Par Sofie Lafrance
Pour une quatrième année consécutive avaient lieu, du 25 janvier au 5 février dernier, les semaines de la souveraineté de l’Université de Sherbrooke. Conférences, débats et diffusion documentaire ont été organisés sous l’initiative d’un groupe étudiant de l’École de politique appliquée. Alexandre Dubé et Philippe Simard, étudiants en troisième année au Baccalauréat de politique et membres du Parti québécois ont d’ailleurs été interrogés par Le Collectif sur ces semaines événementielles.
Les raisons qui motivent la tenue de ces deux semaines : ramener le débat de la souveraineté dans les milieux étudiants, qui pour la plupart se considèrent aujourd’hui comme des citoyens du monde, et démontrer que ce débat est toujours d’actualité. Bien que la conférence de l’illustre Pierre-Karl Péladeau ait été annulée le 26 janvier, pour des raisons que vous comprendrez, l’UdeS a reçu une variété de conférenciers notoires.
Les conférenciers présents
À titre d’exemple, la présidente du Mouvement national des Québécois, Martine Desjardins, est venue présenter le rôle et le poids des mouvements sociaux pour l’indépendance. Ces brèches rassembleuses ont une influence véritable sur le pouvoir, lorsque concertées.
Amir Khadir de Québec solidaire est venu élaborer sur l’importance de rallier les immigrants au projet national. C’est les manches retroussées jusqu’aux coudes qu’il a déploré l’absence de choix réels pour les immigrants sur la scène provinciale. Il a finalement avoué qu’il n’y a pas de solution précise pour rallier les immigrants pour l’indépendance, mais que cettedite solution serait la même pour sortir le mouvement souverainiste de son état de torpeur actuel. Selon lui, ce qui est essentiel est la redéfinition du mouvement dans ses portées sociale, culturelle, économique et environnementale.
Enfin, l’ingénieur et géologue Jean-Jacques Nantel est venu expliquer en quoi l’indépendance serait payante et avantageuse pour l’environnement. Il souligne que le Québec ne serait plus dans l’obligation de payer la péréquation et les taxes aux autres provinces et territoires canadiens. De plus, en raison de sa mainmise éventuelle sur les ressources hydrauliques, le Québec serait rapidement prospère.
Un entretien avec Philippe Simard, secrétaire-trésorier des Jeunes péquistes de l’Estrie
Philippe Simard est membre du PQ depuis plus de deux années et est actuellement le secrétaire-trésorier des Jeunes péquistes de l’Estrie. Il estime que le PQ est une grande famille où les débats sont enflammés. Néanmoins, il s’agit d’un large rassemblement de souverainistes de tous les horizons, rendant difficile l’arrimage, les opinions et positions de chacun. Philippe estime que le préjugé le plus courant sur le PQ est que les membres vivent dans le passé et qu’ils sont idéalistes par rapport au projet d’indépendance. Cependant, ce rêve n’appartient pas seulement à une génération, les jeunes se montrent intéressés à ce projet d’indépendance. Grâce à leur dynamisme, ils sont en mesure de convaincre et de participer à l’avènement d’un Québec souverain.
En ce qui a trait aux semaines de la souveraineté, Philippe estime que les universitaires ont été réceptifs en général. Contrairement à bien d’autres conférences en lien avec les cours, celles données n’étaient pas obligatoires, donc les étudiants étaient présents par curiosité. Quelques allégations dans la communauté universitaire ont été faites sur le caractère propagandiste des semaines de la souveraineté. À cela, Philippe répond que les organisateurs ont fait de grands efforts pour représenter la souveraineté de tous les horizons et de tous les partis. Il souhaite cependant que le Parti québécois redevienne le véhicule de tous les souverainistes québécois, peu importe leurs allégeances politiques. Il ajoute : « Je suis attristé de voir que ce projet aussi rassembleur qu’est l’indépendance du Québec peut être également un facteur de division au sein des rangs souverainistes. »
Sa découverte de la semaine est Guillaume Rousseau, professeur de droit à l’UdeS, qui participait à un débat aux côtés d’Éric Poirier. « Il a livré un discours enlevant et enflammé lors d’un débat portant sur le Renvoi relatif à la sécession du Québec de 1998. » Il estime toutefois qu’il aurait été pertinent d’entendre Mathieu Bock-Côté, enseignant à l’UdeS et spécialiste du nationalisme, sur sa position concernant le ralliement des immigrants au projet souverainiste.
