KJT : gagnant de La fin des faibles et artisan des mots

Par Josiane Demers

C’est le 17 mai dernier que le rappeur KJT a remporté la grande finale de la deuxième saison de la compétition de rap francophone La fin des faibles, diffusée sur les ondes de Télé-Québec. Se faufilant de la 7e à la 1re place au fil des épreuves, l’artiste se démarque par ses thématiques originales et poignantes ainsi que par sa maîtrise pointue de la langue française.

Celui qui a longuement hésité à s’inscrire lors de la première saison dit s’être éloigné de certaines disciplines comme le Slam et l’animation radio pour se concentrer sur le rap. Il canalise donc ses énergies à perfectionner son art et être fin prêt à soumettre sa candidature pour la saison 2. 

Esprit compétitif

Vers 2008, KJT fait ses premiers pas comme rappeur en faisant des battles sur internet. « C’est l’aspect compétitif et l’aspect technique qui venait avec ça qui venaient me chercher. Tu ne peux pas gagner si tu n’as pas un minimum de technique, du flow et des bonnes rimes », soutient-il en ajoutant que les échéances imposées avec « l’honneur sur la table » le motivaient.

La découverte du Slam lui permet de satisfaire son désir d’être sur scène devant un public. En 2012, il commence à participer à des soirées Micro ouvert, qu’il anime d’ailleurs aujourd’hui. « C’est comme mon gym cérébral », souligne-t-il.

Rapper, c’est s’engager

Dans l’émission La fin des faibles, KJT obtient, en qualification et en finale, une note parfaite pour l’épreuve a cappella. Abordant respectivement la violence sexuelle et la nicotine, la nature engagée de son art transparaît.

C’est super important d’utiliser notre plateforme à bon escient parce que tous les yeux sont rivés sur nous. Je pense que le rap en général, ça devrait être un art qui prend position, qui brasse la cage et qui n’est pas complaisant. — KJT

Il explique néanmoins ne pas prendre position dans tous ses textes parce qu’il faut trouver un équilibre entre l’engagement et le divertissement qui apporte une forme de légèreté parfois nécessaire. « Dans la circonstance de La fin des faibles, je pense que c’était une bonne occasion de se positionner sur certains enjeux avec un angle original, qui n’a pas été souvent utilisé par d’autres rappeurs », explique-t-il. 

Réconciliation avec le genre

Le rap, particulièrement au Québec, est souvent considéré comme l’enfant terrible de l’industrie musicale. Est-ce le manque de diffusion de la part des radios commerciales ou les stéréotypes (crime, sexe, argent…) qui y sont associés qui lui donnent parfois une piètre réputation ? Pourtant, factuellement, en 2021, selon le site Statista, le rap est le troisième style de musique le plus écouté sur la planète.

Malgré le manque de diffusion dans les médias dans les dernières décennies, le rap québécois est bien en vie. « Le rap s’est développé en parallèle pendant tout ce temps-là. Il a développé son propre écosystème, ses propres labels, son propre langage. Et aujourd’hui, on commence à constater que ça a fait son petit bonhomme de chemin. Il y a des artistes qui émergent, de plein de styles différents. C’est tellement riche et tellement vaste », souligne avec passion KJT.

Le rap, c’est la poésie des temps modernes. C’est un reflet de la société et de ce qui se passe dans l’actualité. Les gens ont tout à gagner de s’y intéresser. — KJT

Chose certaine, des émissions comme La fin des faibles contribuent à réconcilier le public avec ce genre et à faire connaître l’éventail du répertoire. En s’y attardant le moindrement, tout le monde peut y trouver son compte.  

Pacifiste, le rap ?

Le rap prend racine dans le mouvement hip-hop qui naît à la fin des années 1970 aux États-Unis, particulièrement dans les quartiers afro-américains considérés, à l’époque, comme des « ghettos » souvent pauvres. Il s’est avéré être un moyen abordable et efficace pour les populations stigmatisées de reprendre un certain pouvoir et d’exprimer leur indignation d’une façon non violente. Il ne s’agit que « d’avoir une vieille table tournante » ou même de connaître un adepte du beatbox pour pouvoir déposer ses rimes sur un rythme.

« À la base, les fondateurs de la culture hip-hop voulaient créer un mouvement de paix, d’amour et d’unité. Avec les battles de rap ou de danse, les gens avaient accès à une alternative aux guns et aux couteaux. Ça contrait une certaine violence », constate KJT.

Projets à venir

KJT a la tête remplie de projets. En tant que gagnant de l’émission de rap québécoise, il est lauréat d’une bourse pour la production d’un vidéoclip en plus de gagner un voyage lui permettant de participer au volet international de End of the Weak, compétition dont La fin des faibles est un chapitre. Il s’agit d’une chance inouïe, alors que les vainqueurs de chaque chapitre provenant des quatre coins du globe s’affronteront.

Profitant de l’initiative de sa victoire, le rappeur francophone sortira son premier album sous peu, rêve qu’il caresse déjà depuis plusieurs années. De plus, il dévouera une partie de son temps à sa chaîne YouTube. Comme la production de l’émission avait demandé aux participants de se filmer au quotidien, il utilisera certains de ces segments inédits pour revisiter la compétition de son point de vue.

Enfin, KJT affectionne particulièrement l’écriture. C’est pourquoi il continue d’offrir des ateliers s’adressant aux jeunes. « L’écriture c’est important même si tu ne veux pas devenir un rappeur. L’écrire se trouve un peu partout autour de nous. Je trouve que c’est utile pour les gens. Je veux donner aux jeunes des outils pour le reste de leur vie, en dehors de l’école », conclut-il.


Crédit image @Patrick Maltais Verrette

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