Aller voir le film Barbie avec son fils et recevoir une multitude de critiques négatives versus aller voir Oppenheimer avec sa fille et ne recevoir presque seulement que des mots élogieux. Une situation de double standard comme on en voit fréquemment en 2023.
Pour l’anecdote, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, au début du mois d’août, a publié des photos de lui et de chacun de ses enfants au cinéma sur Instagram. Une photo en compagnie de son fils alors qu’ils allaient voir le film Barbie, puis quelques jours plus tard, une photo avec sa fille où ils ont pu visionner Oppenheimer.
Des commentaires violents
La photo d’un père qui passe du temps au cinéma avec son fils de 15 ans, qui avait comme légende : We’re team Barbie (nous sommes dans l’équipe Barbie), dans un contexte de séparation, n’a pas passé auprès des gens alors qu’elle a suscité un déluge de commentaires haineux, non seulement de citoyens canadiens, mais également auprès d’Américains et de gens de partout dans le monde. Ce sont plus de 10 000 commentaires, pour la plupart négatifs, qui ont été générés sous la publication. Plusieurs polémistes se sont notamment emparés de la photo pour démoniser les wokes.
En effet, le film Barbie, apparemment, annonce la fin de la civilisation occidentale, selon certains, rien de moins, parce que c’est un film réalisé par une femme, qui offre un regard féministe sur la poupée, mais aussi sur notre société en général, qui déconstruit le genre et qui inverse les rapports de force. Tout d’un film woke.
Le Ken, joué par Ryan Gosling, est présenté comme une potiche dans le film, une caricature, on s’entend. On y voit également la présidente de Barbie World qui est une femme noire ainsi qu’une poupée Barbie jouée par une femme trans, bref, tout ce qu’il y a de plus normal pour déconstruire les stéréotypes en 2023.
Les commentaires sous la publication vont de questionnements par rapport aux occupations du premier ministre dans un contexte de séparation ainsi qu’en tant que politicien, à des commentaires de nature homophobe, surtout générés par des hommes, même si les femmes ne donnent pas leur place non plus. On y voit également des commentaires qui supposent des choses sur la sexualité de Justin Trudeau ou encore sur sa séparation et sa relation avec Sophie Grégoire. On peut même y lire des commentaires qui renvoient à l’inceste ou encore au grooming, donc à l’action de dresser des enfants et des adolescents pour les stimuler à des fins sexuelles, comme pour les préparer. On utilise ce terme notamment lorsqu’on parle de prédateurs sexuels, rien de moins.
The autority gap
Le film Barbie, pour des raisons de féminisme probablement, fait rager beaucoup d’hommes et a reçu plusieurs critiques misogynes qu’on peut qualifier de double standard. On reproche au film de faire l’apologie du capitalisme et de la surconsommation, alors que pour les films de DC Comics ou de Marvel, par exemple, les produits dérivés ne font pas partie de cette surconsommation, selon eux. Un film comme Batman, c’est sérieux et ça va aux Oscars, alors que Barbie, c’est superficiel. C’est une démonstration de ce que Mary Ann Sieghart nomme the autority gap, donc d’un écart d’autorité entre les femmes et les hommes qui découle du fait que l’expérience masculine est perçue comme universelle, alors que l’expérience féminine est perçue comme quelque chose de spécifique, de marginal. On le voit partout, dans la culture notamment. Les femmes avec leurs goûts, leurs intérêts, leurs opinions, leurs émotions, leur labeur, leur leadership, leurs œuvres et leurs succès, sont moins prises au sérieux que les hommes.
Dans la volonté de Justin Trudeau de montrer une déconstruction du conditionnement qu’on fait des attentes qu’on a envers les filles et les garçons, tout le monde aurait à gagner à se défaire, de cette façon, du carcan hétéronormatif. Qu’est-ce que ça peut bien faire au monde qu’un politicien et son fils aient envie d’aller voir un film comme Barbie ? Tant de haine pour quelque chose d’aussi futile.
Source image: Cinéfil
Sarah Gendreau Simoneau
Passionnée par tout ce qui touche les médias, Sarah a effectué deux stages au sein du quotidien La Tribune comme journaliste durant son cursus scolaire, en plus d’y avoir œuvré en tant que pigiste durant plusieurs mois. Auparavant cheffe de pupitre pour la section Sports et bien-être du journal, et maintenant rédactrice en chef, elle est fière de mettre sa touche personnelle dans ce média de qualité de l’Université de Sherbrooke depuis mai 2021.
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