Par Marc-André Lafrance
La seule chose pire que de te faire prendre à faire quelque chose d’illégal, c’est de te faire prendre la fois où tu étais bien intentionné. Comme au primaire, quand tu te faisais punir parce que tu avais insulté une petite fille qui t’avait lancé un ballon de basketball au visage. Tu lui dis un commentaire déplacé remettant en doute son intelligence, et tu te ramasses à copier 100 fois la définition du verbe « être » dans le Larousse. Avoir su… t’aurais pas juste remis en doute son intelligence.
Mercredi dernier, je devais venir sur le campus chercher un document. Ça ne devait pas prendre plus de cinq minutes. Habitant relativement loin de l’Université, je me rends avec ma voiture. Je me gare dans le stationnement de la FLSH, et ne venant que dix minutes, décide de ne pas payer mon stationnement.
Durant ce dix minutes (bon ok, mettons quinze), un agent de stationnement m’a quand même repéré, l’œil vif, et m’a gentiment remis une contravention.
Bon. Je suis d’accord que techniquement, n’ayant pas payé, je m’exposais à cette conséquence. Je suis aussi d’accord que l’agent n’avait aucune façon de savoir si je rentrais quinze minutes ou deux heures. Le fait de savoir si j’ai mérité ou non cette contravention n’est pas le sujet de cette chronique.
Ma frustration vient d’ailleurs. Elle vient d’un regret, d’un « avoir su » comme on caractérise les occasions manquées. Parce que l’illégalité, du moins l’illégalité mineure, comme celle des stationnements non payés ou des insultes dites lorsqu’on saigne du nez, fait ressortir un côté très malsain. Nous sommes parfaitement conscients d’avoir fait quelque chose de mal, mais malgré nous, une voix nous dit : « avoir su que j’aurais une contravention, je l’aurais méritée ».
Et c’est vrai! Avoir su que mon stationnement de quinze minutes me coûterait 33 $, je serais resté là deux heures. J’aurais passé la nuit là! La frustration de ma contravention repose dans l’idée que je ne la mérite pas.
Mais quand on y pense, c’est très sombre comme façon de penser. De savoir que ce qu’on fait est mal, se le faire reprocher, et quand même regretter de ne pas avoir fait pire. Bien sûr, tout est relatif. Recevoir une contravention est quand même dans la partie soft des gestes illégaux, comme cracher sa gomme par terre ou raccourcir sa jupe d’un pouce à l’école secondaire. Pour les crimes graves, il y a une échelle de conséquences (Dieu merci). Mais notre réaction face aux représailles dépend entièrement de notre propre interprétation de la gravité de nos gestes. Moi, ça me fait freaker.
Je serais plus à l’aise s’il y avait une échelle de conséquences même dans les crimes les plus inoffensifs. Tu craches ta gomme à terre : 15 $ si elle est blanche, 25 $ si elle est colorée, 30 $ si elle est à la cannelle et 50 $ si c’est une gomme avec la petite gelée sucrée à l’intérieur qui donne un goût de Kool-Aid pendant 4,5 secondes. Pareil pour les contraventions de stationnement : tu commences à 15 $, et tu rajoutes 10 $ par tranche de quinze minutes, 40 $ s’il est en double, 60 $ si son moteur tourne et 75 $ si l’auto est jaune, parce que oui, dans quelques années, les innocents qui te frappaient quand ils voyaient des autos jaunes auront gradué, et donc ils pourront encore te taper sur les nerfs et être impertinents, mais dans ton portefeuille. L’enfer sur terre.
Malgré tout, la meilleure technique reste de ne pas faire quoi que ce soit de répréhensible. Mais si jamais vous le faites, arrangez-vous pour le mériter.