Lun. Mar 25th, 2024

Par Abdennour Edjekouane

Alors que la crise amazonienne est en train de se transformer en crise diplomatique entre la France et le Brésil, les incendies en Amazonie progressent et de nouveaux départs de feux sont enregistrés presque chaque jour. L’activité humaine, notamment la déforestation intensive, semble être la cause principale de ce désastre écologique.

Un engouement planétaire

Impossible de dresser un bilan actuellement tant le nombre d’incendies et les ravages occasionnés sont élevés. Les feux qui ne semblent pas s’apaiser ont consumé des centaines de milliers d’hectares en l’espace de quelques jours : 1284 départs de feu ont été enregistrés le 2 septembre dernier et 1044 le jour suivant dans la forêt amazonienne, aggravant la situation alors que 18 avions et presque 4000 hommes déployés par l’armée brésilienne combattent les flammes depuis le 24 août dernier. Le récent engouement médiatique a sonné l’alarme parmi la population et les différents États, notamment ceux du G7, qui ont annoncé récemment l’établissement d’une aide internationale. Ce soutien de 20 millions de dollars, aurait servi notamment à affréter des avions Canadair pour combattre les flammes. Dans un autre registre, le G7 s’est également entendu sur un plan d’action à moyen terme destiné à la reforestation, qui sera présenté à l’Assemblée générale de l’ONU, à la fin de septembre, et pour lequel il faudra encore attendre l’accord du Brésil.

À travers le monde, des voix s’élèvent contre les politiques du président brésilien, l’accusant de ne pas agir concrètement et d’avoir mis du temps à autoriser l’armée à intervenir. Un appel au boycott avait même été lancé sur Internet au cœur de la crise, notamment sur Twitter avec l’hashtag “BoycottBrazil”. Des célébrités, comme Leonardo DiCaprio, ont été les premiers à sensibiliser la population à ce désastre; d’autres, à l’image de Tina Kunakey et Zoe Kravitz, ont même interpellé les différents médias, s’étonnant de leur mutisme et de leur indifférence.

Des tensions diplomatiques

Pour le président brésilien : « Il n’est pas vrai que la forêt amazonienne brûle » et assure « que le nombre d’incendies de cette année demeure inférieur à la moyenne des dernières années ». Cependant, l’Institut National de Recherche Spatiale du Brésil a recensé en fin juillet la destruction de 4699 km2 de forêts tropicales, contre 2810 km2 durant la même période en 2018. Au cours du mois de juillet 2019, 2255 km2 de forêt amazonienne ont disparu. Parallèlement, un décret est entré en vigueur jeudi le 29 août dernier interdisant temporairement des brûlis agricoles. Une mesure annoncée pour tenter de ralentir l’avancée des incendies en Amazonie et démontrer la réactivité du Brésil, qui se trouve face à la pression internationale.

Cependant, pendant que les flammes ravagent la forêt, un autre feu s’alimente dans les relations franco-brésiliennes; les deux pays connaissent une crise diplomatique sans précédent, alors que les chefs d’État respectifs ne semblent plus se supporter. Le président français Emmanuel Macron avait notamment critiqué la gestion des incendies en Amazonie de son homologue brésilien Jair Bolsonaro, et a déclaré vouloir discuter de la souveraineté de cette région. Bolsonaro, pour sa part, déplore la volonté de l’Élysée « d’instrumentaliser le sujet pour des gains politiques personnels (…) et que la suggestion du président français de discuter des affaires amazoniennes au G7 sans la participation de la région évoque une mentalité colonialiste dépassée au XXIe siècle ». Cette escalade dans les tensions entre les deux pays est apparue dès les premiers jours suivant l’élection de Jair Bolsonaro, quand ce dernier a exprimé sa volonté de quitter les accords de Paris sur le climat, essuyant alors les critiques de Macron.

Ces critiques sont-elles toutes justifiées? S’il n’est pas responsable directement des feux de forêt, Bolsonaro est néanmoins dénoncé pour son laxisme concernant la protection de l’Amazonie et de l’environnement en général. Il est également accusé d’encourager les politiques de déforestation, résultat de l’exploitation intensifiée des terres amazonienne. De plus, depuis son élection, les moyens octroyés par l’État en termes de contrôle des incendies ont diminué. D’après Marc Piraux, géographe et agronome en poste à Belém, à l’entrée de l’Amazonie : « le gouvernement n’est pas propice à la protection de l’Amazonie, (…) les amendes ont même été réduites concernant l’abattage forestier illégal ». D’autre part, l’Institut Brésilien de l’Environnement et des ressources naturelles renouvelables (IBAMA), qui se déplace sur le terrain pour contrôler les différentes activités de déforestation, et qui a agi en début d’incendie, a connu une importante baisse de subventions du gouvernement. Il se trouve alors à faire moins de contrôle, augmentant ainsi l’exploitation illégale du bois.

Les poumons de la terre

Large d’une superficie de 5,5 millions de km2, et occupant 40 % du continent sud-américain, l’Amazonie est dotée d’un riche écosystème partagé par neuf états amazoniens, dont le Brésil, qui abrite 60 % de la forêt amazonienne, le Pérou, la Colombie ainsi que la France (Guyane). Des milliers d’hectares de terres sont détruits dans le but d’utiliser la terre pour l’agriculture et comme pâturage pour le bétail. Cette escalade dans la destruction de cette grande région semble être le fruit de la politique de Jair Bolsonaro qui s’était engagé en faveur de l’ouverture aux investisseurs agricoles en Amazonie et à l’assouplissement de certaines réglementations.

Ainsi, le « poumon de la terre », en plus de sa biodiversité, subit les affres de l’activité humaine, toujours portée sur la rentabilité économique au détriment de la préservation de l’environnement. En dépit des bonnes intentions affichées par les États lors des grands rendez-vous environnementaux (comme la COP 21), il n’en demeure pas moins que la logique économique prend souvent le dessus sur la logique écologique. Pendant ce temps, la planète subit les conséquences de cette course effrénée au rendement et, lentement mais sûrement, se meurt dans l’incroyable immobilisme de la communauté internationale.


Crédit Photo @ SudOuest.fr

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