Par Samuel Bédard
Plus de 600 gendarmes ont atterri en Nouvelle-Calédonie, vendredi dernier, en réponse aux manifestations qui secouent le territoire français d’outre-mer. Selon le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, cette mesure devra permettre de sécuriser la route entre Nouméa et son aéroport international. Celle-ci est entravée par une soixantaine de barrages érigés par des manifestants.
Le climat sur l’île est de plus en plus instable, selon Sonia Lagarde, mairesse de Nouméa. Elle a affirmé samedi que sa ville était maintenant assiégée par les protestataires. De son côté, le haut-commissaire de la république en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a déclaré à BFM-TV : « La situation est insurrectionnelle. On s’engage tout droit dans une guerre civile ». Le gouvernement français dénombre six morts depuis le début des hostilités le 14 mai dernier.
La révision constitutionnelle : déclencheur de tensions
Une réforme constitutionnelle visant à élargir le corps électoral néo-calédonien est au cœur de la crise dans le pays. Son adoption permettrait à environ 25 000 personnes supplémentaires de voter aux prochaines élections, ce qui constitue une augmentation de près de 20 % de l’électorat.
Cette modification constitutionnelle est vue comme un affront direct pour les Kanaks, peuples autochtones majoritairement indépendantistes. Ceux-ci estiment que cette mesure va diluer leur poids électoral et qu’elle va à l’encontre de l’accord de Nouméa de 1998. Ce dernier stipule que seuls les individus arrivés sur l’archipel avant 1998 ont le droit de vote aux élections provinciales.
Après plus de 170 ans sous bannières françaises, les Kanaks constituent 41 % de la population. Malgré quelques avancés depuis l’accord de Nouméa de 1998, les inégalités socio-économiques entre Kanak et non autochtones sont encore bien visibles. Les Provinces Nord et les îles Loyauté, où la population est principalement kanake, présentent les niveaux de pauvreté les plus élevés de l’archipel. Selon une étude publiée en 2013, les Kanaks occupent le plus souvent des emplois peu qualifiés et leur accession aux postes à responsabilité demeure limitée.
L’industrie du nickel : un point de discorde économique
L’industrie du nickel, essentielle pour l’économie de la Nouvelle-Calédonie, est un autre point de discorde majeur. Le « pacte nickel » proposé par le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, a contribué à alimenter la colère des Néo-Calédoniens. La récente stratégie économique vise à rediriger la production vers le marché européen des batteries. Cette nouvelle gestion de la ressource naturelle par la France ne passe pas pour les indépendantistes qui y voient une « recolonisation » de leur territoire.
L’archipel abrite à lui seul 20 à 30 % des ressources mondiales en nickel, élément indispensable pour fabriquer des batteries de voitures électriques. Le secteur de cet élément emploie près de 25 % des travailleurs calédoniens et représente la quasi-totalité de ses exportations. Malgré la hausse de la demande globale en nickel, le prix de la ressource a chuté de 45 % en 2023 en raison de la surabondance de l’offre en provenance d’Indonésie. Le pays est le premier producteur mondial grâce aux investissements massifs de la Chine dans ses infrastructures minières et de raffinage.
La population, première victime de la crise
Le pillage pratiqué par les émeutiers a créé un nouveau problème cette semaine alors qu’une pénurie de produits essentiels fait rage à Nouméa. Selon la Chambre de commerce et d’industrie de Nouvelle-Calédonie, 80 à 90 % des commerces de la ville ont été anéantis pendant les révoltes. Louis Le Franc a annoncé que la France se mobiliserait pour établir un pont aérien avec son archipel, situé à 16 000 kilomètres de Paris.
Source: Charente Libre