Par Alexandre Blanchard
Autant le dire d’emblée, Her n’est pas un film qui s’adresse à tout le monde. Souffrant d’une courbe narrative faible (voire inexistante) et d’une lourdeur omniprésente par moment, le long-métrage de Spike Jonze s’avère toutefois porteur d’une profondeur et d’une poésie insoupçonnée.
Le film suit la vie terne et affligée par les déboires amoureux de Theodore Twombly, (joué par Joaquin Phoenix) un écrivain qui œuvre dans la rédaction de lettres intimes. Ce dernier, fraîchement séparé de l’amour véritable, rumine sans cesse les erreurs du passé concernant sa relation et son cuisant échec. C’est en achetant un système d’exploitation révolutionnaire nommé Samatha qu’il verra son existence à nouveau prendre un certain sens. Au gré des conversations parfois lourdes et kitsch, mais surtout poétiques et mélodieuses, les deux protagonistes se lient rapidement d’amitié.
Le film se distingue par le fait que la courbe narrative est quasi inexistante : en d’autres mots, il ne se passe rien. Sur une bande-son enivrante, composée majoritairement de piano, très peu d’actions viennent alimenter les discussions entre Twombly et son amie virtuelle, qui, au final, constituent à elles seules le point central du film. Bien qu’habilement écrit et doté d’une sensibilité admirable, le scénario souffre grandement de par ce manque de développement dans l’histoire. Tellement qu’à certains moments, j’ai trouvé que le long-métrage relevait bien plus d’un amalgame de pensées sur les relations humaines que d’un récit cohérent.
L’œuvre offre une critique intéressante de notre monde moderne axé sur la technologie et sur l’individualisme : Phoenix, qui livre une performance franchement honnête principalement, car il joue seul les trois quarts du film, passe la plupart de son temps en contact avec une machine! Partout autour de lui, les gens sont branchés et vivent dans leur monde virtuel.
Her, c’est aussi une réflexion sur les émotions en général et la capacité (ou l’incapacité devrais-je dire) des êtres humains à les gérer envers leurs pairs. D’ailleurs, le travail de Théodore consiste à rédiger des lettres de nature intime pour des clients à l’intention d’un être proche; j’ai trouvé cela complètement absurde et génial à la fois. Voilà de quoi soulever tout un questionnement assez intéressant d’autant plus que la dimension individuelle et virtuelle vient soutenir cette thèse.
Bref, Her propose à ses spectateurs un bon moment de réflexion et d’introspection émotionnelle fabuleuse, à condition qu’ils se laissent charmer et ça, ce n’est pas gagné d’avance!
Her : 5.6 / 7
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