L’ère est à l’écrit plus que jamais, mais pas n’importe quel écrit, l’écrit numérique. Textos, Facebook, Twitter, Snapchat… On en dévoile un peu plus chaque jour.
Laurie Marchand
On n’écrit plus seulement une petite liste d’épicerie par-ci par-là, on passe notre temps à écrire tout et n’importe quoi et sans grand soin, qui plus est. Mais ça s’explique, on texte l’heure à laquelle on va arriver à la maison, on écrit un mémo Facebook pour savoir ce que notre convive souhaite manger pour souper, on bâtit un blogue au sujet de nos trouvailles culinaires. Tous des trucs banals. On ne sort pas nécessairement sa plume d’auteur pour demander à un collègue de classe où on doit déposer le travail à remettre en comptabilité.
L’écrit se banalise lorsque vient le temps de parler du quotidien, de la pluie et du beau temps. Ce qu’on disait à l’oral autrefois, on l’écrit maintenant sur 22 plateformes et applications pour que notre message soit réverbéré au plus grand nombre de lecteurs possible, quel qu’en soit l’intérêt ou la pertinence. L’important c’est d’obtenir le plus de likes, de shares et de commentaires. « Notre statut social n’a d’égal que le nombre d’interactions que nous avons sur les médias sociaux », disait Confucius, ou c’était peut-être Passe-Montagne aussi.
Les seuls écrits qui échappent à cette règle d’antipoétisme des textes modernes font partie du concept de Spotted. C’est le moment idéal pour tous les romantiques de tailler leurs crayons, mais surtout d’exercer leurs doigts, pour composer quelques vers poétiques à l’inconnu qui nous a charmés au coin de la rue. Les meilleurs compositeurs pourront sans doute espérer trouver l’amour au bout de quelques lignes, alors que d’autres, plus habiles sur la blague, trouveront le moyen d’être partagés des centaines de fois. Et comme une image vaut mille mots, Dominic Dubé s’est trouvé à être la vedette du Spotted : Université de Sherbrooke alors qu’il jouait au volleyball, en tenue de plage. C’est Geneviève Leroux qui était à l’origine de cette photo qui a semblé plaire à plus d’une. L’image ô combien poétique a fait le tour du campus en quelques heures et le joueur de volleyball d’occasion a fait rêver toutes les étudiantes esseulées.
Quoique pragmatiques dans nos écrits quotidiens, les plus 2.0 d’entre nous n’hésitent pas à se creuser le ciboulot pour surprendre et séduire quand vient le temps.
Les détracteurs de l’ère numérique et les amoureux de la plume sur papier parchemin décrieront haut et fort que tous les messages textes, Facebook, Twitter et autres abrutissent et détériorent la qualité du français. Trop d’abréviations, trop d’acronymes comme lol, BTW, et qq1, trop de problèmes de participe passé (on dit vendre, ou vendu?), trop d’omissions de « s » au pluriel… Le français est au bord du gouffre diront-ils. Rien n’est moins vrai que ce constat! Évidemment, bien des internautes sont loin d’être des grammairiens, mais ils se forcent tout de même à écrire quelques trucs dans un français plus ou moins standard. Autrefois, ces mêmes personnes n’auraient tout simplement pas écrit. Elles auraient travaillé à faire un petit boulot manuel et leurs seules interactions à l’écrit se résumeraient à signer des cartes de fête et à gribouiller des listes d’épicerie.
Il faut comprendre que tout le monde n’est pas né pour être rédacteur, scénariste ou auteur de livres pour enfants. Toutefois, internet démocratise l’idée qu’on se faisait des écrits et de la publication. Autrefois, tout devait être impeccable pour qu’un texte soit publié à grande échelle alors que maintenant, n’importe qui peut rédiger un texte médiocre et le mettre en ligne aux yeux du monde entier en quelques clics. La langue ne se détériore pas pour autant, elle est simplement moins contrôlée sur le net, comme elle l’a toujours été à l’oral.
Et pour tous les amoureux de Spotted, je vous laisse sur ladite photo de Dominic Dubé qui parle d’elle-même.