Entrevue avec le groupe belge L’or du Commun

Par Abdennour Edjekouane

Malgré une journée grise et pluvieuse, Loxley, Primero et Swing, du groupe l’Or du Commun, en ont fait voir de toutes les couleurs à leur public sherbrookois. Une performance explosive au bar Le Magog, le jeudi 17 octobre dernier, dont les spectateurs se souviendront. Le Collectif a eu la chance de discuter avec les membres du groupe quelques heures avant le spectacle : une occasion d’en savoir plus sur le phénomène belge et leur vision de la musique.

Le Collectif: Après être passé trois fois déjà dans la province, qu’est-ce qui vous pousse à revenir au Québec ?

Primero : Le Québec est loin de chez nous, forcément on n’a pas l’occasion de venir n’importe quand, donc quand l’opportunité se présente, on vient avec plaisir. C’est la 3e fois qu’on fait le déplacement ici, à chaque fois on passe un bon moment, le public est chaud et on n’a aucune raison de ne pas revenir.

Swing : Déjà, ça fait partie des gros moteurs en tant qu’artiste de quitter le pays grâce à la musique et de voyager. C’est comme un rêve d’arriver dans un autre continent ; pour nous, c’est un gros « move » déjà. En plus cette année, on vient pour la première fois à Sherbrooke et Trois-Rivières, dans une tournée de quatre concerts…

C : Quel aspect de la culture québécoise appréciez-vous, ou vous fait un peu penser à la Belgique ? 

Loxley : Je crois qu’il y a un vrai lien entre le Québec et la Belgique francophone (il s’arrête quelques secondes et sourit). C’est un peu difficile à expliquer sur le coup, mais je pense que le fait que le Québec soit dans un pays qui abrite plusieurs communautés fait en sorte qu’il se questionne sur son identité, un peu comme les Belges, et je crois qu’il y a cette attitude québécoise qui ressemble un peu à celle des Belges aussi.

S. : Et j’ai l’impression qu’il y a un vrai lien aussi au niveau de l’univers musical et de l’industrie, le fait d’être un petit marché francophone, à côté d’un énorme marché. Nous, on vit cette réalité-là aussi, vu qu’on vient de Belgique et on a la France à côté, qui est un des plus gros marchés du rap. Je me plais donc à penser qu’on partage cette authenticité de la musique ; des gens qui ont commencé la musique avec des rêves d’avenir, mais toujours en gardant les pieds sur terre.

C : Dans un autre registre, comment arrivez-vous à mélanger vos univers respectifs à l’intérieur de l’ODC ? Comment trouvez-vous l’équilibre ? 

L. : On se connait depuis très longtemps, ça s’est fait naturellement. On a commencé les choses un peu naïvement, et c’est un truc qui est venu avec le temps. Pour ce qui est de l’équilibre, on est des créatifs, on aime ce qui est neuf et amener de nouvelles choses. Le truc, c’est que sur chaque album, il y a une partie de nous qui reprend à zéro, trouver une nouvelle symbiose, un nouvel objectif en commun.

P. : Nos univers personnels se sont forgés au sein du groupe aussi, on a démarré très tôt ensemble et on s’est affirmé avec le temps, mais on a tout fait ensemble.

S. : Le vrai équilibre qu’on essaie de trouver c’est juste de faire une musique qui plaît à chacun de nous trois. Ce n’est pas une question de couplets. Pour nous, ce n’est pas primordial. L’équilibre est un petit peu en chacun de nous, on veut que tout le monde apprécie et se trouve dans la musique qu’on fait, que ce soit sur le fond, dans les idées ou dans les valeurs, mais en vérité on travaille tellement en groupe que c’est logique.

C : « Sapiens » est votre plus récent projet ensemble, et on peut dire que ce titre porte plusieurs significations, mais qu’est-ce que vous voulez que les gens en retiennent concrètement ?

P. : En tout cas, il ne faut pas en retenir ou en retirer une volonté moralisatrice. Il faut le voir avec les yeux de trois jeunes qui vivent dans leur époque et dans la société dans laquelle ils évoluent, où ils y jettent un regard et se questionnent en posant des constats. C’est plus des questions que des conseils en fait.

S. : Je comprends que tu poses cette question, parce que je crois qu’il y a quelque chose de fantasmant chez le public, qui va se dire que l’artiste a une idée précise en tête qu’il veut transmettre, alors qu’en vrai, on veut simplement que ça parle. Mais on ne sait pas ce qui touche nécessairement les autres, on le fait donc en espérant que certaines phrases qui résonnent en nous puissent résonner chez plusieurs personnes aussi.

P. : Alors qu’on était en plein processus de création, on a remarqué que « Sapiens » était le mot qui faisait résonner ce qu’on disait déjà, et on a donc naturellement terminé le projet autour de ce mot.

C : « Sapiens » est un projet qui semble un peu plus lourd dans les thématiques abordées comparées à Zeppelin. Et comme les morceaux « Téléphone » et « Truman Show » le montrent, vous balancez souvent de tristes vérités, mais sur une production énergique. C’est ça, le nouveau rap conscient ?

S. : Je pense qu’on a grandi, il y a de nouvelles choses qu’on voit et maintenant on arrive à faire abstraction d’autres trucs, concernant la vie, la société, etc. Aujourd’hui, il y a des choses qui nous parlent, qu’on ne voyait pas nécessairement à l’époque, et ça a donc influencé notre musique, ce qui est normal. C’est pour ça que cet album est plus conscient, on n’est plus des gamins qui kiffent la vie, c’est quelque chose de plus réfléchi par rapport à Zeppelin.

L. : C’est aussi une façon pour nous en tant qu’artistes de montrer notre existence et de nous affirmer, de résonner chez les autres. Tu te définis beaucoup par ta création, et je pense qu’on cherche juste à être les personnes qu’on a envie d’être. C’est important de se reconnaître et de se retrouver là-dedans.

P. : Et du coup, le mélange avec le côté énergique, c’est parce qu’on a envie de garder notre côté cynique aussi. On a donné beaucoup sur scène ces sept dernières années et, forcément, c’est important d’avoir ces morceaux énergiques, et qui sont festifs même si le discours derrière est beaucoup plus profond.

Finalement, le spectacle de l’Or du Commun a su aussi bien répondre aux questions que les membres du groupe eux-mêmes. Ils ont su nous transporter dans leur univers belge sans trop nous faire quitter notre univers québécois. L’Or du Commun est certainement un groupe à découvrir !


Crédit Photo @ antigel.ch

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