Par Alexandre Ménard

Quelques 185 millions d’électeurs de 27 pays de l’Union européenne (UE) ont voté lors des récentes élections. Les partis de droite et d’extrême droite ont gagné en popularité dans toutes les régions du continent, ce qui modifie l’équilibre des forces au Parlement européen. Toutefois, l’augmentation prévue du soutien aux partis d’extrême droite n’a pas été aussi importante qu’anticipée par certains. Cela signifie que la coalition pro-européenne au centre tiendra, si la volonté politique est là.
La « grande coalition » entre les chrétiens-démocrates, les sociaux-démocrates et le groupe libéral « Renew Europe » a réussi à obtenir 403 députés, soit environ 56 % des sièges… En revanche, leur majorité est plus faible qu’auparavant.
L’avenir de Von der Leyen ne tient qu’à un fil
Après la victoire de son groupe (chrétien-démocrate), qui a augmenté de huit sa part de sièges au Parlement, Ursula Von der Leyen aura une première chance de s’assurer cinq années supplémentaires à la tête de la Commission européenne. Ses chances de réélection ne sont pas seulement compliquées par l’arithmétique du nouveau Parlement, mais aussi par la décision du président Emmanuel Macron de convoquer des élections législatives anticipées en France.
Certains affirment qu’un Macron affaibli et un chancelier Scholz contesté — parti étant arrivé en troisième position, derrière la CDU/CSU et le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) — pourraient mettre en péril leur nomination.
Les chefs d’État et de gouvernements de l’UE se réuniront à Bruxelles le 28 juin pour désigner officiellement un candidat à la tête de la Commission, quelques jours seulement avant que les électeurs français ne se rendent aux urnes. Von der Leyen est profondément impopulaire en France, considérant que même la délégation française du PPE s’oppose à sa réélection. Sa nomination à quelques jours des élections législatives pourrait encore entacher la popularité de Macron.
En France, l’extrême droite est la grande gagnante de la soirée
Le parti d’extrême droite, le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, a nettement remporté les élections européennes en France. Comme prévu, la liste du président français Emmanuel Macron et de ses alliés est arrivée loin derrière.
Lors d’une allocution télévisée, Macron a fait remarquer que les partis d’extrême droite en France avaient désormais atteint près de 40 % lors des élections européennes. Il a fait allusion au fait que le parti nationaliste de droite « Reconquête » a également obtenu un peu plus de 5 %. En tête de liste, Marion Maréchal, la nièce de Marine Le Pen, se situe encore un peu plus à droite que sa tante. En comptabilisant d’autres partis dissidents, l’extrême droite française a donc obtenu près de 40 % lors des élections européennes.
Il faut agir, selon Macron. « Moi qui ai toujours cru qu’une Europe unie, forte et indépendante était bonne pour la France, je ne peux pas me résoudre à accepter le résultat des élections », a déclaré le président français. Selon lui, la montée de l’extrême droite est un danger pour la France, mais aussi pour l’Europe. Il a ensuite annoncé que, conformément à l’article 12 de la Constitution française, il dissoudrait l’Assemblée nationale le soir même et convoquerait de nouvelles élections.
Le camp Macron a connu la défaite électorale attendue, avec un peu plus de 15 %, soit la moitié des voix obtenues par le Rassemblement national et tout juste la deuxième place. Juste derrière, les socialistes revigorés et leur candidat Raphaël Glucksmann se sont placés à 14 %. Ce dernier a reproché au président Macron d’être désormais téléguidé par le Rassemblement national. La dissolution du parlement français est « le dernier acte d’un gouvernement totalement irresponsable », selon le socialiste.
L’extrême gauche a elle aussi nettement progressé pour atteindre près de 9 %. Les Verts ont chuté de plus de 8 % et ne sont plus qu’à un peu plus de 5 %. Les conservateurs traditionnels, organisés jusqu’à présent au sein des démocrates-chrétiens européens, ne sont plus qu’à 7 %. Lors de la campagne électorale européenne, Macron a toujours cherché le duel direct avec le Rassemblement national et a désormais clairement perdu ce duel.
Les élections législatives françaises doivent donc avoir lieu dans trois semaines. Le scrutin se déroulera sur deux tours, le 30 juin et le 7 juillet.
Macron mise sur le risque
Le socialiste Raphaël Glucksmann a annoncé vouloir constituer une force de résistance face à l’extrême droite. Il a reproché à Macron de jouer un poker politique qui n’est pas à la hauteur des enjeux actuels. De ce fait, l’entourage du chef de l’État a également évoqué le risque que représente ce nouveau scrutin : « Il y a dans cette décision une certaine audace, un certain courage, une prise de risque qui a toujours été au cœur de notre ADN politique », a révélé un proche d’Emmanuel Macron.
Dans l’histoire récente de la France, l’Assemblée nationale a été dissoute à cinq reprises. La décision de Macron est la première dissolution de la chambre parlementaire depuis plus de 25 ans. L’Assemblée nationale est l’une des deux chambres du Parlement français. Elle participe au processus législatif et peut renverser le gouvernement par une motion de censure. Sans majorité au Parlement, il est difficile de gouverner en France.
Depuis un certain temps déjà, les regards se tournent en France vers les élections présidentielles de 2027. Après deux mandats, Macron, qui a battu Le Pen à deux reprises au second tour, ne peut plus se représenter. En effet l’article 6 de la Constitution française de la Cinquième République établit que le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct, et qu’aucun président ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Pour l’heure, on ne sait toujours pas qui les forces du centre souhaitent envoyer dans la course, et surtout qui aurait une chance de vaincre à nouveau Le Pen. Les élections législatives seront un nouveau test d’ambiance.
Source: Wikimedia Commons