Aux termes de ces deux semaines, ce qu’il déplore et recommande pour les années prochaines est que les conférences soient des lieux de rassemblement pour tous. « Ici, je fais allusion à la conférence qu’a donnée Amir Khadir sur la question des immigrants et du projet d’indépendance. À mon humble avis, le thème n’a pas été respecté. Sa conférence a plutôt été le théâtre d’un monologue dédié au PQ et au » PKP-Bashing «. Outre cet écart, je crois que les deux semaines de la souveraineté ont été un succès. »
Alexandre Dubé, président des jeunes péquistes de l’Estrie
Alexandre Dubé est membre du PQ depuis 2014. À l’époque, c’est Philippe Simard qui l’avait approché pour devenir membre du parti. Son rôle implique la coordination d’une équipe de jeunes militants et l’agrandissement des rangs par la création d’associations souverainistes dans divers cégeps. Son implication lui permet d’avoir une influence interne concrète. Le désavantage : être constamment considéré comme un porte-parole du parti, devant suivre la ligne partisane du PQ. Or, Alexandre explique que « chaque membre a ses opinions propres sur chacun des enjeux et doit parfois concéder certaines positions aux autres membres de sa famille politique ».
Selon lui, le préjugé le plus courant et infondé est la xénophobie rattachée au projet souverainiste, en grande partie dû à la phrase tristement célèbre de M. Parizeau en octobre 1995. Or, le projet national se voulant rassembleur et inclusif des minorités, l’indépendance québécoise serait bénéfique pour l’ensemble des citoyens, pas seulement pour les Canadiens-francophones.
La jeunesse est primordiale dans le mouvement indépendantiste. « De tout temps, ce sont les jeunes qui ont porté les projets politiques les plus ambitieux. » Le projet national n’est plus le même qu’il y a 20 ans, alors qu’une génération entière vivait un traumatisme et refoulait collectivement de la politique. Or, le PQ est actuellement en redressement, son projet est maintenant clair et ses rangs s’élargissent. Il évoque qu’en Estrie seulement, le réseau de jeunes militants a plus que triplé dans la dernière année.
Alexandre estime que les universitaires ont été en partie réceptifs aux semaines de la souveraineté, mais que d’autres s’y opposaient clairement. « De nombreuses affiches des semaines de la souveraineté ont été arrachées dans la Faculté des lettres et sciences humaines, principalement par des exécutants mêmes de l’association étudiante. » En ce qui concerne les allégations propagandistes, Alexandre soutient que les conférences étaient diversifiées et non partisanes. « Lorsqu’on regarde la programmation, on ne voit qu’un invité du PQ, un de Québec solidaire et un seul d’Option nationale. Pour ce qui est de tous les autres invités, ils n’étaient affiliés à aucun parti politique. »
Selon Alexandre, l’indépendance québécoise permettrait à ses citoyens de pouvoir concentrer leurs énergies sur les débats droite-gauche et sur les questions qui les concernent intimement. Pour résumer sa pensée, il emploie l’exemple du pipeline de TransCanada. « Les États-Unis n’ont pas eu de difficulté à refuser un tel projet, ne leur étant guère bénéfique sur le plan économique et les exposant à de réels risques écologiques. Le Québec aurait autant de légitimité de refuser un tel projet s’il était souverain. »
Enfin, pourquoi ne pas terminer ce compte-rendu avec une citation de Jacques Parizeau évoquée par Philippe Simard? « Rester dans le Canada, c’est cela qui est un repli sur soi-même. C’est renoncer à participer à l’élaboration de son propre destin. »
Merci aux organisatrices et organisateurs et à l’année prochaine!