La clause dérogatoire validée par la Cour d’appel du Québec 

Par Xavier Bernard 

C’est dans la journée du 29 février que la Cour d’appel du Québec a rendu son jugement sur la Loi sur la laïcité de l’État, aussi connu comme la Loi 21. Le jugement de la Cour est unanime : la clause dérogatoire est inscrite dans la constitution pour être utilisée et doit le rester. 

Si le sujet vous parait plutôt anodin, détrompez-vous. La loi 21 est la première loi utilisant la clause dérogatoire au Québec depuis la fin des années 80, où elle avait servi de signe de protestation contre la Loi constitutionnelle de 1982. Bien que l’article 33 soit inscrit dans la constitution canadienne, certains remettent en cause son utilité.  

Pour bien comprendre la clause dérogatoire, il s’agit d’un article de la Loi constitutionnelle de 1982, permettant d’outre passer la charte des droits et libertés fédérale, soit l’article 2 ainsi que les articles 7 à 15 de la constitution canadienne. C’est donc de prendre des mesures pour le bien collectif au détriment de certains droits et libertés individuels. Elle doit, toutefois, être remise sous protection de l’article 33 tous les 5 ans. 

Processus 

Habituellement, une loi qui désire restreindre les libertés individuelles passe par l’article 1 de la constitution, soit le test de Oakes, seulement si la loi est amenée devant une Cour pour atteinte à la liberté. Cet article prend en compte, comme l’article 33, que les droits individuels ne sont pas absolus. Cependant, contrairement à l’article 33 qui permet d’outre passer, sans critères, les différentes chartes, l’article 1 doit passer le test de Oakes. Ce dernier correspond à l’ensemble des critères sur lesquels les juges doivent se baser afin d’assurer la mise en place d’une loi législativement fonctionnelle dans la société. 

Il faut se rappeler que l’article 33, soit la clause dérogatoire, a vu le jour lors du rapatriement de la constitution en 1982. L’ajout de la charte des droits et libertés dans la constitution fait alors beaucoup d’opposants à sa signature, puisqu’elle exige aux nouvelles lois de se conformer à cette dernière. C’est d’ailleurs pourquoi la clause dérogatoire voit le jour. 

Jugement 

Lors du jugement de ce jeudi passé, la réponse était claire : non seulement la Cour d’appel du Québec ne compte pas invalider le fait d’utiliser la clause dérogatoire, mais ils retournent le jugement de la première instance. Pour la Cour d’appel du Québec, la loi 21 est compatible avec l’article 23 et n’affecte donc pas les droits scolaires linguistiques des minorités anglophones au Québec. 

L’utilisation de la clause dérogatoire peut poser certaines interrogations. Bien qu’elle doive être renouvelée tous les cinq ans, elle permet l’adoption de lois brimant les droits et libertés individuels inclus dans plusieurs articles de la constitution canadienne. 

Néanmoins, le test de Oakes soumis à une Cour ultralibérale pourrait théoriquement signifier le rejet de toutes lois brimant la charte des droits et libertés individuelles. L’article 33 pourrait alors être utilisé afin d’outrepasser ce blocage juridique. 


Source: Getty images

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