étaient rendus trop forts et les toiles s’envolaient. Tout ça entraine des coûts substantiels et, vu qu’on est une entreprise indépendante, on ne reçoit aucun financement pour nous aider. »
L’amour des frères Scieur pour le vin et le territoire du Québec est flagrant. Malgré des périodes plus difficiles, l’équipe du Cep d’Argent n’a jamais baissé les bras devant l’adversité. Aujourd’hui, les frères sont fiers de dire qu’ils font partie des pionniers de la viticulture au Québec. En effet, le Cep d’Argent se trouve à être le deuxième plus vieux vignoble du Québec, souligne Jean-Paul Scieur.
Le domaine Le Cep d’Argent ne compte pas moins de 114 acres, dont 60 000 plants de vignes avec une production de 125 000 bouteilles par année. « Nos cépages blancs sont le Seyval blanc, le Vidal, le Frontenac blanc et le Frontenac gris alors que nos cépages rouges comprennent le Frontenac Noir, le Maréchal Foch, le Sainte-Croix et le Seyval Noir. »
Ayant grandi dans la région de Champagne-Ardenne en France, connue pour sa production de vin mousseux portant l’appellation protégée de Champagne, les frères Scieur ont voulu, à leur tour, produire un vin mousseux d’exception. Ils ont « étudié et recherché les méthodes d’ici pour créer la gamme de bulles Sélection, en 2009, prisée et louangée par les sommeliers : la Sélection Blanc de Blancs, la Sélection Brut Nature et la Sélection Rosée ».
Aujourd’hui, Le Cep d’Argent comprend 13 produits d’exception qui savent plaire à tous les types de palais, des becs sucrés à plus sec. Plusieurs activités sont offertes, telles que des dégustations avec leur sommelier expert dans leur magnifique cave à vin ou encore des visites guidées qui vous feront découvrir les différentes étapes de la fabrication de vin.
Source : Tourisme Memphrémagog

Elizabeth Gagné
Étudiante à la maîtrise en histoire, Elizabeth a toujours été passionnée par les arts et la culture. Travaillant de pair avec ses collègues depuis 2022 à promouvoir le programme des Passeurs culturels à la faculté d’éducation, elle travaille également depuis un an au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Intriguée par tout ce qui nous rend profondément humains, elle souhaite élargir et approfondir le sens de la culture en proposant des articles parfois hors normes.