La recherche universitaire s’intéresse aux RPA  

Le 27 mai dernier marquait la conclusion d’un projet de recherche débuté il y a plus de deux ans. Ce dernier a été dirigé par la Professeure Mélanie Bourrassa-Forcier, directrice des programmes de maîtrise de droit et politiques de la santé à l’Université de Sherbrooke (UdeS) et Fellow au sein Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO). Ce projet brosse un portrait objectif de l’industrie des RPA au Québec.  

Co-écrit avec Mme Bourrassa-Forcier par des personnes étudiantes et ex-étudiantes de l’UdeS, le rapport ayant pour titre Les résidences privées pour aînés (RPA) au Québec: enjeux et opportunités, vise ainsi à mieux aiguiller les différentes parties prenantes. 

Un projet qui se distingue  

Ce projet, qui a reçu une forte couverture médiatique (La Presse, Le Soleil, La Tribune, LCN, RDI, pour ne nommer que ceux-ci), se distingue par sa méthodologie et l’approche adoptée par l’équipe de recherche. Effectivement, outre une revue exhaustive de la littérature et la recension de données quantitatives par le biais de demandes d’accès aux documents, c’est en accordant une voix aux gestionnaires, au personnel employé et aux personnes résidentes de RPA que le rapport parvient, durant un peu plus de 200 pages, à cibler les différents enjeux qui accablent ce secteur. Les résidences privées pour aînés hébergent 16 % des personnes aînées québécoises entre 75 et 84 ans et 29 % des 85 ans et plus. 

Au travers des 33 entrevues réalisées avec des gestionnaires de tous les types de résidences, l’équipe de la Pre Forcier aborde différentes thématiques, dont l’accès aux soins et services à domicile au sein des RPA, les enjeux financiers, la surrèglementation et les fermetures répétitives de petites RPA (30 unités et moins). Les auteurs se sont aussi intéressés à la qualité des services reçus en RPA, aux répercussions de la pénurie de main-d’œuvre sur les personnes résidentes et à la relation entre les établissements de santé (CISSS-CIUSSS) et les RPA.  

Fait particulièrement intéressant, outre les défis de grande envergure, ce sont des considérations simples et primaires, mais importantes, qui sont ressorties comme prépondérantes parmi les sondages distribués aux individus : l’envie de socialiser, le goût pour des activités de loisir diversifiées, l’implication et le contact avec la communauté et l’offre alimentaire. 

Présentation de l’étude aux personnes résidentes dans une RPA 

Pour souligner la publication du rapport, la Pre Forcier, accompagnée par Hugo Prévosto, un des co-auteurs de l’étude, étudiant à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, se sont rendu dans une RPA de type OBNL afin de donner une conférence devant une salle remplie de personnes résidentes, le but étant de réponde aux questions de l’auditoire. « Très tôt dans l’étude, nous avons réalisé que peu importe les enjeux relevés et les pistes de solution proposées, c’étaient ces personnes qui devaient être au centre des considérations. Ultimement, ce sont elles qui subissent les contrecoups de décisions prises par des parties prenantes qui, même si elles pensent bien faire, oublient parfois que les personnes aînées sont attachées à leur autonomie et veulent faire partie de la solution plutôt que de la voir leur être imposée. Nous tenions donc à présenter le projet devant elles et pouvoir entendre leurs commentaires, leurs questions et leurs inquiétudes. Ce rapport, il est d’abord pour chacune d’entre elles ! », explique Hugo Prévosto. 

Constats et recommandations pour la suite 

Voici les principaux constats de l’étude : 

1.  La densification réglementaire nuit aux gestionnaires des petites RPA qui doivent revêtir le chapeau d’administrateur, de comptable, de contrôleur de la qualité et du respect des normes de certification et, parfois, de membre du personnel sur le plancher. Pour les plus grandes RPA, le respect des normes engendre des coûts importants qui se répercutent sur les loyers mensuels des personnes résidentes. Enfin, pour ces dernières, l’institutionnalisation à outrance, couplé à une posture paternaliste face au vieillissement, ampute leur autonomie décisionnelle. 

2. Dans un contexte de précarité financière, les loisirs et les repas sont souvent les deux premiers domaines où des coupures sont constatées, et ce, au détriment du plaisir des personnes résidentes. 

3. La pénurie de main-d’œuvre et le roulement d’employés sont nuisibles au développement d’une relation de confiance entre les membres du personnel et les personnes résidentes en plus de faire baisser le sentiment de sécurité de ces dernières au sein de leur RPA. 

4. Le coût des soins et des services en RPA augmente, bien que le modèle québécois reste actuellement un des plus abordables à l’échelle québécoise.  

Quant aux recommandations, il importe de mentionner les suivantes : 

1. La réglementation devrait être revue pour mieux représenter les types de clientèles hébergées et leur niveau d’autonomie. Si des RPA accueillant des personnes aînées avec des conditions de santé plus graves doivent effectivement être encadrées de manière stricte pour assurer la sécurité des personnes résidentes, les RPA dont la clientèle est autonome ne devraient pas être tenues à un cadre réglementaire aussi rigide et lourd. 

2. Pour les RPA qui le souhaitent, il serait pertinent d’implanter des organisations régionales responsables d’offrir des activités de loisir aux personnes résidentes. Ces organisations devraient coordonner leurs activités avec les OBNL présentes sur le territoire et les autres acteurs de la communauté (artistes, personnes étudiantes, etc.).  

3. Il faudrait entretenir un sentiment d’appartenance des membres du personnel envers leur RPA et être à l’écoute de leurs besoins et leurs suggestions pour améliorer l’environnement de travail. 

4. Il serait nécessaire d’implanter un régime d’assurance mixte (privé et public) pour les soins de longues durées de manière à ce que chacun soit en mesure de s’offrir les soins et les services requis. L’adhésion à ce type d’assurance devrait se faire tôt, il importe donc de sensibiliser les jeunes générations aux réalités du vieillissement pour enrayer cette vision de l’« État-garderie » qui subvient à l’ensemble des besoins ad vitam aeternam 

En conclusion, le rapport de la Pre Forcier et de son équipe démontre une nouvelle fois que les projets de recherche qui émergent de l’Université de Sherbrooke visent à offrir des pistes de réponses à des enjeux contemporains. Il est disponible à l’adresse suivante : https://cirano.qc.ca/files/publications/2024RP-03.pdf   


Source: CIRANO

frederique_kim@live.ca  Web   More Posts
Scroll to Top