Par Yedidya Ebosiri
Depuis trois semaines, quelque 2 000 cas suspects et 41 décès détectés font état de la résurgence du choléra sur le territoire haïtien. Largement sous-estimé, le bilan de l’épidémie se fait lourd et ne cesse de croître.
L’angoisse est palpable : entre 2010 et 2019, la bactérie massacre plus de 10 000 personnes. Devant cet ennemi de longue date, Haïti peine à orchestrer une riposte efficace.
Pillage, blocage, grève : les nombreuses crises humanitaires qui sévissent dans le pays complexifient la situation. D’un côté, le contrôle du terminal pétrolier de Varreux par une bande armée contribue à la pénurie de carburant depuis plusieurs mois. Par conséquent, les habitants des bidonvilles assistent au décès de plusieurs malades, faute de transport vers les centres de traitement.
Le manque de carburant interrompt également la distribution d’eau potable. Or, la réhydratation durant quelques jours est une étape cruciale dans la prise en charge des individus infectés. En effet, le choléra est une infection diarrhéique virulente dont les symptômes peuvent être traités avec succès par l’eau. Cependant, le choléra s’avère mortel si aucun traitement n’est administré dans les premières heures.
Bien qu’il existe un vaccin contre la maladie, son efficacité ne dure que cinq ans. Cela dit, la dernière campagne de couverture vaccinale en Haïti remonte à 2017. Actuellement, des démarches sont entreprises pour coordonner la réception de vaccin à l’échelle nationale. Or, l’offre est inférieure à la demande.
Un véritable cauchemar
Située en banlieue de Port-au-Prince, Carrefour-Feuille, tout comme l’agglomération de Cité Soleil, a été désignée comme l’épicentre des cas recensés. Parallèlement, des gangs y rôdent, faisant de ces communes des endroits risqués. Impossible pour les ONG comme Médecins sans Frontières de s’y rendre pour désinfecter les logements.
Parmi les victimes, les enfants de moins de 14 ans sont aux premières loges. Ulrika Richardson, coordinatrice humanitaire de l’ONU en Haïti, est dépassée par la situation : « des enfants tellement mal-nourris qu’il était difficile d’insérer une perfusion dans leur bras ou leur jambe […] », décrit-elle selon Radio-Canada.
Face à cette horreur sanitaire, le gouvernement haïtien lance un cri d’alarme à la communauté internationale. Le Conseil de sécurité dit réfléchir au déploiement d’une force d’urgence pour rétablir l’ordre au sein du pays.
Le rôle de l’ONU
Pourtant, les Nations unies portent la responsabilité de l’introduction de la maladie sur le territoire haïtien. Après le séisme tristement célèbre qui a frappé le pays en 2010, des Casques bleus népalais déversent des matières fécales dans les eaux de l’Artibonite. Il s’ensuit une contamination massive qui cause une explosion de cas alors que la maladie avait disparu depuis plus d’un siècle.
Dans un contexte de désorganisation sanitaire et sociale, l’épidémie gagne du terrain à une vitesse monstre. L’ONU n’a reconnu son rôle dans l’affaire que six ans plus tard. Entre-temps, elle avait ajusté les protocoles de déploiement de ses soldats dans les pays à risque : parmi les procédures désormais obligatoires, la vaccination des forces militaires contre le choléra est une réponse à la tragédie vécue par Haïti.
Crédit image @ONU