Par Catherine Trottier de Ruche Campus
La location d’abeilles pour la pollinisation des cultures est une pratique de plus en plus courante. Quoique les producteurs de petits fruits bénéficient de nombreux avantages, il n’en est pas ainsi pour les apiculteurs. Les abeilles souffrent de carences alimentaires qui mènent à des pertes majeures en nombre de ruches viables et en production de miel.
Avantages mitigés
Chaque été, les producteurs de petits fruits au Québec utilisent les services des apiculteurs afin d’augmenter le rendement et la qualité de leurs produits. En effet, les canneberges et les bleuets ont particulièrement besoin de pollinisateurs pour la fructification. Ces producteurs offrent donc de très bons prix pour louer les abeilles quelques semaines et ainsi augmenter leur production de 50 à 100 %, selon les cultures.
Ce service semble être un bon échange, mais les apiculteurs ne bénéficient pas des mêmes avantages. Il est vrai que la location d’abeilles représente autour de 30 % de leurs revenus annuels. Cependant, la santé des colonies et la production de miel en souffrent ensuite. Cela s’explique par un manque de diversité florale dans la diète des abeilles, qui souffrent de carence alimentaire durant la période de pollinisation commerciale. Les conséquences sur les colonies perdurent même après le retour à une alimentation plus diversifiée.
Impact sur la santé des colonies d’abeilles
Les fleurs de bleuet n’offrent pas suffisamment de pollen pour combler les besoins en protéines des abeilles. En réponse au séjour en bleuetière, les apiculteurs voient leur nombre d’abeilles décliner, car de moins en moins de larves parviennent au stade final de développement. Au sein des cannebergières, les fleurs ne produisent pas assez de nectar pour assurer les besoins en sucre. Le nectar est la principale source d’énergie des abeilles. Ainsi, les colonies ayant fréquenté ces champs durant l’été seront plus nombreuses à mourir l’hiver suivant.

Ces impacts nocifs sur la santé des abeilles ne font qu’amplifier le déclin des populations amorcé depuis plusieurs décennies. Certaines études suggèrent d’ailleurs que le déplacement des ruches pour la pollinisation commerciale pourrait imposer un stress majeur aux abeilles, les rendant plus vulnérables et susceptibles d’être victimes du syndrome d’effondrement des colonies (SEC).
Les colonies sont déjà fortement impactées par l’application de pesticides sur les fleurs butinées, notamment les néonicotinoïdes. Ces pesticides affectent le système nerveux, ce qui rend l’abeille désorientée, incapable de retrouver sa ruche. Le SEC peut d’ailleurs être causé par les pesticides. Les maladies, les virus, les agents pathogènes, la pollution et les changements climatiques sont d’autres causes avancées pour expliquer ce phénomène.
Au-delà des abeilles à miel, les populations d’abeilles indigènes et d’autres insectes pollinisateurs subissent une baisse généralisée. Des chercheurs mentionnent également une perte de diversité d’espèces dans les communautés de pollinisateurs. Les abeilles indigènes sont plus spécialisées que les abeilles à miel et sont donc plus sujettes à souffrir de carences alimentaires.
Solutions
Il existe des solutions pour tenter de diversifier l’alimentation des abeilles. Il est possible de mettre des suppléments alimentaires à leur disposition afin de combler leurs carences. Des chercheurs suggèrent d’offrir aux colonies installées dans les bleuetières des suppléments de protéines, sous forme de galettes de pollen ou de galettes de protéines végétales. Au niveau des colonies installées en cannebergières, du sirop de sucrose pourrait pallier le manque de nectar.
De plus en plus de producteurs plantent une diversité de fleurs indigènes autour de leur champ afin d’offrir une meilleure alimentation aux abeilles et ainsi participer à conserver les colonies des apiculteurs. Il s’agit d’une manière naturelle de pallier les manques nutritionnels induits par les monocultures en plus d’être bénéfique pour une multitude d’autres insectes.
Certes, les abeilles à miel sont des pollinisatrices bien connues, mais il est maintenant possible de louer des bourdons. Ceux-ci coûtent plus cher, mais pollinisent plus vite. Ils possèdent une langue plus longue les rendant plus efficaces pour certaines plantes. Aussi, ils sortent plus longtemps et par des températures plus froides et plus venteuses. Les bourdons sont également capables d’effectuer la pollinisation par vibration, ce qui est essentiel à certaines plantes comme la tomate ou le poivron. Par ailleurs, les chercheurs incitent les agriculteurs à utiliser des espèces d’insectes sauvages pour la pollinisation, en prenant en considération leur besoin en diversité végétale.
Actions locales
Le comité universitaire Ruche Campus possède quatre ruches sur le campus. Les abeilles disposent d’une grande variété d’espèces végétales indigènes. Ces plantes fleurissent en alternance tout au long de la saison estivale et sont riches en nectar et en pollen. Les parcelles créées par Ruche Campus sont non seulement bénéfiques pour les abeilles, mais également pour les autres pollinisateurs dont le déclin est bien connu.
La protection des pollinisateurs est à la portée de tous. Une des premières actions à poser est de planter des fleurs mellifères, c’est-à-dire ayant un apport calorique et protéique suffisant. Le trèfle, le mélilot, le pissenlit et la camomille font partie des plantes préférées par les pollinisateurs en plus d’être comestibles pour l’humain ! De quoi donner plein d’idées pour créer son prochain jardin !
Source photo @ Facebook Ruche Campus