Par Samuel Harimanana, responsable aux médias et à la recherche à la CEVES
Le mouvement lancé en 2018 par Greta Thunberg des grèves pour le climat a allumé une flamme au sein de la communauté étudiante québécoise qui ne s’éteint pas. Cette année encore, la Coalition étudiante pour le virage environnemental et social (CEVES) co-organise une manifestation dans les rues de Sherbrooke le vendredi 27 septembre pour revendiquer une plus grande justice climatique.
Cette manifestation, qui débutera à l’Université de Sherbrooke, s’inscrit dans un mouvement plus large à l’échelle du Québec. Ainsi, d’autres manifestations auront lieu le même jour à Montréal, Québec, Gatineau, mais aussi dans les régions du Québec, dans les villes de Gaspé, Rimouski et Rouyn-Noranda. À Sherbrooke, la manifestation s’appuie sur les revendications de deux mouvements nationaux : Les Soulèvements du Fleuve et Pour la suite du monde.
La justice climatique, c’est quoi ?
Depuis 2020, la CEVES milite pour la justice climatique. De quoi s’agit-il exactement ? La justice climatique, c’est d’abord reconnaître que les changements climatiques n’affectent pas tout le monde de la même manière.
À l’échelle internationale, ce sont les pays les plus défavorisés socioéconomiquement qui sont les plus touchés, alors qu’ils n’ont historiquement émis que très peu de gaz à effet de serre. Mais même au sein des pays et dans les pays riches, ce sont les personnes les plus pauvres et issu·es de groupes marginalisés et opprimés, qui subissent les conséquences les plus lourdes des catastrophes climatiques.
Ensuite, c’est reconnaître que certaines initiatives dites « vertes » ou « environnementales » peuvent indirectement amplifier les inégalités ou rater leurs cibles si elles omettent la dimension sociale des changements climatiques. Pour être juste, une transition écologique doit donc répartir équitablement les responsabilités de la lutte aux changements climatiques, impliquer les gens touchés dans les prises de décision et limiter les impacts sur les populations vulnérables.
Pour la suite du monde : un appel général à la mobilisation
Face à l’inaction du gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) pour mettre en œuvre une transition écologique et sociale juste, un regroupement d’organismes a lancé en mai dernier un appel général à la mobilisation : « Pour la suite du monde ».
On y retrouve, évidemment, des organismes environnementaux, comme Équiterre ou la Fondation David Suzuki, ou ceux de la santé comme l’Association québécoise des médecins en environnement. On peut également compter sur la participation des syndicaux comme celui de la fonction publique et parapublique du Québec et des regroupements étudiants, par exemple l’Union des étudiants du Québec (UEQ).
Au total, quatorze villes ont répondu à l’appel et des milliers de personnes ont mentionné leur intérêt sur les réseaux sociaux.
Ce mouvement porte trois grandes revendications. Premièrement, l’accélération de la lutte et de l’adaptation aux crises du climat et de la biodiversité, notamment par la sortie urgente des énergies fossiles ; deuxièmement, un réinvestissement massif dans les services publics et les programmes sociaux notamment en taxant massivement la richesse ; et troisièmement une transition juste et inclusive pour les communautés et les travailleurs. Plus largement, c’est à une véritable « discussion démocratique sur la transition écologique et sociale » que ce mouvement invite.
Les soulèvements du fleuve : une opposition au « Projet Saint-Laurent »
Parallèlement à cet appel à la mobilisation générale, d’autres voix se font entendre : celle des Soulèvements du fleuve. Les Soulèvements du fleuve se veulent un écho à l’appel des Soulèvements de la Terre, un mouvement né en France pour lutter contre l’accaparement des terres dans le contexte, notamment, de certains développements autoroutiers.
Les soulèvements de la Terre luttaient pour la protection des terres agricoles et des écosystèmes naturels. Les soulèvements du fleuve, eux, luttent pour la protection du St-Laurent et de ses berges. Le mouvement est plus particulièrement en opposition au « Projet St-Laurent » de la Coalition Avenir Québec.
Ce projet de développement économique, imaginé par le premier ministre François Legault dans son livre « Cap sur un Québec gagnant » publié en 2013, vise à faire du Québec « une Silicon Valley du Nord, avec quatre saisons ». Dans son livre, il propose plusieurs idées pour faire « prospérer » le Québec. Si certaines de ces initiatives, comme la décontamination du fleuve, semblent louables du point de vue environnemental, d’autres, comme l’augmentation du transport fluvial ou l’exploitation des hydrocarbures, le sont nettement moins.
Dix ans plus tard, ce rêve n’a pas quitté François Legault. Pour les Soulèvements du fleuve, plusieurs projets en témoignent : « la méga-usine de Northvolt en Montérégie, les projets de pôle industrialo-portuaire sur les terres de Rabaska à Lévis et à Contrecoeur, le projet innovitam à Québec, […] ». Les Soulèvements du Fleuve s’opposent à ce projet « extractiviste », qu’ils résument à « éventrer le Nord, bétonner le Sud et transformer le Saint-Laurent en autoroute ». Ils appellent au rassemblement des luttes locales et à la mobilisation pour y faire face.
Un changement de cap est nécessaire
Si les deux mouvements diffèrent par leur approche, leur diagnostic est le même : la CAQ n’est pas en train de réaliser une transition écologiquement réaliste et socialement juste. Là où Pour la suite du monde critique « le développement économique à tout prix », les Soulèvements du fleuve dénoncent « l’idée de la transition énergétique qui mise sur l’excès et non sur la sobriété ».
Les deux mouvements font le même constat : le changement ne sera pas initié par le gouvernement en place, il doit être insufflé par la société civile.
Le 27 septembre, c’est le temps de manifester.
Crédits: CEVES