Par Frédérique Maysenhoelder

Chaque automne, après la période des examens intratrimestriels, des centaines d’étudiantes et d’étudiants de première année à l’Université de Sherbrooke (UdeS) reçoivent un appel bienveillant. Il ne s’agit pas d’un sondage institutionnel ni d’une simple formalité administrative, mais plutôt d’un échange humain avec un pair, formé pour les écouter, les rassurer et les guider dans cette phase charnière de leur parcours universitaire.
Ce projet, baptisé la veille téléphonique par les pairs, connaît depuis sa création en 2017 une croissance fulgurante – et surtout, une reconnaissance unanime au sein de la communauté universitaire.
Un appel, mille effets
Coordonné par Christian Bossé, conseiller à la réussite étudiante au Bureau de la registraire, le projet vise à offrir un soutien personnalisé aux personnes étudiantes du premier trimestre de premier cycle, à travers une série d’appels bienveillants répartis sur trois semaines. « L’objectif de la veille téléphonique est d’appuyer les étudiants à leur arrivée à l’UdeS, pour les aider à conserver leur motivation et leur place dans le programme », explique-t-il. Il précise que la formule est volontaire, donc non obligatoire, ce qui contribue à instaurer une relation de confiance.
« Le temps d’un appel, la confiance s’installe, la magie opère », résume-t-il avec conviction. Pour M. Bossé, « la valeur ajoutée de la veille téléphonique au niveau de l’appel, c’est d’avoir un véritable échange, de répondre aux questions et de diriger vers les bonnes ressources. » L’approche humaine est au cœur de la démarche, qui devient « un point d’ancrage intéressant dans l’ensemble des programmes participants ».
En 2024, ce sont 87 préposés qui ont mené plus de 800 heures d’appels auprès de 2 381 étudiants, soit une hausse de 24 % par rapport à l’année précédente. Chaque appel dure entre 30 et 60 minutes, moment propice aux confidences et à la transmission d’informations utiles sur les ressources institutionnelles, les services de soutien et les réalités du programme.
Les appelants travaillent à partir de leur domicile, en utilisant l’application institutionnelle Cisco Jabber pour effectuer les appels via une ligne téléphonique de l’UdeS, ce qui assure la confidentialité des échanges tout en évitant l’utilisation de leur propre forfait cellulaire. L’emploi est rémunéré à 17,74 $/h pour un maximum de 15 heures par semaine sur trois semaines, incluant une formation obligatoire de trois heures.
Un impact mesurable
Les résultats parlent d’eux-mêmes. Selon le sondage d’appréciation mené auprès des appelés, 99 % recommanderaient la veille téléphonique aux cohortes suivantes. L’expérience est jugée réconfortante (8,3/10), aidante (8,1/10), et à l’image de l’UdeS : une université humaine, attentive et accessible (8,6/10). Le taux de satisfaction global atteint 9,1 sur 10. Surtout, depuis trois ans, les répondants évaluent leur expérience globale à l’UdeS à 84 %, un chiffre stable qui témoigne d’un environnement accueillant et bien structuré.
Des bénéfices mutuels
Si les appelés ressortent plus informés, rassurés et connectés à leur milieu, les appelants – étudiants eux-mêmes – ne sont pas en reste. L’exercice leur permet de développer des compétences clés comme l’écoute active, l’empathie, le sens éthique ou encore la diplomatie. « C’est une période anxiogène, me confiait une préposée en sciences infirmières, alors je prends vraiment le temps de répondre aux questions, d’encourager et de rassurer », rapporte M. Bossé. Pour être admissible, chaque personne préposée doit avoir complété au moins 24 crédits et être inscrite à temps plein dans son programme à l’automne 2025.
Nombre d’entre eux soulignent que cette expérience les aide aussi à mieux comprendre leur propre cheminement académique et à se sentir utiles. L’exercice demande toutefois rigueur, autonomie, sens des responsabilités et un respect strict de la confidentialité.
Une stratégie précieuse pour les facultés
Les retombées de la veille ne s’arrêtent pas aux appels. Chaque faculté participante a accès à une analyse détaillée des données collectées : taux de participation, enjeux rapportés, perception de la qualité de l’expérience étudiante, etc. Ces informations sont précieuses pour orienter les ajustements dans les services ou les contenus pédagogiques. En 2024, ce sont 41 programmes et 9 facultés qui ont participé au projet.
Étendre l’initiative aux cycles supérieurs
Forte de son succès, la veille téléphonique se déploie maintenant à un autre niveau : les cycles supérieurs. Une première phase pilote a été lancée en 2023 dans les programmes de maîtrise et de doctorat en éducation, et une deuxième phase en 2025 a élargi la portée à la faculté de droit et aux programmes en psychoéducation. « L’objectif est de graduellement intégrer davantage de programmes de recherche », explique-t-on dans le rapport de suivi. D’ici l’hiver 2026, une nouvelle cohorte de personnes étudiantes aux cycles supérieurs pourra bénéficier de ces appels attentionnés.
Des défis à relever
Comme toute initiative d’envergure, la veille téléphonique doit composer avec certains défis : maintenir la motivation des préposés, remplacer les désistements de dernière minute (qui ont touché 25 personnes en 2024), et réussir le recrutement à temps pour chaque programme. Mais la volonté est là, les ressources s’améliorent chaque année, et l’impact concret du projet pousse à persévérer.
Et maintenant ?
En 2025, l’équipe prévoit une nouvelle hausse du nombre d’étudiants à rejoindre – 3 000 au total – et embauchera plus de 120 préposés pour répondre à la demande croissante. L’ajout du programme en administration des affaires laisse entrevoir une expansion soutenue, tout en consolidant les bases solides de ce projet devenu emblématique.
En résumé, la veille téléphonique par les pairs ne se contente pas d’écouter : elle incarne ce que l’Université de Sherbrooke souhaite offrir à ses étudiants. Un espace d’humanité, de dialogue et de confiance. Et c’est précisément cela qui fait toute la différence.
Source : Université de Sherbrooke