Un bras de fer budgétaire aux États-Unis

Le 1er juin dernier, la Chambre des représentants américaine a adopté à forte majorité une résolution dans l’objectif de rehausser le plafond de la dette du pays. Avec un vote de 314 voix en faveur et seulement 117 contres, les personnes élues à la chambre basse ont envoyé un message clair au Sénat. Souhaitant écarter la partisanerie pour éviter une catastrophe économique mondiale, la majorité s’est exprimée vivement en faveur du texte proposé par le Président Joe Biden.

Cette décision survient alors que le gouvernement américain avait atteint sa limite d’endettement à la mi-janvier 2023, le plafond ayant été fixé à 31 381 milliards de dollars en décembre 2021. Ce plafond représente le montant maximal d’endettement permis par la loi que peut contracter le gouvernement fédéral américain. Une fois la limite atteinte, la législation prévoit que le Congrès doive voter un rehaussement ou une suspension du plafond. Depuis 1945, l’institution a revu cette limite près d’une centaine de fois.

L’urgence de la situation

La limite d’endettement fédérale ayant été atteinte il y a déjà cinq mois de cela, l’administration centrale était sous pression pour trouver une solution. Si le Congrès ne s’était pas entendu sur une solution d’ici un mois, le pays se serait retrouvé en défaut de paiement, ce qui aurait été une première dans l’histoire américaine. Un tel scénario aurait engendré des conséquences majeures tant sur le pays qu’à l’international.

Malgré cette situation fiscale peu enviable, le pays avait pu éviter de diminuer son offre de services publics en compressant certaines dépenses. L’urgence se faisait cependant de plus en plus sentir, alors que la secrétaire au Trésor Janet Yellen avait souligné que la récolte d’impôts par le gouvernement pour l’année fiscale précédente s’était avérée moins opulente que prévu. De cela ont résulté des répercussions directes sur la situation, faisant monter d’un cran l’urgence d’adresser la problématique.

En effet, dans une lettre destinée au président de la Chambre basse Kevin McCarthy, Mme Yellen a « estimé que le plafond de la dette pourrait être atteint dès le 1er juin », selon l’Agence France-Presse. « Notre meilleure estimation est que nous ne serons plus en mesure de satisfaire à l’ensemble des obligations du gouvernement au début juin, et potentiellement dès le 1er juin », inscrit-elle également dans la lettre.

Des répercussions multiniveaux

Un défaut de paiement du gouvernement aurait entrainé une multitude de conséquences. Pour les personnes américaines, la situation se serait traduite en non-paiement de centaines de milliers d’individus, qu’il s’agisse de salaires de fonctionnaires, de prestations sociales, ou encore de versement de régimes de retraite. Nancy Vanden Houten, économiste d’Oxford Economics, souligne que le Trésor américain aurait risqué de « manquer de liquidités pour payer des centaines de milliards de dollars de factures », selon l’Agence France-Presse.

Au niveau international, plusieurs marchés financiers reposent sur la fiabilité des obligations du Trésor américain. Les obligations sont des véhicules d’investissements sous forme de prêt d’argent à l’État. Sous promesse de remboursement du gouvernement, ces prêts rapportent de l’intérêt aux prêteurs et sont normalement garantis à 100 %. Cependant, en situation de défaut de paiement, un État pourrait ne pas rembourser dans la période prescrite ses obligations.

Cela engendrerait une baisse de confiance dans les marchés financiers, les bons gouvernementaux étant traditionnellement un des produits de placement les moins risqués. Dans le cas des États-Unis, les bons du Trésor sont parmi les obligations les plus transigées à l’échelle mondiale ; cela aurait donc pu avoir un effet désastreux sur les marchés financiers partout sur la planète. À titre d’exemple, le pays avait frôlé le défaut de paiement de sa dette en 2011 sous Obama. La Bourse de New York avait alors subi une chute de 14 % du S&P 500, un indice boursier majeur.

Un bras de fer bipartisan?

Afin de voter l’augmentation du plafond de la dette, trois entités doivent s’entendre : la présidence, la Chambre de représentants et le Sénat. L’actuel Président américain, Joe Biden, est d’appartenance démocrate. Toutefois, ce sont actuellement les républicains qui forment la majorité des personnes élues à la Chambre des représentants, tandis que les démocrates possèdent la majorité du Sénat. La division partisane au sein de ces trois instances a ainsi semé la discorde au cours des dernières semaines de négociation, les républicains et les démocrates n’arrivant pas à s’entendre sur l’orientation à prendre pour limiter la dette.

Ultimement, une fois le texte législatif adopté par la Chambre des représentants, « Aucun camp n’a obtenu tout ce qu’il voulait », a déclaré Joe Biden. Pour plusieurs, cela est synonyme d’un compromis budgétaire réussi. Asssociated Press rapporte que McCarthy s’est réjoui d’avoir défendu la revendication principale de son parti, soit de prôner des « réductions historiques de la dépense publique ». Si Biden a longtemps refusé de s’asseoir à la table des négociations avec l’élu républicain, il a pour sa part obtenu une suspension du plafond de la dette jusqu’en 2025.

L’accord n’a cependant pas fait l’unanimité auprès des personnes représentantes démocrates et républicaines. Parmi l’aile trumpiste des républicains, Chip Roy s’est insurgé, dénonçant qu’il s’agissait d’un « mauvais accord pour lequel aucun républicain ne devrait voter », rapporte l’Agence France-Presse. Chez les démocrates, Pramila Jayapal et Alexandria Ocasio-Cortez se sont opposées au texte législatif, qu’elles ont perçu comme « imposé par les Républicains ».

Comme le dit le dicton de Bill Watterson, « un bon compromis laisse toujours tout le monde en colère ». Seul le temps révèlera si les deux prochaines années de répit face au plafond de la dette américaine seront un succès ou un échec.


Crédit image @Wikimédia

frederique_kim@live.ca  Web   More Posts
Scroll to Top