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Campus-Felix Morin-Theologie Entre savoir et argent-19 mars 2015-credit La TribuneJe n’ai pas été surpris de lire le 22 décembre 2014, sur le site de La Tribune que « La Faculté de théologie de l’UdeS fermera ses portes ». Mais pourquoi n’ai-je eu aucune surprise? Réponse simple : l’argent.

Par Félix Morin

Malgré le fait que plusieurs personnes autour de moi trouvaient cela dommage, le fameux « mais » suivait. Il suivait « parce qu’une faculté pour 30 personnes, ça n’a pas de sens ». Une telle réponse, si on grattait, était davantage : « Payer pour maintenir une faculté pour 30 personnes, ça n’a pas de sens ». En gardant le regard fixé sur le quantitatif, n’oublions-nous pas les aspects qualitatifs? Entre savoir et argent, où placer l’importance de la théologie?

Jamais, depuis que j’écoute les nouvelles et que je lis les journaux, je n’ai vu autant la présence du sacré, du religieux et de la croyance. Du moins, jamais autant de front. Entre les attentats chez Charlie Hebdo et Jean Tremblay en passant par une Charte des valeurs québécoises, la place du religieux dans nos sociétés est sous les feux de la rampe et je doute fortement que cela change.

Or, le travail sur les textes sacrés, sur la Bible, sur la Torah et sur le Coran devrait nous importer. Loin de l’aspect monétaire, l’étude des grands textes théologiques est nécessaire dans un monde qui, devant la tentation du chiffre deux, tente d’en tirer un affrontement binaire. Il suffit d’écouter un débat d’experts sur l’un de ces textes pour comprendre qu’il est important, en tant que société, d’avoir des intellectuels capables de travailler sur ces textes. Il faut dire que pour un croyant bien connu, on peut bien se passer des intellectuels!

Malgré tout cela, on ferme les portes de cette faculté qui, depuis 1966, faisait partie de la vie étudiante de l’Université de Sherbrooke. Un peu comme le programme de philosophie, celui de théologie va migrer quelque part sur le campus. À la longue, son avenir sera certainement, encore à des fins monétaires, remis en question.

Malgré le fait que le programme va perdurer, on ne peut pas passer sous silence le fait qu’il s’agit d’un immense choc symbolique… Le fait de changer de statut donne une impression d’amenuisement de l’importance de ce programme au sein de notre communauté. De mauvaises langues diront certainement que l’importance de ce programme, par le faible nombre d’étudiants qui en fait partie, n’a pas besoin de ça pour avoir moins d’importance à l’Université de Sherbrooke. Ces personnes réduisent alors l’importance d’une faculté aux aspects quantitatifs qu’elle dégage. Quantité ne sera jamais qualité et ne sera jamais synonyme de pertinence.

Si on veut résister à cela, il faut défendre une vision qualitative de l’Université. Pour faire simple, la qualité de la production d’une faculté doit primer sur les bénéfices monétaires ou sur le taux d’inscriptions au sein de cette faculté. La qualité de l’enseignement et le souci d’une production de savoirs scientifiques de haut niveau doivent être prioritaires au nombre de brevets qu’elle produit.

Résister? Les étudiants de cette faculté nous montrent le chemin en demandant un moratoire et un débat transparent sur la fermeture. Ne pas baisser les bras, ne pas céder, chercher à débusquer les raisons, voilà ce qu’est la résistance. Ils ne restent pas les bras croisés. Ils se battent pour maintenir le statut de ce programme. La cause semble perdue d’avance. Les arguments économiques minent tout ce qu’ils trouvent et transforment les valeurs humanistes en valeurs marchandes. Résister devant Goliath, voilà ce qu’il faut faire. Voici ce qu’ils font.

Je sais, je risque de me faire taxer d’utopiste, ce qui, à défaut d’être un argument, est fallacieux. Or, le fait de passer de « Faculté » à « Département » est une charge idéologique et un témoignage d’une vision du savoir et, plus largement, du monde. Toutes les sciences humaines ne seront jamais rentables; elles visent plus haut. Il faut croire que cela ne changera pas de si tôt et que la logique marchande fonctionne à plein régime. Devant ce qui risque d’être, comme le dirait Pierre-Luc Brisson, « le cimetière des humanités », il ne reste plus qu’à prier.

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