«J’habite au centre-ville», «le développement durable m’intéresse», «je crois à la participation citoyenne», «le centre-ville m’inquiète…». Autant de raisons de vouloir participer à la consultation citoyenne pour repenser le centre-ville organisée par Commerce Sherbrooke, un brainstorm multigénérationnel et piéton qui avait lieu le 31 mai.
Nora T. Lamontagne
Sherbrooke fait de l’insuffisance cardiaque. Son coeur, son centre-ville, ne bat plus au rythme d’antan. Et en ce samedi matin, 9 h, un groupe de citoyens, de commerçants et d’élus (très) motivés est au sous-sol de la cathédrale Saint-Michel pour examiner le problème de plus près. Les urbanistes du groupe BC2 sont là, attentifs à ce qui se dira et qui, avec un peu de chance, donnera une direction à leur projet.
À l’horaire de la journée, une promenade commentée de différents circuits du centre-ville, une mise en commun d’observations, des rêves de centre-ville idéal et une présentation des conclusions de chaque équipe.
Une fois les équipes d’une dizaine de personnes formées, la promenade peut commencer. Chacun doit remarquer des détails propres à un thème en particulier. Le mien : le transport actif, donc la marche et le vélo. N’ayant toujours pas de permis de conduire, je n’ai pas besoin de beaucoup d’imagination pour trouver ce qui cloche au centre-ville. Absence de supports à vélo, pas un abreuvoir en vue, pistes cyclables qui ne communiquent pas entre elles (quelqu’un a déjà descendu la King à vélo? oui? bon.)
On se rend rapidement compte que Sherbrooke n’a pas été pensée en fonction des piétons. Le stationnement y est roi, les berges des rivières ne sont pas accessibles et les plus beaux panoramas de la ville ne sont visibles qu’à partir du chemin de fer ou du pont des Grandes-Fourches…
On remarque aussi que le centre-ville de Sherbrooke est taggé de partout. Je ne parle pas du mur d’art urbain du festival Amalgam (au contraire), mais plutôt des inscriptions gratuites sur les murs de béton, les balustrades de pont et le mobilier urbain. Chantal Lespérance, conseillère municipale présente dans notre groupe, résume bien la problématique : «Le peu qu’on a, il faut l’entretenir, et ce n’est pas entretenu… C’est pour ça qu’on installe du béton. Ça coûte pas cher à entretenir, du béton.» Et comme dit l’adage, le beau protège le bien.
Le centre-ville d’avant
Mais que s’est-il passé pour que le centre-ville perde son lustre des années 20, 30, 40, 50? Le premier clou dans le cercueil, c’est l’arrivée du Carrefour de l’Estrie, qui ouvre ses portes à l’autre extrémité de la ville en 1973. L’appel du capitalisme, du lisse et du facile est entendu par la population.
À cette époque, on tente bien de recouvrir la rue Wellington de marquises pour protéger les clients des intempéries. Non seulement coûtent-elles une petite fortune, mais elles enlaidissent le centre-ville et sont un four à ciel ouvert pendant l’été. On les retire (autre petite fortune) quelques années plus tard.
Et nous voilà aujourd’hui. Quelques commerces florissants, d’autres qui ouvrent et qui ferment. Une Wellington qui a connu de meilleurs jours mais qui ne parvient pas à faire disparaître les marques d’un passé plus glorieux.
Par où commencer?
Toute la journée, on a épinglé des «rêves» pour l’avenir du centre-ville sur un babillard. Les participants rêvent donc éveillés de stations d’entraînement dans les parcs, de terrasses sur les toits, de foodtrucks sherbrookois, de cinéma en plein air à la place Nikototek, d’axes vélo qui permettent d’accéder au centre-ville, d’éclairage à la lanterne et de ruelles réservées aux artistes.
À la toute fin, on a rassemblé les idées plus importantes (et peut-être un peu plus réalistes). Chaque équipe en présentait une. Un digne représentant de l’équipe 1B (la mienne) a suggéré l’implantation d’une faculté de l’université au centre-ville, pourquoi pas dans l’ancien Hôtel Wellington. De quoi rapprocher les étudiants du coeur de la ville (et non de Longueuil), eux qui sont exilés à l’autre bout. Plusieurs équipes proposaient aussi des logements mixes, pour faire place aux familles, aux aînés et aux artistes.
Ou pourquoi pas un immense parc de la rivière Saint-François? Pendant la promenade matinale, on a redécouvert les rivières de Sherbrooke, malheureusement envahies par le ciment et les tuyaux à découvert. Le Lac des nations a été mis en valeur, nos cours d’eau en mériteraient tout autant.
Ce ne sont pas les idées qui manquent pour faire du centre-ville un endroit vivant et agréable à fréquenter. Sherbrooke a bien du potentiel, il faudrait qu’elle cesse de ressasser le passé et que ses citoyens réalisent que la survie de la personnalité d’une ville passe par son coeur. Et que le Carrefour de l’Estrie se situe à peu près à la hauteur du genou.