Sauver l’humanité ? La publication la plus alarmiste du GIEC à ce jour

Par Gabrielle Goyet

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié officiellement le lundi 20 mars 2023 son plus récent rapport de synthèse sur l’évaluation de sa contribution. Cette publication a été synonyme d’alerte ultime pour plusieurs, alors que les pronostics ne sont plus très optimistes face aux changements climatiques.

Depuis la COP21 en 2015, beaucoup d’accent est mis par les États sur l’objectif de limiter à 1,5 degré le réchauffement climatique à l’échelle planétaire. Cette cible était clairement influencée par le GIEC, qui sonne la cloche depuis un certain temps déjà sur la nécessité de limiter ce phénomène. Pourtant, le récent rapport témoigne bien que les actions ne sont pas prises en conséquence de cet objectif : les changements climatiques sont encore plus rapides et plus intenses qu’anticipés.

«Un guide de survie pour l’humanité»

C’est le surnom qui a rapidement été donné au plus récent rapport de synthèse du GIEC, qui souligne que l’incidence du groupe sur le ralentissement des changements climatiques n’est malheureusement pas suffisante à l’heure actuelle. En effet, le GIEC a été créé en 1988, et malgré les multiples recommandations émises par le groupe, la société peine toujours à freiner les changements climatiques. Le rapport publié le 20 mars dernier souligne la nécessité d’entreprendre des actions majeures dès maintenant, car, autrement, les dommages sur l’environnement et le climat seront irréversibles.

« L’humanité marche sur une fine couche de glace et cette glace fond vite », a affirmé António Guterres, le secrétaire général des Nations unies lors du point de presse suivant la publication. Cette citation prend tout son sens lorsqu’on réalise le contenu dudit rapport : le monde n’écoute pas le GIEC. Annie Chaloux, professeure experte en gouvernance environnementale et changements climatiques, le souligne : « Le GIEC est une organisation scientifique reconnue pour sa robustesse et sa rigueur. Cela étant, les choix politiques doivent être pris par nos gouvernements, et le GIEC ne peut que recommander des pistes d’action ».

Est-il trop tard?

Plusieurs spécialistes parlent d’une « fenêtre d’opportunité » permettant de contenir le réchauffement climatique sous les 1,5 degré, impliquant d’intervenir incessamment. Si les solutions ne sont pas appliquées assez drastiquement ou assez promptement, la « fenêtre » se refermera. On estime à l’heure actuelle que si la situation demeure inchangée, une hausse de 3,2 degrés pourrait se produire d’ici 2100.

Chaque dixième de degré est crucial, sachant que l’on devrait réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre pour ne pas dépasser le cap des 2 degrés d’ici douze ans. Selon la professeure Chaloux, il y a toutefois encore de l’espoir : « les États ont les capacités de poser les bons gestes qui nous approcheraient des cibles d’ici l’horizon 2030 ». Mais si l’on en venait à outrepasser le seuil de 1,5 degré, les conséquences seraient majeures pour l’humanité.

On cite notamment la hausse du niveau de la mer, les canicules fatales, le manque d’accès à l’eau potable et les inondations majeures. Cependant, ces symptômes associés aux changements climatiques sont déjà bien perceptibles dans certaines zones du globe, majoritairement dans les pays du sud global. On estime que près de la moitié de la population mondiale se situe dans des zones particulièrement à risque de subir ces répercussions. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), on compterait déjà annuellement 21,5 millions de réfugiés climatiques.

Des pistes de solutions 

Pour limiter ces vagues de migration climatique, on mise actuellement sur l’adaptation et l’augmentation de la résilience des populations les plus à risque. Il est toutefois impératif de passer aux actes dès maintenant à l’échelle mondiale pour limiter les changements climatiques, car, plus ils seront robustes, plus il sera ardu de s’adapter. Le rapport du GIEC apporte donc des solutions potentielles pour freiner ces changements à tous les niveaux.

Dans le rapport, le groupe d’experts fait ressortir une liste des actions les plus efficaces à adopter pour limiter les émissions d’ici 2030. Parmi celles-ci, on retrouve des pistes qui semblent très évidentes. Notamment, on parle de la réduction des énergies fossiles par une augmentation des énergies renouvelables et du nucléaire, l’arrêt de la destruction des écosystèmes naturels et la restauration de ceux qui ont été détruits. On aborde aussi le virage vert pour les bâtiments, transports et industries dépendants aux énergies fossiles.

Sur le plan plus individuel, le rapport cite quelques initiatives pouvant faire la différence, comme les changements d’habitudes de vie et les modes d’alimentation. En réduisant la consommation de viande et en augmentant la part d’aliments locaux, on peut avoir un effet intéressant sur nos émissions personnelles de gaz à effet de serre. Clairement, si une bonne portion des individus prenait de telles décisions, cela pourrait contribuer à l’atteinte des cibles 2030.

La professeure Chaloux reste cependant critique de nos gouvernements. Bien que les choix individuels y soient pour quelque chose, il faut que les décideurs publics se mettent de la partie. Comme elle le mentionne : « Mon souhait est que nos gouvernements, comme au Québec et au Canada, acceptent de faire des choix qui sont difficiles politiquement, mais qui nous permettraient d’infléchir la tendance et changer durablement nos comportements afin d’assurer aux générations actuelles et futures un avenir plus juste, équitable et durable. C’est un devoir qui devrait être au cœur de toute action politique. »


Crédit image @Eric Bridiers

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