Le présent article est le premier d’une série de quatre portants sur le projet de loi Mourir dans la dignité, et plus largement, sur l’euthanasie. Le but de cette série est d’aborder quelques aspects négligés dans les débats entendus sur la place publique, et de donner au lecteur quelques outils et sujets de réflexions l’amenant à se forger sa propre opinion. Pour commencer, établissons quelques définitions qui nous seront utiles par la suite.
Par François Dubois
Euthanasie, cessation de soins vitaux, suicide assisté…trois actes qui mènent tous à la même destination, mais par des trajets très différents. De ces trois, seulement la cessation de soins vitaux est légale (avec consentement bien sûr). Des exemples typiques sont l’arrêt de la dialyse chez des patients sans reins fonctionnels ou l’arrêt du respirateur chez une personne en mort cérébrale. Ces actions ont pour effet de laisser la maladie suivre son cours naturel.
Au contraire, le suicide assisté et l’euthanasie en diffèrent fondamentalement de par le fait qu’elles causent la mort en déviant la maladie de son cours naturel. L’euthanasie est administrée par un personnel médical, normalement lorsque le patient a une maladie incurable sévèrement handicapante. L’euthanasie peut consister en l’administration d’une injection mortelle de potassium à un quadriplégique par exemple. Le suicide assisté et l’euthanasie sont ainsi considérés comme des processus actifs, alors que la cessation de soins vitaux est plutôt vue comme une procédure passive. Cela fait-il une différence ? On se permet ici de citer Jean-Paul Sartre : « Ne pas choisir, c’est encore choisir. »
Si vous abordez la question de l’euthanasie avec des professionnels expérimentés dans l’administration de soins terminaux, plusieurs d’entre eux auront un petit sourire triste en coin. C’est que l’euthanasie, en quelque sorte, se pratique quotidiennement dans nos centres hospitaliers en toute légalité, sous la protection du « soulagement de la douleur ». Il n’est pas rare qu’on doive faire appel à d’importantes doses de morphine ou autres, sachant très bien que celles-ci peuvent accélérer la venue de la mort, mais gardant toujours comme intention primaire la diminution des souffrances. Cette action semble intuitivement morale. De là en découle l’idée que l’arrêt de la vie puisse être acceptable lorsqu’elle permet d’atténuer les souffrances, cette même idée sur laquelle se base l’euthanasie.
Les médecins doivent tout de même toujours suivre ce grand principe : Primum non nocere, d’abord ne pas nuire. Il s’agit d’un extrait important du serment d’Hippocrate, extrait qui établit le principe de non-malfaisance. Considérant que le rôle du médecin consiste en le maintien de la santé, l’euthanasie, et même le soulagement de la douleur, semble aller à l’encontre de ce principe.
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »
Il s’agit de la définition même de la santé selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Ainsi, on voit qu’elle consiste en un concept bien plus large que la présence ou non d’une maladie. Le rôle du personnel médical n’est alors plus de combattre à tout prix cette dernière, mais bien de le faire uniquement si cela résulte en une amélioration du bien-être. Voilà qui réconcilie le soulagement de la douleur, et même potentiellement l’euthanasie, avec le principe de non-malfaisance.
Voici donc quelques pistes de réflexion qui nous serviront dans les prochains textes. Le projet de loi Mourir dans la dignité émet une série de critères pour déterminer les personnes éligibles à une telle procédure dans le but d’éviter d’éventuels abus. On ne peut que remarquer l’absence de telles mesures encadrant le sujet épineux qu’est l’avortement. Bien que ces deux procédures soient bien différentes et que la discussion de l’avortement amène bien souvent des tensions, il semble nécessaire de comparer la terminaison de grossesse et de l’euthanasie par simple effort de cohérence éthique. À lire dans deux semaines.