Par Katrine Joncas
Réalisé par Annarita Zambrano, le film Après la Guerre a pris l’affiche le 11 mai dernier à La Maison du cinéma. Ce film, à la fois touchant et permettant de se remémorer des évènements survenus il y a déjà 20 ans, propose des éléments narratifs et cinématographiques très symboliques. Le Collectif a eu la chance de s’entretenir avec la réalisatrice afin d’en apprendre davantage sur les raisons expliquant le choix d’un sujet aussi percutant.
Des répercussions 20 ans plus tard
C’est en 2002, en Bologne, que commence le récit lorsque l’annonce du refus de la loi travail dans les universités suscite le rappel de vieilles histoires politiques entre l’Italie et la France et qu’un juge est tué. Le personnage principal, Marco, interprété par Giuseppe Battiston, est un ex-militant de l’extrême gauche condamné pour meurtre, mais réfugié en France grâce à la Doctrine Mitterand. Alors que de vieux conflits surgissent entre les pays, l’ancien militant est soupçonné d’avoir commandé le meurtre du juge et l’Italie demande son extradition. Pris de fait alors que de vieilles histoires le hantent encore après 20 ans, Marco fuit, accompagné de sa fille Viola, 16 ans, qui se verra subir les conséquences de cette extradition. Le film prend donc place à la fois en Italie, où la famille de Marco est nettement affectée par les circonstances, et en France, où le soupçonné est réfugié et où sa fille sera confrontée à des sacrifices impensables pour son jeune âge.
Une cinéaste personnellement impliquée
Lorsqu’on lui demande les raisons expliquant son choix de livrer un film au sujet qui rassemble plusieurs éléments percutant l’âme, Annarita répond que « c’est un sujet qui lui était très sensible alors qu’[elle] était gamine. » En fait, la cinéaste avoue qu’elle a vécu dans la violence en Italie à cette époque, alors que son propre père était lui-même un juge. Alors qu’elle a eu à se rendre en France à la suite des incidents, elle a pu comprendre la situation d’un tout autre point de vue. Ainsi bien consciente du conflit, elle a voulu aborder ce sujet dans le cadre de son premier film, puisqu’elle soutient que c’est énormément difficile de réaliser un premier film, donc il est important de s’arrêter « sur un sujet qui nous tient à cœur ».
C’est donc dans le but de soulever de nouvelles questions relatives à ce sujet ainsi que pour exprimer ses besoins personnels d’expression qui concernent toujours la famille, la culpabilité et les fautes des pères qui retombent sur les enfants qu’Annarita Zambrano a décidé de présenter ce film. Bien que ces sujets ne concernent pas directement l’oeuvre, ils demeurent des sujets universels que la cinéaste a toujours abordés dans ses créations cinématographiques.
Des impacts à longs rayons
À la lumière des situations conflictuelles à plusieurs endroits dans le monde actuellement, Annarita renchérit sur le fait qu’il n’y a pas d’époque pour parler de choix politiques qui retombent sur les enfants, que ce soit dix, vingt ou quarante ans après. « En fait, mon film parle superficiellement de terrorisme, mais intimement de liens familiaux et de dégâts politiques sur les humains. » Annarita s’appuie sur l’attentat qui a récemment eu lieu à Toronto pour avancer le fait que les dégâts que la population subit ne sont pas prévisibles et que « ces dégâts, cette violence-là, dans dix ou quinze ans, vont se transformer dans une tout autre manière. Il y aura de plus en plus de mesures de sécurité et d’interdictions et petit à petit, c’est vous qui paierez. » Les propos évoqués par la cinéaste arrivent à point pour décrire la société actuelle, mais aussi la réelle morale du film alors que la lourdeur des scènes arrive parfaitement à exprimer l’indéniable douleur des gens directement affectés par les conflits politiques ainsi que celle de ceux qui n’y sont pas impliqués, mais qui doivent en subir les conséquences.
Ce film aux passages parfois silencieux, mais nécessaires, parvient à transmettre un message à la fois alarmant, mais oh combien d’actualité! Ce sont à de réels questionnements quant à l’impact à longs rayons que peuvent avoir leurs actions, aussi banales soient-elles, que sont confrontés les spectateurs.
Comme Annarita l’a mentionné lors de l’entrevue avec Le Collectif, il nous est impossible de recoudre le passé. Par contre, de toute évidence, il est possible de se réveiller un peu en se rappelant l’importance de poser des actions réfléchies grâce à ce film brillant, nécessaire et débordant d’émotions.
Crédit Photo @ Pyramide Distribution