Par Simon Leduc Thouin
Tenter de définir les valeurs d’une société soulève, la plupart du temps, des débats de tous genres et de qualité variée. L’épisode récent de la Charte des valeurs en témoigne bien. Il est cependant possible d’établir quelques constats concernant notre société moderne sans soulever une vague de contestation.
Nous évoluons dans une société où le mode de vie est de plus en plus rapide, où la productivité et l’efficience sont valorisées, où l’individualisme est dominant. Les rapports que nous entretenons vis-à-vis de la création des biens de consommation, de la famille, de la terre, de nos relations amicales et amoureuses sont teintés par ces valeurs. Notre société accorde une importance majeure au « faire » en dépit de « l’être ».
En tant qu’étudiant, il est facile de reconnaitre que le modèle éducatif (avec certaines exceptions) est basé sur une logique de production et d’efficacité. Les qualités intellectuelles sont valorisées en prépondérance marquante sur l’intelligence émotionnelle et physique. Loin de vouloir faire ici le procès de l’éducation contemporaine, je laisse le soin à Mathieu Côté-Desjardins, auteur de La Déséducation, de vous informer à ce sujet.
Ceci étant dit, que faire lorsque le mode de vie dominant et les valeurs qui sont véhiculées ne correspondent pas à ce que nous valorisons comme idéal de vie? Nous avons le choix : rester dans la société en tentant de prioriser ce qui nous anime ou choisir de vivre différemment en créant un mode de vie qui nous convient.
C’est le cas de Denis, qui depuis près de 30 ans vis dans l’écovillage La Cité écologique, situé dans le village d’Ham-Nord. Selon le Global Écovillage Network, un écovillage est une : « intentional or traditional community using local participatory processes to holistically integrate ecological, economic, social, and cultural dimensions of sustainability in order to regenerate social and natural environments ». C’est notamment par l’administration ’une scolarité calquée sur leurs valeurs, par le développement de pratiques écologiques et communautaires et par le maintien d’un milieu social, culturel et spirituel dans le respect de chacun que les gens vivant dans La Cité écologique s’approprient pleinement leur vie et leurs valeurs.
Pour Denis, le choix de quitter le mode de vie dominant pour celui de La Cité écologique est le fruit d’une réflexion portée sur plusieurs années. L’élément principal de sa réflexion se base sur le désir d’offrir à sa fille une éducation différente : « Il faut que tu penses à l’avenir de ta fille, au besoin d’une école qui a de l’allure et d’un environnement qui a plus d’allure, qui a plus de cohésion et qui présente plus d’avenir pour moi, ma femme et ma fille ».
L’éducation étant le cœur de La Cité écologique, Denis accorde une place prépondérante à la cohérence nécessaire au développement des enfants : « ils copient tout ce qu’ils voient, tout ce qu’ils entendent. Alors il faut que chaque adulte qui [soit] dans son environnement soit cohérent avec ça ». Il y a donc, ici, un désir de transmettre une éducation transcendant la notion d’instruction. Selon Denis, « l’instruction se faufile au travers de l’éducation. La priorité est d’apprendre à respecter la vie autour de soi, autant animale, végétale qu’humaine ». Il s’agit d’une vision de la vie et de l’éducation où les rapports à notre environnement sont, de par leur nature, distincts de ce qui est valorisé par le prisme dominant.
C’est une conception consciente et globale de la composition du monde environnant que Denis nous présente. Il nous illustre les fondements d’un mode de vie où les valeurs transmises sont cohérentes avec le vécu et où les rapports humains sont valorisés, et ce, à tous les niveaux.