Par Benjamin Le Bonniec
Connaissez-vous le manifeste artistique, ce genre qui entre texte et geste cherche avant tout à atteindre toutes les formes d’originalité? Ayant connu son âge d’or dans le premier tiers du 20e siècle, ce genre collectif aspirait à ouvrir une nouvelle en matière artistique et notamment à ouvrir une voie distincte. En d’autres termes, le manifeste s’apparente à un projet commun d’un regroupement de plusieurs artistes qui cherche avant tout à se créer une identité collective singulière, donc originale.
« Nous déclarons qu’il faut mépriser toutes les formes d’imitation et glorifier toutes les formes d’originalité », voilà ce que pouvait annoncer le Manifeste des Peintres futuristes en 1910. Aussi, on reconnait bien là l’ambition du manifeste artistique, de chercher à tout prix à ouvrir une nouvelle voie artistique dans l’espace public. Qu’en est-il aujourd’hui de cette démarche centenaire alors que nous sommes aujourd’hui au sein d’une société contemporaine qui s’apparente à une ère de la singularité?
Car nous en sommes là aujourd’hui, loin de ces considérations d’une société dite mainstream. On remarque que la recherche de singularité est apparente et évidente chez la grande majorité des artistes. N’en déplaise à certains, notre société tend bien plus à se démarquer de l’autre, à ouvrir sa propre voie, peu importe les modes et les élans globaux. Les inspirations et les idées s’entremêlent, mais les émanations et la verve artistique se renouvellent de façon incessante.
Aujourd’hui, pour s’en sortir, pour vivre de son art, se démarquer apparait comme la préférence assumée de nombreux artistes. Telle une avant-garde historique, le manifeste artistique s’apparentait à cette recherche de singularité tout en la combinant à une démarche d’un groupe réduit. À l’ère des coopératives et des divers regroupements d’artistes, cette démarche prend aujourd’hui un peu plus de sens.
Ouvrir sa propre voie dans la singularité est à encourager, mais l’artiste doit se méfier de l’originalité. Certains pensent qu’il suffit d’être excentrique, de transgresser les règles, voire de provoquer le public. Pourtant, être original s’apparente à un déroulement artistique plus complexe. Suffit-il d’apporter un vent de fraîcheur et de nouveauté à l’art ou doit-on chercher à se faire valoir à travers son identité, aussi singulière soit-elle?
L’artiste cherche donc à se prouver aux autres, à prouver sa singularité et donc à se détacher du reste de l’art. Être unique représente son faire-valoir, bien au-delà de sa progression au sein même du domaine artistique. Est-ce que la recherche de la singularité apparait valable à l’heure actuelle? Aussi, d’un point de vue personnel, rechercher la singularité ne doit pas pousser l’artiste à refuser de voir que son œuvre peut être beaucoup plus que sa notoriété personnelle.