
Les dernières semaines ont été particulièrement bouleversantes à l’échelle mondiale sur le plan climatique. Tandis qu’un nombre record de feux de forêt sévissent au Québec, des inondations majeures paralysent le Soudan du Sud et l’Ukraine. Mais qu’est-ce que la migration environnementale, et quelles sont les zones les plus chaudes à l’heure actuelle sur la planète ?
Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), on peut définir les réfugiés environnementaux comme les individus « forcés de quitter leur lieu de vie temporairement ou de façon permanente à cause d’une rupture environnementale — d’origine naturelle ou humaine — qui a mis en péril leur existence ou sérieusement affecté leurs conditions de vie ».
Si cette réalité peut sembler lointaine, les populations valdorienne et chibougamoise se qualifient désormais selon cette définition. Force est d’admettre que la migration environnementale est donc de plus en plus fréquente, et que l’accentuation des changements climatiques exacerbera le phénomène à l’échelle mondiale au fil des ans.
Des appellations qui ne font pas consensus
Cette définition demeure cependant controversée. Les dénominations sont nombreuses : réfugiés environnementaux, réfugiés climatiques, réfugiés écologiques, écoréfugiés et migrants environnementaux ne sont que quelques-uns des exemples pour désigner les personnes déplacées en raison d’une perturbation environnementale.
Avec ce dilemme de désignation vient le dilemme des qualifications. Certains considèrent que cela ne désigne que les victimes de désastres environnementaux soudains, alors que d’autres incluent la détérioration à long terme d’un milieu. Plus encore, la convention de Genève traitant des personnes réfugiées n’inclut pas les migrants environnementaux.
Veronika Frydrych, candidate à la maitrise en étude des migrations et diasporas à l’Université de Carleton, souligne ce fait alarmant : « Les migrants climatiques sont très vulnérables, car ils ne sont pas considérés comme des réfugiés selon la convention de Genève. Ils ne possèdent donc pas les mêmes droits ». Cela s’explique notamment par le fait que cette migration est souvent intraétatique, et qu’elle n’est pas causée par un conflit armé.
« Il serait même étonnant de voir un jour les réfugiés climatiques inclus dans cette convention, puisque cela exigerait une réouverture du texte juridique », poursuit-elle. « Les États auraient plutôt tendance à diminuer les droits des personnes réfugiées qu’à les augmenter, en raison des coûts qui leur sont liés. » Mais ultimement, le fait est clair : qu’ils soient reconnus comme réfugiés ou non, des millions d’individus sont forcés de se relocaliser en raison d’un environnement nocif pour leur développement.
Une problématique qui dépasse la typologie
Si les experts et acteurs internationaux ne s’entendent pas sur une dénomination unique, l’enjeu est en revanche bien palpable. Selon le Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC), 32,6 millions de personnes ont été déplacées en 2022 dans 148 pays en raison de désastres environnementaux. De celles-ci, 19,2 millions ont dû quitter leur habitat en raison d’inondations, 10 millions en raison de tempêtes, et 2,2 du fait de sécheresses.
Selon la Banque mondiale, ce sont plus de 216 millions d’individus qui devront migrer en raison des changements climatiques d’ici à 2050, dont 140 millions à l’interne de leur État. Cela toucherait plus intensément trois régions du globe particulièrement peuplées, soit l’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine ainsi que l’Asie du Sud. Plus précisément, on estime que ces régions devraient anticiper respectivement 86, 17 et 40 millions de migrants environnementaux internes.
« Les changements climatiques sont une menace à la sécurité des migrants climatiques, mais également pour la sécurité nationale, considérant que les vagues migratoires internes causent beaucoup d’instabilité », mentionne Veronika Frydrych. « Il y a un enjeu lié à la relocalisation de ces migrants, car souvent les États n’ont pas la capacité de les accueillir dans des logements abordables », ajoute-t-elle.
Toujours temps d’agir
Mais selon la Banque mondiale, il est encore possible d’éviter le pire scénario. Les vagues migratoires internes associées aux changements climatiques pourraient être contenues et réduites de 80 %, soit environ 100 millions d’individus. Cela serait rendu possible, entre autres, grâce à des mesures nationales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Cela exigerait aussi la mise en place de plans de développement durable solides dans tous les États.
« Il est encore temps d’anticiper les conséquences du changement climatique avant qu’elles ne s’aggravent, mais bientôt il sera trop tard », souligne la Directrice générale de l’institution, Kristalina Georgieva. « Les mesures que les villes prennent maintenant pour faire face à l’arrivée grandissante de migrants fuyant les zones rurales et faciliter leur accès aux études, à la formation professionnelle et à l’emploi seront payantes à long terme », ajoute-t-elle.
Une approche multiniveau
En raison des vents et des courants marins, les répercussions liées aux changements climatiques ne se restreignent pas aux limites territoriales. Montréal, métropole située à plus de 150 km du feu de forêt le plus près, s’est retrouvée en tête du palmarès mondial le dimanche 25 juin pour avoir obtenu le pire score en qualité d’air au monde selon l’index d’IQAir. La fumée dégagée par les incendies massifs a d’ailleurs été perceptible jusqu’à New York, aux États-Unis, quelques jours avant.
Dans les cas moins glamours ou médiatisés, la désertification grandissante en Afrique et la pollution de sources d’eau partagées en Asie sont aussi des symptômes transfrontaliers des changements climatiques. Qu’il s’agisse des bornes de l’île de Montréal, des côtes du Mékong ou encore de la bordure du Sahel, les localités sont impactées de façon croissante par les choix de leurs voisins.
Outre les réponses nationales, il faudra donc forcément que les pays parviennent à une réponse concertée, car il est de plus en plus évident que les changements climatiques font fi des frontières. Veronika Frydrych mentionne, de façon très pragmatique : « il est clair que si les pays développés ne changent pas la façon dont ils consomment et gèrent leur environnement, nous continuerons d’assister à une augmentation de la migration liée aux changements climatiques ».
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